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Critique de mariecesttout


A 88 ans, âge qu'elle avait en écrivant ce livre, Benoite Groult me semble être une jeune femme. Il faut dire qu'elle l'écrit elle-même, elle n'est vraiment « née » qu'à 50 ans! C'est cette seconde naissance qu'elle nomme son évasion, évasion lente et difficile ! Mais alors, qu'a-t-elle donc fait avant? L'enfance dans un milieu bourgeois très protégé, la guerre qu'elle a peu vu passer, un seul but, le mariage!
" Quel philtre avais-je donc bu, se demande-t-elle, pour être restée le quart de ma vie en léthargie tandis que le monde civilisé s'effondrait autour de moi ? "écrit-elle en racontant une anecdote assez terrible sur la conduite de sa famille devant une petite fille juive venant leur demander de l'aide.
" Il allait me falloir encore vingt ans et trois mariages pour me rendre compte que je jouais avec des dés pipés. »
Et aussi: "L'inégalité s'apprend dès l'enfance. Je l'avais ingurgitée sans grimaces en doses quotidiennes pendant vingt ans et je l'avais totalement assimilée."

C'est ainsi que dans ce livre dans lequel elle raconte sa vie avec pas mal d'humour et une honnêteté assez rare, elle explique quel a été son cheminement, et surtout quelles ont été ses difficultés pour parvenir à simplement prendre conscience d'inégalités flagrantes. Sur quels exemples se baser, que ce soit dans l'histoire, la religion , ou la littérature ?

"Il faut, je crois, que l'un des deux en se mariant renonce entièrement à soi-même et fasse abnégation non seulement de sa volonté mais même de son opinion; qu'il prenne le parti de voir par les yeux de l'autre, d'aimer ce qu'il aime. Mais aussi quelle source inépuisable de bonheur quand on obéit ainsi à ce que l'on aime! L'on fait à la fois son devoir et son bonheur". Ben voyons…

C'est un extrait d'une lettre d'Aurore Dupin à une amie lors de son mariage avec Casimir Dudevant, citée par Benoite Groult disant que 100 ans après, elle aurait pu écrire la même chose, elle qui comme la future George Sand , a reçu une claque lors d'un dîner d'amis, de la part de son mari Georges de Caunes , pour avoir exprimé un avis différent du sien …

C'est un livre bien construit, fait à la fois de récit et d'entretiens avec Josyane Savigneau. Un livre très vivant, un beau portrait de femme qui n'a pas peur d'affronter ses (et nos..) propres contradictions et de se moquer d'elle-même. Une femme qui nous fait un inventaire assez drôle des héroïnes féminines et de tout ce qui leur arrive comme malheurs , une femme qui aime la mer, la pêche, les jardins, les livres et tellement de choses, et une femme qui parle avec beaucoup de sincérité du vieillissement , sujet qui n'est pas si souvent abordé.
De la mort aussi, mais…

"Tant que je saurai où demeurer, tant que je serai accueillie en arrivant par le sourire de mes jardins, tant que j'éprouverai si fort le goût de revenir et non celui de fuir; tant que la terre n'aura perdu aucune de ses couleurs, ni la mer de sa chère amertume,ni les hommes de leur étrangeté, ni l'écriture et la lecture de leurs attraits; tant que mes enfants me ramèneront aux racines de l'amour, la mort ne pourra que se taire.
Moi vivante, elle ne parviendra pas à m'atteindre."

C'est joli..



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