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Critique de jcjc352


Style écrit plutôt dense, littéraire assez lointain de l'oralité que l'on aurait attendu d' un migrant d'Afrique noire, même si Gurnah prend soin périodiquement d'insérer quelques interjections, vocables ou prières musulmanes pour rappeler le contexte d'origine.

Deux personnages principaux:
Un vieil homme s'exprimant avec pondération, un langage recherché mais fatigué. Il fait preuve de réserve pour ce qu'il voit. Son raisonnement et comportement sont empreints d'africanité et de dévotion. Tout dénote chez ce migrant une certaine position sociale dans son pays d'origine.
le plus jeune, actif socialement parlant, est déjà phagocyté par la société occidentale Il en comprend toutes les convenances car il les pratique comme un occidental mais reste africain dans l'âme. le ton employé est plus léger et vif. Il fait partie de l'intelligentsia de son pays.
Tous deux se replongent dans leurs souvenirs qui vont se croiser car ils sont natifs de Zanzibar. Ils vont aborder le contentieux qui les lie.
C'est le thème essentiel du livre qui traite de conflits d'intérêts purement et typiquement africains ici en l'occurrence une spoliation de biens entre familles qui aura de terribles conséquences .
Gurnah montre que la vie africaine entre autochtones n'est pas un long fleuve tranquille. Il amoindrit, blanchit (hum hum pas très judicieux mais c'est le mot qui va le mieux) partiellement l'action pernicieuse de occident colonial.
Ici tout tourne autour de liens toxiques créés entre une famille et un marchand. Il est surtout question au départ de liens commerciaux entre Hussein le perse et un fonctionnaire, d' hypothèque et de prêt qui va envenimer les rapports des uns et des autres, de séduction pédophilie et de chantage sexuel.

C'est le coeur du récit qui se découvre par petites touches par les questionnement des antagonistes. Ils se perd dans des liens de familles très compliqués, un peu ardu à suivre pour un occidental. Des rapports très musulmans de filiation, d'héritages, de malveillance entre famille, de rancunes tenaces qui se transmettent aux descendants, s'enveniment interminablement et sur lesquels viennent se greffer la religion et la politique.
Gurnah parle de nostalgie du pays malgré des conditions de vie très difficiles. En souvenir le pays y est magnifié au premier abord. Pourtant le quotidien africain décrit n'est pas paradisiaque mais l'éloignement impose au migrant des souvenirs émouvants: une manière simple d'accepter l'exil.
Gurnah n'est pas tendre sur les conditions de vie au pays après l'indépendance sous des régimes totalitaires. L'emprisonnement arbitraire fait loi et les individus sont spoliés et broyés par les puissants.

L' immigration est un thème très secondaire. Ces deux migrants ne font pas partie des déshérités qui parcourent l'Afrique en tous sens pour trouver un zodiac et traverser la Méditerranée, ils prennent l'avion. Gurnah a choisi des notables. Leur sort est plutôt enviable. Ils ne subissent ni violence, ni répression et l'occident y apparaît dédiabolisé presque serein.
le colonialisme est abordé en toile de fond presque anecdotique .Ce sont les méfaits de la réglementation commerciale imposée par les anglais qui va entraîner des conflits entre africains

Gurnah laisse comprendre qu'un exil en occident est préférable à un maintien au pays sous une dictature africaine qui applique une violence interafricaine qui n'a rien à envier à celle des coloniaux et qui moralement est pire.

Je n'ai pas trouvé ce livre un style typiquement africain mais plutôt une narration qui m'a rappelé Mahfouz, pour la description du milieu familial, des rapports entre les membres de la famille, des affaires commerçantes, de l'alcool et la religion. Un style Mahfouz en moins lourd, moins raide et pontifiant mais généreux. Une africanité blanche du nord musulman.
Pas d'écrivain noir prix Nobel depuis 35 ans le choix d' Abdulrazak Gurnah au regard des méventes de ses ouvrages (d'après ce qu'il en est dit) et donc une certaine absence de notoriété et de lisibilité, est plus une opportunité politique et élitiste (élection par ses pairs) que basé sur ses écrits ou/et une bibliographie largement partagée par des lecteurs.
Une sorte de rééquilibrage de la vision de l'occident et surtout de l'Afrique par un africain, vision consensuelle qui peut être... lui a valu le Nobel. Enfin un africain modéré a primer, depuis trente ans c'était l'occasion à ne pas manquer le dernier était plutôt vindicatif!
Ce livre est d'une grande qualité, de la bonne littérature internationale.
Un beau récit charmeur comme on aimerait en lire plus
souvent.
Tous à Zanzibar! Un pays formidable d'après John Brunner mais conté superbement par Gurnah.
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