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Critique de moravia


Le héros de Paul Guth dans le Naïf aux quarante enfants (Albin Michel) ne compte pas parmi ces tièdes auxquels Dante a réservé une place dans son Enfer. Ses difficultés viennent, au contraire, de son ardeur à exercer son métier. Après nous l'avoir peint écolier dans ses Mémoires d'un Naïf, puis soldat dans le Naïf sous les drapeaux, Paul Guth nous le montre dans les débuts de la carrière du professorat. Fils d'un mécanicien, passionné par le monde que les livres lui ont ouvert, il souhaite faire partager sa ferveur par les quarante garçons de sa classe de troisième - "cette classe dont je faisais le tabernacle des délices" - au lycée de N...
Il aime ses élèves : "J'étais un fondateur d'état qui pétrit un peuple vierge." Naturellement, ses expériences le déçoivent parfois. Ses turbulents auditeurs ont l'inconsciente férocité de la jeunesse, mais, plus souvent encore, ils sont ardents, joyeux, ils communient en Homère, Villon, Racine. " Une fois de plus, la classe me consola", dit le Naïf. Il réussit à rendre vivant pour ces adolescents le monde de l'Antiquité et les grands auteurs. Il les rapproche d'eux, il les décrasse de l'appareil scolaire académique, en fait des personnages contemporains, leur prête nos sentiments et notre langage. " Trop de professeurs tuent toutes ces choses par leur formalisme. Il faut les ressusciter. Par l'allusion à l'actualité, les quiproquos, les plaisanteries même. Les classes ne sont pas des cimetières, mais des sources bouillantes de vie."
Phèdre est un brasier que des jeunes gens doivent comprendre. Ces méthodes, ce zèle étonnent et, parfois scandalisent le proviseur, le censeur, les collègues, endormis ou prudents. Les familles s'en mêlent. Pères et mères, importants, orgueilleux ou inquiets de leur progénitures, créent des incidents. Leur défilé comique nous vaut des scènes de comédie, comme les rapports avec l'Administration, avec les diverses hiérarchies de la province, secrète, conformiste, pleine de pièges cachés.Naturellement, chez ce jeune professeur, la vie sentimentale apporte son aventure. Il s'éprend de la mère d'un jeune élève, Madame Lantois, d'origine italienne. Leur amour, complaisamment décrit, découvre au Naïf quelques horizons nouveaux et peut-être plus encore, pour son enrichissement, la douleur. le livre est ravissant, plein d'enchantements, d'arabesques gracieuses, de préciosités, d'images fleuries, et pourtant il n'est jamais ni pédant ni artificiel. le plus subtil dosage de poésie, d'ironie tendre, de spontanéité, lui donne sa couleur personnelle. le Naïf est à la fois innocent et avisé, aimable et prudent, confiant et prêt à sourire de lui-même. Sa vision du monde chasse sans cesse les images toutes faites, mais, sous l'humour cocasse et tendre, il y a un Paul Guth plus profond, plus sensible que l'ironiste brillant auquel le réduiront des lecteurs pressés. Ce livre plaît surtout par la qualité de sa sensibilité, par la délicatesse de ses pudeurs et de ses ferveurs.
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