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Citations sur Le Naïf aux quarante enfants (15)

Quand je vis, du dehors, la maison qui m'attendait, j'eu peur. Elle penchait si fort qu'elle ne pouvait, me semblait-il, que tomber. Mon collègue qui était du pays m'affirma qu'il connaissait dans la ville une centaine de maisons qui penchaient davantage. C'était le charme du Moyen Âge, que venaient photographier les touristes. Ma propriétaire aussi penchait. C'était une vieille dame, veuve d'un général. Elle se propulsait en avant par un déboîtement qui, à chaque pas, inclinait son corps selon un angle dangereux. Les lois de la pesanteur exigeaient qu'elle tombât. Par un miracle dont elle ne semblait pas étonnée, elle restait debout.
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J'avais fini mon service militaire. J'attendais ma nomination de professeur.
" Ah ! soupirait mon père, si tu t"étais contenté de la licence, tu aurais pu rester ici !..."
Mon agrégation lui causait des soucis. D'une part il s'en montrait fier. J'étais le seul intellectuel de la famille et il trouvait très beau qu'en République le fils d'un mécanicien pût, à coups de bourses, être agrégé.
" Les agrégés, expliquait-il à ses amis, deviennent ministres, écrivains, ou présidents du Conseil..."
Il avait lu un article de la Petite Gironde qui citait Jules Romains, Daladier, Herriot...Il s'imaginait peut-être que le président de la République et l'Académie consultaient chaque année les listes d'agrégation et distribuaient les portefeuilles et les fauteuils suivant le classement.
Mais il restait une tristesse, que mon père gardait pour lui. Ou qu'il partageait avec ma mère, dans ces conversations secrètes qu'un fils ne connaît jamais tout à fait. Cette agrégation allait peut-être "me rendre fier".
(incipit)
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Je découvris avec tristesse que ma chaire ne comportait pas une caisse en bois pleine. Le prestige ordonne de cacher les jambes. L'Eglise et la Justice le savent. Elles enveloppent de robes leurs prêtres et leurs juges. Un cardinal et un président de la Cour de Cassation dont on verrait les mollets ne représenteraient plus ni Dieu ni Thémis.
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Les mots -bouche- et -cuisse m'avaient toujours ému. -Cuisse- à cause de ses deux s, qui reproduisent le glissement, l'une contre l'autre, des cuisses satinées des femmes. -Bouche- à cause de la chaleur du ou, suivi du ch, qui reproduit la moiteur des lèvres qui se mêlent.
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J'avais fini mon service militaire. J'attendais ma nomination de professeur.
"Ah! soupirait mon père, si tu t'étais contenté de la licence, tu aurais pu rester ici!..."
Mon agrégation lui causait des soucis. D'une part il s'en montrait fier. J'étais le seul intellectuel de la famille et il trouvait très beau qu'en République le fils d'un mécanicien pût, à coup de bourses, être agrégé.
"Les agrégés, expliquait-il à ses amis, deviennent ministres, écrivains, ou présidents du Conseil..."
Il avait lu un article de La Petite Gironde qui citait Jules Romains, Daladier, Herriot... Il s'imaginait peut-être que le président de la République et l'Académie consultaient chaque année les listes d'agrégation et distribuaient les portefeuilles et les fauteuils suivant le classement.
Mais il restait une tristesse, que mon père gardait pour lui. Ou qu'il partageait avec ma mère, dans ces conversations secrètes qu'un fils ne connaît jamais tout à fait.
Cette agrégation allait peut-être "me rendre fier". Les instruments de mon élévation étaient les livres. Ces grimoires risquaient de m'éloigner de mes parents. Mon père les contemplait avec une admiration mêlée de terreur.
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J'avais terminé mes études, et conquis un des grades les plus élevés de l'Université. J'étais libéré de mes obligations militaires et prêt pour la vie. Mais un cordon ombilical m'attachait encore à ma mère : mes chemises.
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Jusqu'alors je n'avais jamais voulu admettre qu'il existât, en pédagogie, des problèmes insolubles. Je pensais qu'en conjuguant la fascination du magnétiseur et la tendresse du mentor, le professeur pouvait arriver, tôt ou tard, à faire comprendre n'importe quoi à n'importe qui. Maintenant je m'apercevais de mon erreur. Guido Lantois relevait du chirurgien. On aurait dû pratiquer sur son cerveau une lobotomie. J'imaginai que mon scalpel tranchait dans une de ses circonvolutions cette membrane qui l'empêchait de distinguer cum préposition de cum conjonction. Et je renonçai pour toujours.
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Ils se rangèrent comme je l'avais dit. Alors je me promenai lentement sur leur flanc et les inspectai. Corseté dans ma petite taille, le mollet impitoyable, le talon sec, je me sentais un Bonaparte à Toulon. Une tentation militaire me gagna. Devais-je dire : En avant ? Si l'un deux ajoutait Marche ! tout s'écroulait. Devais-je me borner au civil et anodin Entrez ! Quelqu'un pourrait chuchoter un après vous, je vous en prie !
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"Nous venons pour Phèdre, commença Mme Feillard d'une voix suraigüe.
- C'est une honte! ajouta, d'un ton de basse-taille M. Bouterol.
- Jamais nous n'aurions cru qu'un professeur pourrait dire en classe des choses pareilles!...
- Nous avons l'esprit large, mais tout de même!..."
Ils se relayaient. Ils essayaient leurs forces. Les deux autres les observaient.
Mme Rimières entra en lice.
"Honteux!... Dégoûtant!..."
Ces exclamations grésillaient au fond de sa lèvre en louche à soupe et se répandaient sur son corsage comme un bouillon.
"Vous n'avez pas honte, monsieur?"
M. Noterolle intervenait enfin. Un cache-nez lui mangeait le bas de la figure, comme le voile des Touareg. La saison ne justifiait pas ce masque. Peut-être cachait-il là-dessous une blessure affreuse. Peut-être appartenait-il aux "Gueules Cassées". Mes démêlés avec le concierge ajoutaient une grande crainte au respect que j'ai toujours voué aux anciens combattants.
Le quatuor préludait sur le thème de la honte. Il avait l'air aussi de se tâter pour voir qui prendrait la tête de l'assaut. Une femme? Un homme?...
"J'ai lu Phèdre souvent, dit Mme Feillard. Je n'y ai jamais vu tout ce que vous y avez mis. C'est de la perversité!
- Ne croyez pas, monsieur, ajouta l'homme au cache-nez, que vous soyez le seul à connaître Phèdre. Trop de jeunes professeurs s'imaginent que le monde n'existait pas avant eux.
- Honteux!... Dégoûtant!... continuait à grésiller Mme Rimières.
- Je sais bien..., lança M. Bouterol, qui avait réservé ses forces. Certains voudraient que l'on fît de l'éducation sexuelle au lycée. C'est nous, les parents, qui devons nous en charger, suivant que nous la jugeons utile ou non."
J'aurais dû peut-être me taire jusqu'à ce qu'ils s'épuisent. Sénèque conseille de laisser le colérique se vider.
Mais je serrais mes poings depuis trop longtemps. Mes ongles mordaient ma chair. Je devais laisser fuser un peu de vapeur.
"Quel rapport y a-t-il entre Phèdre et l'éducation sexuelle?
- Quel rapport, monsieur?... C'est vous qui me posez cette question?..."
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- Hier soir, à cinq heures, vous n'avez pas reçu une dame ?
- Jamais !...
- Une dame avec un manteau de fourrure...qui portait des fleurs, une bouteille et un paquet ?..
- Pas le moins du monde !
- Mais nous étions deux à la voir : Léonie et moi..Elle a sonné...Nous avons ouvert la porte...
- Deux personnes pour ouvrir une porte ?...C'est beaucoup ! Vous voyez bien que c'est invraisemblable..
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