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Critique de Lamifranz


Dans les années 50, 60 et 70, il y eut en France une catégorie d'auteurs souriants, à la fois satiristes (féroces, même, pour certains), romanciers ou novellistes, souvent excellents écrivains, polémistes redoutables (du genre réactionnaire, généralement), d'une carrière littéraire honorable, mais que tout le monde a oublié au jour de leur disparition : leurs noms restent encore dans les mémoires, pour quelques livres à succès qu'ils nous ont légués, mais qui, aujourd'hui, lit encore les oeuvres de Jean Dutourd ? de Yvan Audouard ? de Jean Cau ? de Paul Guth ? Pourtant je vous jure bien qu'à leur époque ils ont été célèbres…
Paul Guth fait partie de ces écrivains pleins d'esprit, bien servis par une plume alerte et vive, partagée entre humour et tendresse. Né à Ossun (Hautes-Pyrénées) en 1910, mort à Ville-d'Avray (Hauts-de-Seine) en 1997, il laisse une oeuvre importante : romans (deux cycles émergent : celui du « Naïf » (7 volumes – 1953-1970) et celui de « Jeanne la Mince » (4 volumes – 1960-1963), et un nombre impressionnant d'articles et d'essais parmi lesquels on retiendra une « Histoire de la littérature française » (1967) non conventionnelle et réjouissante (telle qu'on peut la deviner dans « le Naïf aux quarante enfants ») ou un pamphlet prémonitoire paru en 1980 : « Lettre aux futurs illettrés ».
« le Naïf aux quarante enfants » (1955) est le troisième volume de la série du « Naïf », il est précédé par « Les Mémoires d'un Naïf » (1953) et « le Naïf sous les drapeaux » (1954), et suivi par « le Naïf locataire » (1956), « le Naïf amoureux » (1958), « le Mariage du Naïf » (1965) et « Saint Naïf » (1970)
L'auteur écrit en exergue : « Ce livre est un roman, lieux et personnages sont imaginaires ». Mon oeil ! Paul Guth a écrit là une oeuvre en grande partie à teneur autobiographique. J'en veux pour preuve les noms de lieux qu'il égrène au cours de son récit : si la ville de N… n'évoque pas grand-chose, celui de Villeneuve sur Lot (Lot-et-Garonne), où il a passé son enfance et sa jeunesse, et celui d'Ossun (Hautes-Pyrénées), où il est né et où vit la famille de sa mère, donnent au roman un tour très personnel.
La trame du roman est simple : un jeune professeur raconte ses débuts devant une classe de quarante élèves (classe de 3ème). Ses options pédagogiques, un peu trop modernes pour ses collègues et une partie des parents d'élèves, amènent quelques tensions. Parallèlement, il lie une relation avec la mère d'un de ses « quarante enfants » …
La première chose qui m'a frappé, en lisant ce livre, indépendamment du sujet, c'est le ton employé. A la fois familier, presque confidentiel, il est aussi d'une grande justesse, le choix des mots est parfait, et surtout il laisse transparaître un humour tendre avec un soupçon d'ironie, qui irrésistiblement m'a fait penser à Marcel Pagnol, le Pagnol des « Souvenirs d'enfance ». Subtil sans être précieux, précis sans être lourd, le style de Paul Guth séduit par sa simplicité et son empathie avec le lecteur, et rend la lecture agréable et même délicieuse.
Sur le fond, mes amis Babélionautes qui ont été ou sont encore des profs de français seront plus à même de juger si la méthode employée par le Naïf est adaptée ou pas. Il est vrai que cette méthode peut surprendre : « Quand Villon avait besoin de grisbi, il préparait un bisenesse. Il lui fallait de l'oseille, car il aimait bien se fendre la pipe. Pour écluser, à lui le pompon ! Mais quand il eut buté Philippe Sermoise, quelle corrida ! Il avait les poulets sur le paletot. Il dut riper de là. » Pour l'époque (les années 50), c'était quand même un peu … téméraire ! Mais dépoussiérer les programmes devrait faire partie, justement, des programmes, l'essentiel étant – Paul Guth ne dit pas autre chose – non pas d'inculquer des connaissances, mais de les partager, en les faisant aimer…
Tous les profs de Français, qu'ils soient anciens ou actuels, devraient se reconnaître dans ce portrait qui leur ressemble. Et au-delà des profs, beaucoup de lecteurs se retrouveront dans ces vraies-fausses naïvetés, où se forgent nos personnalités, quand notre candeur (juvénile au départ, mais durable même à l'âge adulte) se heurte aux vicissitudes de la vie…

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