Quelle langue rythmée et colorée dans ce premier roman !
Les deux narrateurs sont deux frères élev5és dans une cité de banlieue, de père syrien arrivé en France pour faire ses études dans les années 80 et de mère bretonne décédée trop tôt. Après des démêlés avec la justice et un échec scolaire,
Grand Frère est chauffeur de VTC . Durant ses courses, il commente sa vie précaire, les quartiers, son enfance, son addiction aux joints, son rapport à la religion, les copains, les femmes.
Petit Frère , infirmier, travaille dans un grand service hospitalier de Paris. Pétri d'humanisme, il se laisse embobiner par une ONG musulmane et part en Syrie en catimini où il pense apporter des soins indispensables aux civils blessés . Arrive sur place, il se trouve piégé parmi les combattants de l'Etat Islamique et organise un plan pour rentrer en France.
Gran Frère sera là pour l'accueillir et l'aider mais quelle solution quand on rentre de Syrie, sinon la prison ? Tous deux liés par une fraternité redoutable et invincible vont s'engager dans une lutte de survie.
Ce roman frappe par sa langue brute, déroutante, nerveuse. Il mélange l'argot, le verlan, le syrien, obtenant une mélodie spécifique qui nous accompagne le long du récit. Au début, le glossaire est utile pour suivre mais bien vite, on se laisse emporter par le flot de sonorités originales qui rendent le récit savoureux.
L'histoire démarre doucement en alternant les confidences des deux frères, puis devient plus tendue et oppressante en insufflant une intrigue digne d'un thriller en dernier partie , avec une fin étonnante.
J'ai beaucoup apprécié la description précise des banlieues urbaines : on y côtoie la drogue, les trafics , les imams, la pression policière, les kebabs du quartier, les copains fidèles .
Grand Frère illustre bien le problème du déracinement avec un père syrien et une mère bretonne; il ne sait se situer, se cherche dans la religion, se perd dans la drogue .Tout en étant lucide sur son mal être, il souhaite seulement un vue simple dans ce pays compliqué mais qui est le sien.
Je n'oublie pas le père, le Daron, accablé par son veuvage et le départ de son fils cadet, émouvant dans son maintien des traditions culinaires du pays, le dernier lien avec la Syrie disparue. Son manque de vocabulaire français pour exprimer son amour filial est remplacé par sa générosité culinaire.
Ce roman m'a émue par sa puissance, son humanité !
Je remercie 68PremieresFois pour cette lecture.