Un premier roman étonnamment vivant, et appréhendant de nombreux sujets de société, délicats et fortement d'actualité...:
"Pas de colonne vertébrale: ni vraiment français, ni vraiment syriens, ni vraiment autochtones, ni vraiment immigrés, ni chrétiens ni musulmans. Des métèques sans savoir pourquoi on l'est. (...) Comment retrouver son chemin quand on sait pas d'où l'on vient. "(p. 72)
l'émigration, le mal-être des jeunes de banlieue, qui ne trouvent pas leur place, le déracinement, les difficultés avec la langue française qui induit une aggravation de l'exclusion sociale...
Le besoin de se jeter dans une cause , pour se sentir exister (et parfois les choix proposés se révèlent plus dangereux et suicidaires, que le mal premier)....La radicalisation des jeunes, qui cherchent leurs racines, une identité...mais c'est aussi un très bel hommage aux liens fraternels. Là, le
grand frère dit son exaspération, ses énervements envers son cadet,
mais aussi son amour inconditionnel, irremplaçable à son encontre !
"Petit Frère
Tu sais , Frérot, je suis comme toi. J'ai deux moi. (...) Et y avait l'autre moi, celui qui voulait sauver la Terre. Parce que le monde m'appelait au secours. La nuit, j'entendais les pleurs des enfants palestiniens, maliens, soudanais, somaliens et syriens, et de tous les autres; Les bombes pleuvaient sur les
innocents, et moi, impuissant, je devenais fou; Il paraît qu'on vivait dans le pays de la liberté, des droits de l'homme, mais rien que l'Etat sponsorisait des bombardements sur les innocents. Je me suis longtemps demandé pourquoi j'étais parti. La vie, c'est complexe. Les choix qu'on fait, les routes que l'on emprunte dépendent du boy caché au fond de notre cerveau. de la manière dont il se construit. Dont il s'enrichit jour après jour. Et de l'état d'esprit du moment. Y a des routes où tu peux faire demi-tour
et d'autres où, quand tu y mets le pied, c'est fini. Et encore d'autres, où tu ne sais pas ce qu'il y aura au bout. "(p. 15)
Une fois passée la petite contrainte d'aller au glossaire final pour saisir certains mots, qui ne manquent pas de couleur, ni de pittoresque , on est entraîné dans un tourbillon : celui de l'histoire de cette famille franco-syrienne!!...
L'auteur , en effet, mélange à dessein, à la fois, le verlan, l'argot français, l'argot arabe ,le gitan, etc.... à l'image de cette société de jeunes, issus des communautés les plus diverses ! [ Comme il est précisé dans la présentation finale du glossaire: "Chers lecteurs, pour vous faciliter la lecture et vous faire découvrir le vocabulaire énergique et vivant d'une partie de la jeunesse, voici un glossaire " !]
Un roman des plus percutants sur les jeunesses des banlieues, leur mal-être , leur recherche d'une autre destinée que celle de leurs parents, la crise, le racisme, les dérives religieuses et quasi-sectaires, la famille, les copains...et le besoin universel de trouver une "Raison de vivre"...envers et contre tout !
"La seule vérité, c'est la mort. le reste n'est qu'une liste de détails. Quoi qu'il vous arrive dans la vie, toutes les routes mènent à la tombe. Une fois que le constat est fait, faut juste trouver une raison de vivre." (p. 9)
Un premier roman que je trouve très réussi; une vraie pépite, qui aborde des sujets sociétaux préoccupants, avec une langue originale et un rythme vigoureux...Du sombre, de l'inquiétant...mais aussi la lumière incroyable résidant dans l'amour de ces deux frères, aussi dissemblables qu'inséparables , que complémentaires ! ...
"Mon frère, c'était un homme qui a trouvé sa voie en s'occupant de la vie des autres. Un coeur tendre, bousculé par la détresse du monde. Hier, il aurait prié pour l'abbé Pierre, aujourd'hui, c'est pour la Syrie et la Palestine, et après-demain, il aurait pu courir vers n'importe quelles larmes. Ainsi était mon frère. (...) Ma moitié. Mort ou vivant, il est avec moi, partout, tout le temps, à chaque instant, dans chaque geste, dans chaque mot.
(...) Il a pris une route. Une simple route. Et il aurait pu en prendre une autre. C'était son choix. (...) Ma plus grande leçon d'humanité, c'est lui. " (p. 264)