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Critique de stalker


PIERRE GUYOTAT a la réputation d'être un auteur difficile, très intellectuel : l'on se souvient de vagues rumeurs de scandale, d'un livre plus ou moins censuré, du temps de la guerre du Viêt-Nam, ou d'Algérie, de couvertures d'Art Press, cette revue en noir et blanc, que l'on n'a jamais osé prendre entre ses mains, de peur de passer pour un obsédé (il faut dire qu'elle se trouvait tout au fond du rayon "Pour adultes", aux côtés de "Ma femme s... des k...s" ou "La Brouette tonkinoise, le retour")...

ALORS, quid du prix Médicis ? L'auteur s'est peut-être calmé depuis la fin de la guerre d'Algérie, ou du Viêt-Nam, c'est peut-être le moment de laisser les idées reçues de côté, et d'enfin briller en société...

BON, un peu de pédagogie ne faisant jamais de mal, résumons-nous, afin de lever un malentendu : on peut classer les écrits de Pierre Guyotat en trois catégories, selon qu'ils sont plus ou moins accessibles au lecteur moyen. Idiotie, le dernier sorti, et celui qui vous permettra, grâce au Prix Méd, un coup d'oeil sur un auteur que vous n'auriez autrement pas eu l'idée d'aborder, Idiotie, donc, se classe PARMI LES PLUS FACILES à LIRE.

C'EST là que j'en viens à faire ce qu'aucun lecteur babeliovien n'a eu le courage de faire avant moi (vous comprendrez vite pourquoi) : vous copier quelques lignes d'un texte vraiment DIFFICILE, voire ILLISIBLE :

bacs-flancs marins, lit-clos, ridell', banquett' renvarsées betailliar' o s'alit', epigastr' creusé, sos poids faç' o pil' accompagnateur, creniar' noée crân' ras crim' tatoes plis nuq' cul-d'-jatt' o manchot o muet qu'ac lavr' estafilées, au lever d'son sommeil raspiré sanies Yatchenko, poang à gorj' prostetué, lui tariff' tros appendiç ecrasés à mat'lots, soutiers o chauffeurs, bargers, vachers, lads qu' fessa dechaussés, dechaînettés batt't leur sauç' en sa gueul' liserée d'auror' egeenn' o atlassiann' o cappadoçiann' o edem à son tro edem d'pre-nuit baltiqu' o vosgiann' [...] Oldsmobil', DeSoto, multispir' or yacht, haut' lain' sapt plaç' mâl' sapt femmell', divan bar minijet o Q. G. o dja achiaté, espèc', chèqu, titr', viager, abouicqué, des fois dja qu'tiant ses sapt plaies sos sparadrap lessivé o en attent' d' reglement, desap' son tyrolian à distanç' d'son noveau propriétar'... (Le Livre, p. 19)

VOUS VOYEZ, quand on parle d'un auteur difficile...

RESUMONS-nous, donc : l'oeuvre de Guyotat, inclassable, peut être classée telle que :
TEXTES tout à fait (sic) accessibles : les deux récits fondateurs que sont Tombeau pour 500 000 soldats et Eden, Eden, Eden; puis des textes à caractère autobiographique comme Coma, Formation, Idiotie; enfin des essais, la plupart sous forme d'entretiens, comme Explications ou Humains par hasard.
TEXTES "monstrueux" comme Prostitution, le Livre et Progéniture.
TEXTES de l'entre-deux : Joyeux animaux de la misère et Par la main dans les Enfers.

TERMINONS par une petite mise au point : Guyotat est un auteur contemporain qui vit de manière totalement imbriquée les éléments autobiographiques et textuels. Pour lui, chaque nouvelle expérience d'écriture est une aventure folle qui engage sa santé mentale, et même physique, voire sa vie elle-même : le Livre a été écrit alors que l'auteur vivait dans un camping-car été comme hiver, se nourrissant d'une boîte de petits pois en conserve par jour, et terminant dans le coma.
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