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Critique de isaoubienrien


Idiotie, l'idiome... Il faut l'entendre ainsi : un idiolecte (langage appartenant à une personne, à son individu profondément autre)… à travers lequel Pierre Guyotat dit sa vie, une partie du moins.
Le titre est un programme en soi et c'est la difficulté de la lecture de ce récit. Cependant et contrairement à certaines critiques formulées sur ce site, critiques que je trouve par ailleurs toutes intéressantes, ne serait-ce parce qu'elles disent le ressenti de différents lecteurs (c'est le principe !), je ne pense pas qu'il faille immédiatement chercher à saisir le sens de ces longues séquences phrastiques qui parcourent abondamment le livre. Non pas que j'aie une prédilection pour les récits abscons qui flatteraient mon égo à y trouver ce que d'autres sont incapables de voir, mais parce que le sens vient de ce souffle, de cette syntaxe « idiote », à savoir tout à fait propre à l'auteur.
J'ai donc commencé par une lecture que je qualifierais de « classique » : je lis pour comprendre ce que les mots disent. A l'épreuve de cette lecture, je ne comprenais pas ou mal le lieu de Guyotat. Alors très tôt, et à mesure que je comprenais que je n'allais rien comprendre en continuant ainsi, même si je trouvais certaines séquences très belles, j'ai opté pour un déplacement de ma lecture. J'ai décidé de me laisser prendre (sans jeu de mots, bien que le fin du récit de Guyotat soit obsessionnel à ce sujet – dénonciation de la sauvagerie-barbarie des temps de guerre, des zones de non droit... où le viol et la « misère sexuel » (j'emprunte la formule à Kamel Daoud) des soldats les emportent loin des rivages civilisés (mais sur ce point, il y aurait beaucoup à dire...)… J'ai donc décidé de me laisser prendre par le flot poétique et extrêmement décontenançant de son idiome. Et j'ai vu ! J'ai vu la beauté, complexe, certes, ardue, absconse le plus souvent, mais beauté, néanmoins, de sa langue. Et quelle force ! J'ai donc achevé le livre, malgré mes difficultés pour le dernier quart, difficultés à lire le retour d'éléments qui ont abimé mon gout pour cette prose : défécations multiples, vomissements innombrables, lèvres du sexe des femmes, leurs gorges qui se dénudent, érections malgré le café au bromure et même le vin, odeurs si bien dites qu'elles m'auront parfois écoeurée, le laid, immanquablement, et la souffrance morale, toujours.
Pierre Guyotat dit bien plus que ce que je mets dans cette critique. C'est un témoignage d'une densité et d'un réalisme (réalisme jamais incompatible avec la poésie ! ) superbes. Mais il est parfois difficile de prendre plaisir à le lire. Malgré tout, quelle langue, « tortionnée », tortionnaire… Torturée ?
Les questions qui jaillissent de cette « Idiotie » sont essentielles : que l'Occident puisse encore penser que le monde lui est offert comme une évidente marque de sa supériorité, et, par ce principe, qu'il ait asservi et asservisse encore...
Et si l'autre vivait à sa mesure et à son rythme…
Il y a bien d'autres choses à en dire, tant de choses…Je laisse la parole à mes amis passionnés de lecture, la critique en serait trop longue. Elle l'est déjà.
Bonnes innombrables lectures 2019 à tous les Babéliens!
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