Citations sur Fruits de la colère : Embras(s)er nos débordements (4)
Un slogan féministe bien connu est "il faut que la honte change de camp". Il faut peut être aussi que la violence change de camp, j'ai conscience que c'est inaudible, mais il faut apprendre aux femmes à se défendre, à se battre, à ne rien supporter sans consentement limpide et éclairé. Dès l'enfance, dès les premières classes, à l'école, nous devons éduquer les filles à sortir des moules générés, pas seulement en leur proposant de faire du football, mais en les autorisant à se battre, à se défendre, à hurler, en leur rendant le droit à leurs émotions brutes.
Je ne crois pas [...] que se départir de sa colère soit une bonne chose. [...] Je ne sais pas si je fais confiance aux gens qui ne s'énervent jamais. Je les jalouse un peu, parfois. J'ai appris à faire confiance à ma colère. Elle est un signal puissant que je ne sais plus ignorer. J'ai appris à l'apprivoiser, nous nous sommes rencontrées. Ma vie s'organise différemment depuis que nous vivons ensemble. Nous avons grandi ensemble. Son adolescence à été compliquée, douloureuse. Elle m'a rongée de l'intérieur, elle m'a dévorée tout entière. Elle a été là source de frustrations terribles, à se taper le crâne contre les murs, j'ai voulu qu'elle se casse, qu'elle s'enterre. Elle m'a joué des tours, elle m'a appris à écouter avant de parler, à réfléchir à mes mots, à ne pas être dans l'instantané. Elle a longtemps été mon émotion refuge, quand je n'en avais pas d'autres.
Parlons les unes avec les autres. Si les raisons de nos colères sont partagées, ne serait-ce que par l'une d'entre nous, alors ce n'est pas que dans notre tête, ce n'est pas de la paranoïa. Partagée, la colère ne faiblit pas ; elle s'affine, se précise, se renforce et surtout elle devient légitime. Que l'ennemi le veuille ou non. Car on peut facilement disqualifier la colère d'une personne - elle est "folle" - mais il est plus difficile de disqualifier la colère d'un peuple.
Ce que nous disent les courants dans lesquels nous naviguons [...] c'est que la colère n'est pas universelle. Ni dans son accès ni dans l'image qu'elle renvoie. Ni dans ce pour quoi elle se bat. Ce n'est pas parce qu'on est une femme et qu'on n'a pas eu accès à la colère pendant longtemps qu'elle est maintenant toujours légitime, dans toutes ses formes et ses expressions. Et si tant de personnes encore voient leurs colères légitimes minorisées, stigmatisées et empêchées, il est nécessaire que les plus privilégié.es d'entre nous continuent d'interroger la place que prend la leur dans l'espace public.