-Attention, lança une voix étouffée quisemblait surgir du sol. La falaise est juste devant vous!
Strell s'arrêta net. il regarda le sol et écarquilla les yeux. un ravin s'ouvrait juste devant ses pieds.
- Par la Meute! souffla-t-il, j'ai bien failli basculer.
- Je n'en reviens pas que quelqu'un d'autre passe par ici, lança la voix qui ajouta, après une pause: Avez-vous une corde ?
Strell se remit de sa surprise, rangea sa flûte et scruta le fond du ravin. loin en bas, la lumière des étoiles se reflétait sur l'eau. Soudain tout devint clair dans son esprit.
- C'est votre campement, là-bas, n'est ce pas ? s'exclama-t-il.
- Oui. Je suis resté coincée là toute la journée, répliqua la voix avec une pointe d'exaspération. Avez-vous une corde ?
Son accent était étrange. Ni vraiment des plaines, ni vraiment des contreforts, mais plutôt un mélange des deux.
- Euh, elle ne vous supportera pas. J'arrive tout de suite.
Strell s'assit et se laissa glisser le long du ravin.
- Non, attendez ! cria la voix, paniquée.
Strell perdit totalement le contrrôle de ses mouvements. Il rebondit et roula jusqu'à la petite rivière, où sa courbe s'interrompit si brutalement que ses dents s'entrechoquèrent sous l'impact. Des rochers et de la poussières dégringolèrent à sa suite et il se couvrit la tête en attendant la fin de la petite avalanche. Lorsqu'elle cessa, il leva les yeux vers le visage baigné d'ombre d'une jeune-fille.
Tous les enfants nés dans les contreforts avaient les yeux bleus, la peau pâle et les cheveux clairs. Alissa n'était à l'évidence pas un modèle de fille de fermier. Elle ressemblait trop à sa mère, originaire des plaines. Et si les yeux et les cheveux d'Alissa étaient aussi clairs que ceux de son père, elle avait la haute taille et la peau sombre de sa mère. Son physique tenait de ses deux parents, de sorte qu'elle n'était acceptée par personne, méprisée et détestée de tous.
Strelle sourit. Ni après qu'il eut compris qu'il était certainement amoureux d'elle.
La surface polie lui renvoya l'image de deux yeux marrons, typiques des habitants des plaines, au-dessus d'un nez anguleux et un peu de travers à force d'avoir été cassé trop souvent. Il avait les joues rosies par le feu du rasoir, mais le reste de sa peau avait bronzé lors de ses longues marches sous le soleil. Strell examina un côté de son menton, puis l'autre. Il avait une fossette, et s'il n'y a prenait pas garde, son rasage s'en ressentait. Satisfait, il passa la main dans ses cheveux noirs légèrement ondulés pour arranger autant que possible sa coiffure.
- Ne fais pas ça, souffla Alissa.
Mais les doigts de sa mère frémirent, se tendirent et se refermèrent sur le ruban de tissu cuivré. D'un geste résolu, elle ramena sèchement en arrière ses longs cheveux noirs.
Alissa prit une inspiration tremblante. Elle pouvait encore s'en tirer. Si sa mère se contentait d'une boucle, tout irait bien. Un tour ne posait aucun problème, deux tours promettaient beaucoup de travail et trois tours signifiaient que les ennuis devenaient sérieux.
Alissa déglutit avec difficulté tandis que sa mère réalisait quatre tours de ruban et attachait ses cheveux avec une sévérité que sa fille n'avait jamais vue auparavant.
- J'aurais dû verrouiller sa porte, marmonna sa mère pour elle-même tout en nouant le ruban. J'aurais dû clore ses fenêtres avec des volets.
Sans rien ajouter, sa mère se retourna, puis se dirigea d'un pas rapide dans la chambre d'Alissa, dont elle referma la porte derrière elle.
- Je vais finir en chair à pâté, murmura Alissa. C'est tout. En chair à pâté.