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Critique de Sara2a


TOKYO est le second titre que je lis de cette auteure que j'ai découverte précédemment avec BIRDMAN. Je m'attendais donc tout naturellement à poursuivre la découverte de Mo Hayder avec un thriller du même acabit.
Mais j'ai vraiment été déroutée à la lecture des premières lignes du roman qui sont les dernières pages du journal intime de Shi Chongming, jeune professeur à Nankin en Chine. Ces dernières pages datées du 21 ,décembre 1937 se situent en pleine guerre sino-japonaise au cours de laquelle l'armée impériale japonaise entame un massacre sanglant et sordide sur la population civile chinoise de la ville de Nankin.
Au second chapitre, on découvre Grey, une jeune étudiante anglaise, fraichement débarquée à Tokyo, été 1990, pour y rencontrer ce même professeur Shi Chongming qui semble détenir un film témoignant du massacre de Nankin.
Grey est une jeune femme au passé trouble obsédée par cet épisode de l'Histoire de la Chine; au fil des pages, l'auteure dévoile à demi-mot à l'aide de nombreux flashbacks le passé de l'héroïne. Mo Hayder utilise une nouvelle fois la technique du « puzzle » que le lecteur se doit de reconstituer pour découvrir l'horreur et les atrocités que transporte Grey. Sa quête du film qui au début du roman semble une lubie capricieuse d'occidentale prend très vite une tournure d'obsession malsaine. Qu'est-ce qui pousse Grey à prendre autant de risques pour retrouver ce film? En dépit des apparences sous sa folie latente on sent une détermination inaltérable un attrait pour le morbide qui ne rendent pas vraiment le personnage attachant mais qui l'entoure d'une aura presque mystique.

Le roman offre une galerie de personnages atypiques et angoissants. le professeur Chongming que l'on découvre au travers de son journal, un homme cultivé et peu enclin aux croyances et traditions de son pays nous dépeint en direct l'horreur de la guerre. Dans le récit de Grey il apparaît plutôt comme un ange déchu recelant des secrets et des desseins inavouables.
Grey quant à elle côtoie au hasard de son périple des personnages mystérieux et malsains qui semblent eux aussi détenir de terribles secrets. Des personnages qui font froid dans le dos et qui évoluent dans des décors qui semblent hantés par des esprits malsains. Un Japon froid, sombre où grouille une mafia puissante et intouchable.

En plus de l'intrigue épine dorsale du récit, Mo Hayder nous livre sa connaissance du Japon dont elle semble maîtriser la langue, l'histoire, la mythologie et les coutumes.

Les deux récits en parallèle celui de Shi Chongming au travers don journal et celui de Grey de sa voix, séparés par un peu plus d'un demi siècle , donnent un relief particulier au roman. Chacun y apporte une atmosphère de plus en plus sombre, chaque indice ou éclaircissement plonge le lecteur dans des interrogations de plus en plus intenses.
Mo Hayder est pour moi, sans aucun doute, un grand maître du suspens macabre. L'intrigue et les quêtes des deux narrateurs s'emmêlent et se démêlent en douceur .

Mo Hayder nous présente un thriller décapant mais elle nous apporte également un témoignage réaliste de l'histoire avec un grand H. Nankin a effectivement été en décembre 1937 le théâtre d'un holocauste qui m'était jusqu'alors inconnu. Après quelques recherches j'ai découvert qu'effectivement l'armée japonaise a commis un véritable génocide sur la population civile de Nankin. La plume de Mo Hayder sur ce fait historique en rapporte réellement un témoignage cru et réaliste. D'après certains historiens ce massacre a fait plus de 430.000 morts soient deux fois plus qu'à Hiroshima et Nagasaki réunis. Aujourd'hui certains politiciens hauts placés nient encore ce massacre. Dans la plupart des livres scolaires au Japon cet épisode est occulté ou ne mérite que quelques lignes. Certains Japonais d'âge murs le découvrent de la bouche de leurs enfants.
Le film de Shi Chongming est une fiction mais il est fort probable que des films témoignant de ce fait existent réellement et qu'ils ne puissent pas refaire surface pour le moment du fait d'une politique de négationnisme. Il est donc nécessaire de saluer Mo Hayder pour ce troublant témoignage hommage à toute un peuple qu'elle a su parfaitement intégré à son roman que j'ai trouvé « magnifiquement terrible ».
Un coup de coeur pour moi !
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