Citations sur Pacific Bell (12)
Aimer, ce n’est pourtant pas partir et à cet enfant, les parents se jurèrent d’offrir, un jour, en signe de réconciliation, La Nopalera. C’est pourquoi ils lui donnèrent le nom d’Adam, dont l’étymologie renvoie tout autant à l’Humanité qu’à la Terre rouge.
Nous sommes comme les roseaux verts : une fois coupés, ils ne verdissent plus jamais ! Les hommes, au contraire, possèdent une âme qui vit éternellement, qui vit après que leur corps s’est changé en poussière ; cette âme monte à travers la subtilité de l’air jusqu’aux étoiles qui brillent, et, de même que nous nous élevons du fond des eaux pour voir le pays des hommes, ainsi eux s’élèvent à de délicieux endroits, immenses, inaccessibles aux peuples de la mer.
Même si aujourd’hui cet espoir de vivre en paix et en démocratie s’avère hors d’atteinte, nous arborerons la main rouge levée, la main rouge lavée par la couleur. C’est une façon de dire que nous sommes tous responsables de cette dérive si nous ne faisons rien. Et si rien ne change, nous aurons longtemps du sang sur les mains.
En fait, le rouge cochenille n’est pas un rouge à proprement parler, mais toutes les nuances qui en découlent : du brun oxydé de la terre boueuse et argileuse au sombre violacé des nuits d’orage, en passant par les frappants fuchsias des robes des plus belles courtisanes de Mitla et le sang brûlant de la chair qui se déchire. On dit que la couleur de la cochenille est à l’image du Mexique. Une fois qu’on a compris la façon dont cette couleur se révèle, c’est avec plus de révérence qu’on s’en approche.
On faisait l’amour et, même dans ces moments, je ne voyais pas ses yeux. J’imagine que moi aussi, j’avais le regard fané. Tu sais, à force de travailler clandestinement pour le cartel, j’ai perdu le goût de tout.
Danser pour être avec les autres, pour s’étonner du monde qui l’entoure, c’est ce qui plaît à Sofia. Oublier le temps d’une soirée la peur de perdre La Nopalera, sa culture, son identité, pour se liquéfier dans ces corps allant et venant sans ordre aucun, se frottant, se frôlant, se désirant, se déchaînant. Un groupe de drag-queens vient tout juste de passer le pas de la porte et prend d’assaut la machine à karaoké, alors que Suzanne et Sofia enchaînent les cocktails et les shooters, assises au comptoir.
La nuit, le désert n’est plus le même, pense-t-elle. On y perd la mesure des choses.
Elle préfère se mentir, comme on ment quand on dit que le soleil se lève, comme elle ment lorsqu’elle dit qu’il y a du sang sur la paume du cactus, simplement pour contempler plus longtemps ce fantôme qu’elle tente de ramener à la vie dans un conte qu’elle livre à la radio. Elle connaît pourtant la vérité, elle n’est plus la saigneuse de cactus qu’elle a été et ce n’est pas du sang, mais de la couleur qui coule sur la paume du nopal. Le rouge d’une fleur ou de la chair, allez savoir ce que chacun peut y voir. Sofia, elle, se contente de sa vérité.
La peur est le pire ennemi ; il est faux qu’elle protège du danger. La peur vous recompose à votre insu.
L’amour du désert, comme l’amour de l’océan, a des sources profondes.