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Citations sur Refuges (31)

[Erythrée - Saafiya, 19 ans]
Alors, comme beaucoup d'autres, j'ai abandonné l'idée de m'inscrire à l'université. De toute façon, à quoi des études m'auraient-elles servi ? J'avais compris que je ne serais jamais libre de choisir mon métier, puisque c'est le gouvernement qui allait en décider. Mener des études brillantes m'aurait propulsée tout droit dans les bureaux du parti, voire au Cabinet du Président. Obtenir des résultats médiocres m'aurait conduite dans des emplois subalternes ou difficiles, sur des chantiers de construction, dans des ports ou à faire des ménages, voire sous le ventre des soldats. (p. 47)
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Je me demandais d'où il était parti, ce qui l'avait conduit ici. Avait-il fait le chemin tout seul ? Avec un frère, un ami ? Qu'est-ce qu'il fuyait ? La famine, la guerre, la dictature, la torture ? Où rêvait-il simplement d'une vie meilleure . On était avant tout des hommes et des femmes, avec des histoires, des parcours de vie différents. Qui tentaient de construire leur futur sur les ruines de leur passé. Et qui avaient des capacités d'espoir démesurées.
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Je le sais depuis que je suis tout petit : l' Europe, c'est la promesse d'une vie meilleure. Je suis fort, courageux. La fatigue ne me fait pas peur.
Là-bas, je serai discret, laborieux, je ferai les travaux dont personne ne veut.
Je serai heureux de ce qu'on me donnera. Je n'irai pas pour prendre la place de qui que ce soit. J'irai parce que je suis né au mauvais endroit. J'irai parce que j'ai envie de vivre.
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Non, pas des pirates. En réalité, c'est bien plus triste que ça. Ce sont des gens qui fuient leur pays. Ils partent de la Corne de l'Afrique, mais certains s'échouent ici au lieu d'atteindre le continent. Tu n'en as jamais entendu parler ?
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« Pour aller vivre ailleurs, il m'aurait fallu devenir l'une de ces clandestins dont les cadavres desséchés jonchent le Sahara. La mort allait me guetter, me traquer, depuis les zones interdites de la frontière érythréenne jusqu'au Soudan, en Lybie et sur la mer Méditerranée. J'allais subir l'attente, la peur, la faim, le froid. (…) J'allais devenir une ombre. Alors j'ai utilisé les moyens qui étaient à ma portée. J'ai voulu tomber enceinte. Les mères allaitantes étaient dispensées d'effectuer leur service, et je me disais que par la suite, avec une ribambelle d'enfants à les côtés, on finirait par m'oublier. »
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Je le compris quelques années plus tard : dans mon pays [l'Erythrée], ne rien avoir à se reprocher était loin de garantir une quelconque tranquillité. (p. 16-17)
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Je ne sais pas encore où je vais naître, mais je forme le vœu que se soit dans un endroit où l'on laissera nos cœurs battre d'amour et d'espoir
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« Dans le désert, tu pries. C'est tout ce qu'il te reste. Il n'y a plus de jours plus de nuits. Plus d'avant, plus d'après. Plus de pays. Au Soudan ou en Lybie, le Sahara reste le même. Que tu viennes d'Erythrée, de Somalie ou d'Ethiopie, que tu aies douze ou quarante ans, ta réalité se limite désormais à ces trois mètres carrés dans lesquels tu t'entasses avec trente autres migrants. L'arrière d'un Land Cruiser cabossé. Tu le connais par coeur, cet univers. Les trous sur la banquette de velours élimé, dans lesquels tu peux glisser ton doigt pour sentir la mousse qui se délite. La cabine a été enlevée, pour gagner un peu d'espace sur les côtés. Les petites gravures ça et là, sur le plastique ou sur la tôle, comme des traces laissées par ceux qui ont tenté leur chance avant toi. La peau des autres contre tes bras. Leur souffle chaud, les plaintes ou les mots âcres qu'ils lâchent parfois. Le clapotis de l'eau qui se brise contre les parois du jerrican, petite mer agitée – une mer coupée d'essence, pour que personne ne soit tentée d'en boire trop. L'odeur aigre, poisseuse, animale, dont tu ne sais plus si elle t'appartient ou pas et qui ne te dérange plus depuis longtemps. »
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Livre plutot interressant avec une histoire d'esprit.
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p.83

Au bout du sentier qui menait à la maison, Mila posa le pied à terre. Droite ou gauche ? Ruelles pavées ou falaises giflées par le sirocco ? Elle réfléchit quelques instants sur la direction à privilégier.
La veille, elle avait roulé le long de la côte sud, qui alternait les promontoires dentelés et les criques profondes, jusqu’à atteindre la plage des lapins. On la disait être une des plus belles du monde, et Mila était d’avis que la réputation n’était pas usurpée. Il s’agissait d’une petite plage à laquelle on ne pouvait accéder qu’après un quart d’heure de marche, et en dépassant les cohortes de vacanciers dont les visages luisaient sous le soleil, Mila s’était à nouveau félicitée d’avoir pu obtenir un vélo, même celui-là.
La plage était étonnement fréquentée, bien plus que dans le souvenir qu’elle en avait gardé.
Tous les vacanciers semblaient s’y être rassemblés : des familles, des couples enlacés, des enfants couverts de sable de la tête aux pieds. Mila avait louvoyé entre les parasols publicitaires et les crocodiles gonflables, admirant le paysage tout en se brûlant délicieusement la plante des pieds.
A quelques centaines de mètres se dressait le fameux îlot qui donnait son nom à la plage, immense rocher comme posé au milieu du turquoise de la mer pour la seule distraction des plaisanciers.

[…] Mila se remit en selle. Pas de plage surpeuplée cette fois-ci. Elle opta pour la direction opposée. Aujourd’hui, elle longerait la falaise de la côte nord, qu’elle savait plus farouches, plus tourmentées.
La chaussée goudronnée serpentait au milieu d’un plateau de calcaire recouvert de touffes de végétation rase. L’ambiance était différente de celle qui régnait au sud. On disait cette côte désertique. A l’inverse, Mila trouvait qu’elle était pleine de vie. Elle s’arrêta, posa son vélo à terre et s’accroupit pour mieux observer le sol. Les buissons épineux qui, à travers la pierre, trouvaient à se hisser vers la lumière. Les disparitions furtives des lézards dérangés par son arrivée. Les fuchsias, les orangés des fleurs qui s’épanouissaient sur les aréoles de certains cactus, délicates étoiles comme déposées par erreur au milieu des épines. L’odeur du vent. La texture de la terre qu’elle écrasa entre ses doigts. Le cri des mouettes, qui annonçaient qu’au-delà des falaises commençait le règne de la mer.
Mila se releva, grisée par l’intensité de ses sensations.
Elle plissa les yeux : au loin, elle distinguait les voiles claires des bateaux de plaisance qui gravitaient autour de la côte. D’où venaient-ils ? Certains avaient peut-être déjà fait escale dans les ports d’Asie ou d’Afrique avant d’atteindre Lampedusa.
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