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Critique de Patsales


Une femme sans mémoire cherche un lieu d'où elle pourrait remonter le temps. Et elle le trouve : une maison dans laquelle on ne peut progresser qu'à l'envers parce qu'on ne peut y entrer que par la porte de derrière.
Il ne fait pas de doute que l'enquête révélera un traumatisme : pas de révélation fracassante dans ce vrai faux polar mais une atmosphère angoissante intelligemment entretenue par une métaphore doublement filée.
L'un des personnages, aux ⅔ du roman, évoque le palais de Cnossos, rare lieu où s'exprime la si mal connue civilisation minoenne.
« À l'intérieur, il y a une pièce qui a donné bien du mal aux archéologues. Au premier coup d'oeil, elle ressemble à la chambre du roi, mais on s'est aperçu qu'il y avait plein de détails qui ne collaient pas. Tout le monde se demandait à quoi avait pu servir cette mystérieuse pièce.
— Et à quoi servait-elle ?
— À force de réfléchir, les chercheurs ont fini par trouver la réponse. Il s'agissait d'une tombe. »
Or, ce palais inextricablement imbriqué dans la ville qui le pénètre plus qu'elle ne l'entoure est l'image même du labyrinthe où l'architecte Dédale installa le Minotaure, fils monstrueux de la Reine, qu'on cacha pour ne pas aller jusqu'à le tuer et auquel on sacrifiait rituellement vierges et éphèbes.
Thésée finit par le trouver, guidé par le fil d'Ariane.
Si les sexes sont inversés, si c'est la femme qu'un ancien amant va guider jusqu'à l'antre du monstre, la maison qui donne son titre au roman est bien ce dédale au sens propre comme au sens figuré, chaque pièce recélant son lot d'indices pour résoudre l'enquête.
Or, les Grecs -et pas seulement les Crétois- ont inventé la tragédie avec Oedipe, celui qui enquête sur un coupable dont il s'avère bien sûr qu'il n'est autre que lui-même. Oedipe, le criminel ultime (peut-on imaginer pire que de tuer son père et d'épouser sa mère ?) et l'innocent absolu chargé dès la naissance d'un crime qu'il s'efforcera d'éviter par tous les moyens. de même, le monstre à tête de taureau est moins coupable que victime, né d'amours contre-nature voulus par Poseidon pour se venger du roi Minos. Et Keigo Higashino sait aussi nous montrer que les enfants détestables n'ont été rendus tels que par l'orgueil et l'aveuglement parentaux, victimes autant que coupables. Et comme chez les Grecs, il n'est pas sûr que la malédiction puisse un jour prendre fin.
Thésée tua le Minotaure, ce qui ne l'empêcha pas de provoquer la mort de son propre fils.
Toute maison est un tombeau nous dit finalement l'auteur, car il n'y a de famille que dysfonctionnelle, et qui massacre ses enfants.
On n'est évidemment pas obligé de croire qu'un Japonais converti aux mythes grecs a forcément raison. Mais il n'est pas interdit de se demander quels parents nous sommes (et avec quelles motivations nous avons encore pourri nos enfants à Noël !)… tout en savourant l'atmosphère délétère de ce polar très bien fichu
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