Citations sur Justice divine (42)
Les gens normaux, les contacts, les amis, les enfants des amis, le minigolf, les promenades, les nuits avec My. Parfois, il avait l’impression de poser sur lui-même un regard extérieur, persuadé que ce qu’il était devenu se voyait comme le nez au milieu de la figure. Qu’à force de faire tous ces efforts pour agir normalement il obtenait le résultat inverse.
Il ne se rappelait pas en détail les instants qui avaient suivi le moment où il l’avait trouvée ni combien de temps s’était écoulé avant qu’il ne retrouve une forme de contrôle. Il se souvenait que des pensées absurdement banales, comme le fait qu’il allait rater le train pour la côte ouest et que My allait être fâchée, s’étaient mêlées à la conscience de ce qui s’était passé. De ce qu’il avait fait.
Jennifer était morte.
Il l’avait tuée.
D’habitude, elle s’endormait dès que sa tête touchait l’oreiller, mais ce soir elle l’avait tenu contre elle, lui avait caressé les cheveux. Toute proche. Peau contre peau. Là pour lui s’il avait besoin.
Elle était bien pour lui. Il ne la méritait pas. Mais il allait s’en montrer digne. Le temps allait transformer tout ce qui s’était passé en lointain souvenir. Ça disparaîtrait dans le paysage. Un chuchotement muet qu’il apprendrait à ne plus écouter.
Sebastian ne s’en plaignait pas.
S’il le voulait, il avait du succès auprès des femmes. Le plus souvent, il voulait. Presque toujours.
La cour, la séduction et le sexe qui venait après étaient parmi les rares choses qui le tenaient encore debout.
Combler provisoirement le vide. Étouffer la douleur.
Il avait tort, il le savait. Mais savoir qu’on avait tort et faire quelque chose pour y remédier étaient deux choses différentes. Alors il avait continué.
Il était clair qu’elle ne voulait plus avoir le moindre contact avec lui.
C’était sa faute à lui. Bien sûr.
Comme toujours.
Il avait eu tellement de chances avec elle, et n’en avait saisi aucune.
Il était bien conscient d’avoir toujours fait les mauvais choix, de s’être détruit lui-même. Mais chaque fois qu’il éprouvait quelque chose qui pouvait ressembler au bonheur ou même à la sérénité, la culpabilité l’assaillait.
Il l’avait lâchée.
C’était son boulot. Lire les gens, les interpréter et les aider à atteindre tout leur potentiel. Elle était bonne. Bonne pour lui. Il aurait voulu ne pas lui mentir. Mais elle n’avait pas besoin de tout savoir. Une demi-vérité n’était pas un mensonge.
Qu’ils aient un avenir ensemble. Il l’aimait. Il s’était vraiment donné du mal, ces derniers mois. Pour tout laisser derrière lui. Pour redevenir ce qu’il avait été. Celui qui lui plaisait. Le gars simple, gentil, pas compliqué.
My voulait une maison de vacances et, d’habitude, elle obtenait ce qu’elle voulait. Ils s’étaient rencontrés lors d’une fête de la Saint-Jean un peu plus d’un an plus tôt. En octobre, elle avait estimé qu’ils devaient s’installer ensemble et en mai, onze mois après leur rencontre, ils s’étaient mariés.
En juin il l’avait trompée.
Avec Jennifer.
Les femmes avaient peur de sortir seules. Dans toutes les villes, partout. Selon une enquête récente, plus d’une femme sur cinq avait au moins une fois renoncé à quitter son domicile par peur. La liberté de mouvement des femmes était réduite, leurs possibilités limitées. Et c’était en situation “normale”.
Sans violeur en série rôdant en liberté.
La mode. Carlos ne comprenait pas les gens qui s’en fichaient. Ce qu’on portait en disait plus long qu’on ne le pensait. Ou qu’on ne voulait l’admettre. Ça n’avait rien à voir avec l’argent. Le style n’était pas forcément coûteux. On l’avait ou on ne l’avait pas. Par exemple, sa nouvelle collègue, Vanja Lithner : bonne policière, rien à redire sur la personne, même si elle n’était pas surdouée pour les relations sociales, mais ça sautait aux yeux : elle ne consacrait pas trois minutes par semaine à se demander quels vêtements acheter ou comment s’habiller.