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sur 69 notes
"Cest juste une histoire et cest ça les histoires."

Enig Marcheur, vit dans un monde de l'après. L'après du « Grand Boum », moment destructeur (guerre chimique?, évènement destructeur?). L'après du décès de son père, mort écrasé sous une pierre. Et cet après, Enig décide d'en coucher par écrit son expérience.

"C'est pour ça que final ment j'en suis venu à écrire tout ça. Pour penser à ce que l'ydée de nous purait être. Pour penser à cette chose qu'est en nous ban donnée et seulitaire et ivrée à elle même."

Dans ce monde où tout est boue, peur (preuh), ignorance (gnorance), où des chiens noirs rôdent et attaquent tout qui s'aventure en dehors des villages, dans ce monde qui a perdu jusqu'à ce qui le situe dans le temps, dans ce monde uchronique et clanique où seul survivre compte, Enig Marcheur, du haut de ses douze ans, par ses actes et par le fait d'en rendre compte en les écrivant, se lance dans une fabuleuse quête de la « Vrérité » . Et il découvre un monde fondé sur l'apparence, où tout le système politique repose sur des spectacles de marionnettes presque doctrinaux.

Mais le tour de force de Russel Hoban (et de son traducteur Nicolas Richard) est d'arriver à nous faire découvrir ce que découvre Enig Marcheur dans le même temps. Car la langue de cet après est elle aussi comme revenue à une forme de préhistoire où toute tradition se veut orale. La langue dans laquelle Enig Marcheur rend compte de son expérience est donc comme bâtarde, écrite mais phonétique, décomposée à l'extrême. Et cette langue éclatée, qui fait déborder la signification et qui ne se recompose que dans la voix, cette langue ralentit la lecture. Et donc elle permet de calquer le temps de la lecture sur le rythme de compréhension du héros.

"J'avé dans l'ydée d'y aller mollo et de fer du solide. Une pansée à près l'aurt chac chose en son tant d'abord les picqué en rond dans la fauss en suite les picqué porteurs en suite les chevrons sur les pixqué porteurs et la rêvel dssus le tout comme le chaume. Donc on pourè tout jour fer le trajet à l'en vers à partir de la rêvel et bien voir comment toul truc été bâti et voilà ce quallè être le style de Enig Marcheur."

La langue ainsi créée pour ralentir la lecture peut alors regorger de sens. Elle est mise en scène de son propre éclatement. Elle est trace et moyen de recomposer ce dont elle est issue. le génie tient ici à accoler à la recomposition phonétique qui permet au lecteur de s'y « retrouver », un découpage qui l'entraîne vers une abondance de signes qui forment un ailleurs autre et inconnu. Ainsi la lecture recompose t'elle dans la voix les termes âme mi en « ami », ou l'amer moi en « mémoire », sans que les deux termes connus et rassurants ne viennent épuiser ni recouper pleinement les premiers. La page est alors le lieu véritable de la création.

"J'ai rien d'aurt que des mots à mtt sul papier. C'est si dur. Par fois y a plus sur le papier vyde qu'il y a quand l'écrit couche dessus. Tes sayes des sprimer les ganrr choses et elle te tournent le dos."

Dans la lenteur de la lecture, qui recrée aussi un temps autre, on découvre un enfant qui découvre ce qui l'entoure et lui-même. Mais aussi que cette découverte reste toujours limitée, car nous sommes parties de cette Vrérité à découvrir.

"On verra jamais le tout de couac ce soit on est tout jour en son mi lieu à vivre de dans ou en meuve ment à le traverss."

Un chef d'oeuvre!
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Tout d'abord, j'ai adoré la langue dans laquelle l'auteur a écrit le livre, "meum que eum suis mis à la parl cette lang deux sang smêlés quid et tourne les maux, leur rdonne an une nous vielle éthiqumologie" ;).

Enig Marcheur continue sa route sans moi, le livre est terminé. Comme toujours arriver à la dernière page laisse un goût amer, "ça m'effet bizarre" de revenir dans mon monde où tous les jours on nous demande de croire dans le mythe de la croissance comme dans "Enig Marcheur", ils espéraient dans le retour du Grand Boum avec le résultat qu'on peut y lire...

J'ai aimé arpenter l'Anterre, une Angleterre post-apocalyptique, avec ce gamin plein de ressources qui semble la seule voix de la raison quand les situations deviennent conflictuelles ou dangereuses. Ce qui m'a le plus plu chez ce personnage c'est sa liberté d'action que seule lui permet sa capacité à laisser les conséquences éventuelles de ces actes de côté pour seulement écouter sa conscience.

Mes seuls bémols : au dernier chapitre, le dernier retournement de situation me laisse un peu dubitative et il y a, à un moment, à Cambry, une ronde avec les chiens qui tout d'un coup marchent sur leur pattes arrières que je ne m'explique pas... (Si quelqu'un se sent de m'expliquer ces passages, je suis preneuse car j'ai l'impression d'être passée à côté de quelque chose de très signifiant.)

En terme d'Anticipation car je n'ose utiliser le terme de sciences fiction pour un monde qui n'a même pas seulement réinventé la poudre ;), c'est l'un des plus originaux que j'ai pu lire.


En postface, l'auteur explique sa démarche ce qui rend le livre d'autant plus vivant. La description de son "mind mapping" créatif est tout à fait farfelu et éclairant.

Ensuite, il y a un glossaire bien inutile et une description de l'édition -j'étais vraiment en manque à la dernière page de l'histoire alors j'ai lu jusqu'à la dernière lettre de cette édition- qui rend fière de posséder une telle merveille ! Je salue particulièrement l'idée de la couv' en "Lucprint Cristal brillant de 198 grammes" qui m'a permis de le lire easy dans le bain sans même l'abimer :).

Mon dernier paragraphe sera pour ovationner le traducteur, Nicolas Richard ! Je n'y pense jamais au traducteur, sauf pour ce roman. Traduire un livre comme çà est digne de figurer dans le Guiness des records. Il a réussi à tordre la langue française à partir d'une torsion de l'anglais pour en faire un parlénigm envoûtant.
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J'en vois qui essayent de fuir, par la porte du fond. Restez encore un peu.
Ceci, messieurs-dames, n'est pas du langage sms, se situe à des siècles de distance d'une simplification bêtifiante du langage. C'est la langue dans laquelle est écrit l'un des romans les plus saissants qu'il m'ait été donné de lire ces dernières années. Ce sont les mutations d'un monde futur que l'on vous offre d'assimiler au plus intime en apprivoisant le parlénigm. Restez encore un peu, car alors vous resterez totalement.

Certains se rappellent peut-être à quel point je fus saisie par le questionnement qui sert de fil au puissant documentaire Into Eternity ? Il s'agissait, pour résumer, d'imaginer, à propos d'un projet de centre d'enfouissement des déchets nucléaires, une manière compréhensible de s'adresser aux générations futures par-delà les millénaires, afin de les avertir de se tenir à l'écart du site. Il y a beaucoup de points d'interrogation dans ce documentaire.
Imaginez ma fascination en trouvant dans le roman de Russell Hoban une réponse possible – plus que possible, puissamment élaborée, et qui emporte d'autant plus le lecteur qu'elle respecte pleinement, et exploite avec brio, l'obscurité et la fragilité des matériaux travaillés, le langage et ses (dé)constructions, la légende et la science, la psyché.

Impression de lecture plus développée sur Psycheinhell :
Lien : http://psycheinhell.wordpres..
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Plus qu'une lecture, c'est une expérience. Une expérience déroutante, parfois difficile, mais singulièrement gratifiante et originale. En inventant un nouveau langage, le Parlénigm, version appauvrie du nôtre, dont il est une sorte d'adaptation phonétique, Russell Hoban nous immerge dans un univers original et prégnant, en 2347 N.C.C.

Une guerre nucléaire (le "Grand Boum") a ravagé le monde, et fait régresser les hommes à l'âge de fer. Ils ont hérité d'une nature dévastée, et, oublieux de la civilisation pré apocalyptique, se sont bâtis, de bric et de broc, une mythologie collective empruntant à de vieilles bribes de religion auxquelles se mêlent des références à une technologie disparue. Incapables de déchiffrer le sens des rares écrits sauvés du passé, ou de comprendre l'utilité des objets d'antan qui jonchent le sol de la campagne du Kent où se déroule l'action, ils ont de leur Histoire une interprétation simpliste et erronée. La figure centrale en est le légendaire Eusa, qui, à la demande de M.Mallin, extorqua le secret de la bombe au Ptitome bryllant, déclenchant ainsi "le Sale Temps".

Enig, douze ans, vient de perdre son père, "oxi dans la creuz où il jobbait". Il hérite de son statut de passeur d'histoires. A ce titre, il prend la route, à la recherche d'une improbable "Vrérité", et conte ses aventures dans le carnet de bord qui compose le récit. Car Enig, contrairement à nombre de ses contemporains, sait écrire...

"Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j'ai oxi un sayn glier il a été probab le dernyé sayn glier du Bas Luchon".

"Enig Marcheur" est un conte grisâtre et pessimiste, dans lequel l'auteur imagine les conséquences de l'utilisation, à des fins guerrières, de la puissance technologique mise à disposition de l'homme. On s'interroge au cours de la lecture sur le sens de la survie humaine dans une société devenue amnésique de ses erreurs, et incapable de se réinscrire dans une dynamique de progrès. La communauté dépeinte dans "Enig Marcheur" laisse une impression de médiocrité, d'appauvrissement intellectuel, et de perméabilité à la superstition. La violence et la "preuh" sont omniprésentes, notamment sous les traits de chiens aux yeux jaunes, qui, revenus à l'état sauvage, dévorent les hommes. Les êtres humains ne sont pas en reste : séparés en deux communautés distinctes qui s'opposent -les fermiers et les nomades-, ils font parfois preuve d'une barbarie primitive.

"Oxi avec sa bite et ses couilles rachées et sa tête presq aussi et son visaj viré au gris et les feuilles mouillées foulées au pieds et ses yeux fixés sur le ciel gris au dssus de lui."

C'est également une évocation puissante de la subjectivité historique, et des dangers liés à l'illusion du progrès... Peut-être le monde dépeint par Russell Hoban est-il finalement celui d'une deuxième chance pour l'homme qui, libéré des valeurs qui ont conduit à sa perte, se voit offert la possibilité de créer une société nouvelle, et que l'époque d'Enig n'est que celle d'une transition vers quelque chose de meilleur ?

Un roman à découvrir, donc, à condition d'être prêt à quelques efforts, surtout en début de lecture. Il se produit ensuite un phénomène d'accoutumance assez étrange, dans la mesure où il rend d'autant plus vivants l'environnement d'Enig et les curieux personnages qui croisent sa route. Et bien que rendue abrupte par cette langue atypique -il faut d'ailleurs saluer le travail de traduction auquel s'est attelé Nicoles Richard, ce que personne n'avait osé faire depuis la parution de ce roman en 1980-, le texte offre malgré tout des moments de divertissement, paradoxalement grâce à la dite langue, qui est en effet l'occasion de jeux de mots parfois grivois, délivrés comme incidemment, avec une sorte de fausse innocence.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Ceci n'est pas un livre. Enig Marcheur est beaucoup plus qu'un livre, c'est une expérience totale et on comprend qu'un culte se soit développé autour de ce roman paru en 1980 en anglais (ou plutôt en Riddleyspeak), enfin traduit trente-deux ans plus tard en Parlénigm grâce aux éditions Toussaint Louverture et au génial Nicolas Richard.

L'humanité a été détruite par une apocalypse nucléaire – le Grand Boum, et les hommes sont retournés à l'âge de fer ; la vie n'a plus beaucoup de prix parce qu'il faut bien bouffer et survivre. Dans ce monde où ne subsistent plus que des fragments de connaissance, les hommes ont gardé la conscience, et pour certains la honte, de ce qu'ils ont perdu, tout en étant remplis d'illusions sur ce qu'est la science et la connaissance, comme peuvent l'être des enfants.

« J'ai murmué à mon tour : "O ce qu'on été ! Et où on en est rivé !" »

Enig Marcheur a douze ans. Dans ce futur lointain, c'est l'âge d'homme, il quitte son clan, part en quête du monde et couche ses aventures et ses émotions sur papier.

A l'image de l'humanité, le langage n'est pas sorti indemne de cette apocalypse, il a été détruit, découpé en morceaux (en mort sots). La lecture d'Enig Marcheur est donc une aventure intense parsemée d'obstacles, de frustrations et enfin de satisfactions car il faut apprivoiser la langue de ce livre, le Parlénigm.
Enig Marcheur nous plonge dans la confusion de ce monde, en même temps qu'il nous ramène de force à la lenteur de la marche à pied et de la tradition orale de transmission des légendes. Russell Hoban réussit la performance géniale de nous mettre dans la peau d'Enig Marcheur, face à la violence de ce monde, dans la peau de ce héros habité par une volonté farouche de comprendre et de raconter, avec des mots et une compréhension des événements retombés en enfance.

«Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j'ai oxi un sayn glier il été probab le dernyè sayn glier du Bas Luchon. Toute façon y en avé plu eu depuis long tant avant lui et je me tends plus à en rvoir d'aurt. Il a pas fait le sol trembler ni rien quand ila foncé sur ma lance il été pas si gros en plus semblé chétif.»

Vers la fin de sa vie, Russell Hoban, qui ne manquait apparemment pas d'humour, aurait dit « I think death will be a good career move for me». Il est malheureusement décédé en 2011, avant la publication en France de cette traduction extraordinaire de Riddley Walker, qui je l'espère recevra la reconnaissance qu'elle mérite.
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Abandon

Un bel ouvrage d edition, une couverture qui attire et un sujet qui vous accroche. Mais voulant vraiment'en'phasecavec ses personnages et leur époque, le livre est dans une écriture essentiellement phonétique mais pas que... du coup après 80 pages d efforts terribles j ai jeté l'éponge.
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C'est un ovni dans lequel je me suis plongé sans réellement réfléchir aux conséquences.
C'est un texte abrupte qui remet en question de nombreux fondements dans nos sociétés.
C'est un chemin périlleux et sublime.
La place du langage est primordiale, ainsi que celle des histoires et des légendes.
Enig pose trop de questions auxquelles les habitants ne souhaitent pas toujours y réfléchir.

Un choc verbal intense

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Je suis triste ce soir, triste parce que j'ai laissé tomber Enig Marcheur alors que ça faisait si longtemps que j'avais envie de le découvrir.
J'abandonne non pas parce que l'écriture est spéciale, déroutante et compliquée : au bout de quelques pages on s'y fait à ce "massacre" de l'écriture telle qu'on la connait. Il suffit finalement de l'oraliser et tout est déjà plus compréhensible. Il y a même de la poésie dans cette façon de déstructurer les mots.
Non j'abandonne parce que l'histoire ne m'intéresse pas, je n'ai pas envie de connaitre la suite, de savoir ce qui arrive à ce jeune garçon...

J'aime les livres atypiques, les expérimentations mais encore faut-il que l'histoire en vaille la peine.
Tant pis pour moi... au moins j'aurais essayé...

PS : chapeau bas à Nicolas Richard le traducteur !
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Effectivement, ceux qui voient le langage ou une oeuvre comme un monolithe, quelque chose d'incorruptible, pourraient bien voir leurs certitudes s'ébranler à la lecture de ce livre. S'ils ne le rangent pas trop vite dans la case "un truc bizarre / mal écrit parce qu'expérimental". Qu'est-ce qu'on tente ici ? On peut s'apercevoir que l'histoire – des personnages qui deux mille cinq cent ans après une guerre nucléaire dans les années 90, tentent une reconstitution d'un passé mythique (notre époque) et du grand boum, un complot s'en mêle – se ramasse à l'intérieur d'un texte où les mots se sont transformés et créent plusieurs entrées de sens. le livre de Russell Hoban est un gigantesque trou noir dans lequel Canterbury (Cambry à l'époque du livre), magnifique ville au charme vétuste, s'est transformé en fange malfamée.

Le texte commence par nous résister – quoi de plus naturel, quand on est confronté à une autre époque de cette façon – en lisant, on entre plus que jamais dans la posture d'un traducteur. On peut le lire à voix haute ou repasser par la tête, il y a toujours plusieurs pistes ; le jeu est de les déchiffrer, disons aussi de défricher un chemin. On peut d'ailleurs constater la prouesse du vrai traducteur, Nicolas Richard, et le travail d'édition toujours très chic, de Monsieur Toussaint Louverture.
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Dans un monde apocalyptique, un garçon d'une douzaine d'années nous met en garde face à nos dérives présentes. Ce chef-d'oeuvre, inconnu en France, est sans doute l'un des textes les plus émouvants et humains tous genres confondus.



Florian.
Lien : http://librairielefailler.bl..
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