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Critique de mesrives


Début des années 30 dans l'Etat de Washington.
Le New Deal du Président Roosevelt est arrivé jusqu'à Grand Coulée, comté d'Okanogan: ici les grands travaux se concrétisent avec la construction d'un grand barrage sur la Columbia.
Une nuée de migrants, de déshérités affluent vers ce point dans l'espoir de trouver du travail, (le krach boursier d'octobre1929 n'est pas encore un mauvais souvenir) ainsi que les Nez Percé de la réserve indienne de Colville.
Dans le chari-vari de cette foule, un fait divers tient le haut de l'affiche: une série de meurtres perpétrés sur des indiens restent toujours non élucidés. Seuls les corps suppliciés et mutilés des victimes parlent...
Dans ces territoires sauvages proches de la frontière canadienne, les hommes sont plutôt des taiseux, que se soit les autochtones ou ceux venus s'installer ici pour profiter de ses terres vierges, y trouver le silence car si il y a du bruit c'est bien dans leur tête, blessures encore ouvertes et traumatismes vifs y tournent en rond.
Dans cette contrée reculée, chacun cherche son Nord, sa dernière frontière pour s'oublier et être oublié.
« Les limites des propriétés et les frontières entre comtés ou contrées restaient des rumeurs. Personne ne savait où le Nord commençait ni où il finissait, mais tout le monde était sûr qu'on y trouvait tout ce que les Blancs redoutaient et le peu qu'il leur restait encore à comprendre. »
Le Nord dernier rempart de la civilisation: s'y tapissent les derniers hommes libres, mais aussi les hors la loi.
Sur cette terre qui fut sacrée, à une époque charnière et transitoire, l'homme dont la spiritualité a été mal mené, qu'il soit un colon blanc, un sang mélé, ou Nez Percé cherche un subterfuge et il va le trouver dans le mythe.
Les missionnaires ont bien fait leur travail, les indiens christianisés après maintes violations, humiliations et exactions ont perdus leurs repères, et les fils de colons sont sans foi ni loi...

Pour son premier roman Bruce Holbert nous propulse dans un monde sauvage et brut où les animaux solitaires ne sont pas encore en voie de disparition mais au contraire pullulent.
Il peint les instants, les moments où la proie se transforme en prédateur et inversement lorsque le prédateur devient à son tour une proie.
Une des figures emblématiques sert cette vision: celle de Russel Strawl, au tableau de chasse impressionnant, ancien officier de l'armée, remis en selle par les autorités locales afin de débusquer le tueur d'Indiens.
Bruce Holbert nous conte avec un rythme bien calculé la légende de l'homme chien, la naissance de son mythe.

Une lecture comme une grande aventure quasi-philosophique, aux relents mystiques, aux fumets extraordinaires mais je n'en dirais pas plus.
Il faut avoir les tripes accrochées et bien en place avant de commencer cette balade, se mettre en selle, et partir sur les traces de Russel Strawl et de Stick son canasson. Avec lui, dans sa traque sanglante, nous allons faire des rencontres insolites et découvrir des personnages haut en couleur rivalisant de ruse, de savoir faire, comme la figure de Jacob Shin.
Mais attention nous pénétrons « un monde où il n'y a pas de justice mais des châtiments », un univers où l'ombre des fantômes, des Stick Indians (les indiens-bâtons, esprits malveillants parfois anthropophages) et des figures héroïques planent toujours telle celle de Wyatt Earp (1848-1929).


Le détour en vaut la peine, une écriture précise, lyrique nous enivre et met tous nos sens en éveil dans une nature grandiose peuplée d'une faune sauvage où il est bon giboyer bartavelles, grouses … et autres animaux à plumes et à poils.
Un roman noir tendance western où souffle un vent de folie, de violence, de liberté et de libération.
A tel point que j'imagine très bien son adaptation façon Les Huit salopards par Quentin Tarantino!

Une belle rencontre avec Bruce Holbert avec ce premier roman noir, qui prends davantage de résonance lorsque l'on sait que l'auteur, né au pied des Okanogan Mountains s'est directement inspiré d'un drame personnel et familial pour écrire ses Animaux solitaires, la vie de son arrière grand-père éclaireur indien de l'armée des Etats-Unis.

Son héros, Russel Strawl, au crépuscule de sa vie m 'a convaincu et je le lui laisse la parole pour conclure:
« Je crois que je ne suis qu'un vieux canasson qui tourne en rond sur une piste. »
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