— Ah ! pour brave qu'il soit, il a prononcé là un mot bien arrogant. Il prétend donc me réduire par la force et malgré moi, moi qui suis son égal. Nous sommes trois frères, issus de Cronos, enfantés par Rhéa : Zeus et moi, et, en troisième, Hadès, le monarque des morts. Le monde est partagé en trois ; chacun a eu son apanage. J'ai obtenu pour moi, après tirage au sort, d'habiter la blanche mer à jamais ; Hadès a eu pour lot l'ombre brumeuse, Zeus le vaste ciel, en plein éther, en pleins nuages. La terre pour nous trois est un bien commun, ainsi que le haut Olympe. Je n'entends pas dès lors vivre au gré de Zeus. Il a beau être fort : qu'il demeure tranquille dans son lot, le troisième ; et qu'à aucun prix il ne cherche à m'effrayer avec ses bras, comme si j'étais un vilain. Il ferait beaucoup mieux de garder ses reproches, ses grands mots effrayants, pour les filles et les fils dont il est le père, afin qu'ils entendent ses ordres — toujours, qu'ils le veuillent ou non.
La rapide Iris, aux pieds vites comme les vents, répond :
— Dois-je porter tel quel à Zeus, Maître de la terre, dieu aux crins d'azur, ton intraitable et dur propos ? ou n'en laisses-tu rien fléchir ? Cœur brave se laisse fléchir. Tu sais que les Erinyes toujours suivent les aînés.
Et l'Ébranleur du sol, Poseidon, à son tour, lui dit :
— Divine Iris, ce que tu me dis là est certes fort bien dit. C'est déjà un bonheur que d'avoir affaire à sage messager. Mais un atroce chagrin m'entre aussi dans l'âme et le cœur, lorsque, moi, son égal voué à une part égale à la sienne, Zeus prétend me prendre à parti avec des mots irrités. Pourtant, c'est dit : pour cette fois, malgré mon dépit je m'inclinerai. Mais j'ai encore autre chose à te dire, et la menace part du cœur. Si malgré moi et malgré Athéné, la Ramasseuse de butin, malgré Héré, Hermès et sire Héphæstos, il entend épargner la haute Ilion, s'il se refuse à la détruire et à donner grande gloire aux Argiens, qu'il sache bien qu'entre nous deux ce sera une inguérissable rancune.
Chant XV, discours de Poseidon.
Pauvres bêtes ! […] Est-ce donc pour que vous ayez votre part des douleurs avec les malheureux humains ? Rien n'est plus misérable que l'homme, entre tous les êtres qui respirent et qui marchent sur la terre.
Chant XVII, discours de Zeus.
Ah ! qu'il périsse donc, chez les dieux comme chez les hommes, cet esprit de querelle, ce courroux, qui induit l'homme en fureur, pour raisonnable qu'il puisse être, et qui semble plus doux que le miel sur la langue, quand, dans une poitrine humaine, il monte comme une fumée ! et c'est de la sorte qu'ici j'ai été mis en courroux par le protecteur de son peuple, Agamemnon. Mais laissons le passé être le passé, quoi qu'il en coûte, et maîtrisons, puisqu'il le faut, notre cœur en notre poitrine.
Chant XVIII, discours d'Achille.
Mais Hector aperçoit Patrocle magnanime reculant, blessé par le bronze aigu. Il s'approche à travers les rangs ; avec sa pique, il le frappe au bas-ventre et pousse le bronze à fond. Patrocle tombe avec fracas, pour le grand deuil de l'armée achéenne. On voit parfois un lion venir à bout en combattant d'un sanglier infatigable ; tous deux, pleins de superbe, à la cime d'un mont, sont là à batailler pour une mince source, où chacun prétend boire, et le lion finit par dompter sous sa force le sanglier haletant. Ainsi le vaillant fils de Ménœtios, après tant de guerriers par lui abattus, se voit à son tour enlever la vie par un coup à bout portant d'Hector, fils de Priam.
Chant XVI.