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Critique de oiseaulire


Ce livre fut édité en 1960 par l'écrivain d'origine roumaine Vintilă Caftangioglu né en 1915 et qui prit le nom de plume de Vintila Horia.
"Dieu est né en exil" obtint le prix Goncourt en 1960, mais à la suite de la révélation par le journal L'Humanité et la revue Les Lettres françaises, de son passé et de ses écrits fascistes, ce prix ne lui a pas été remis. Il reste attribué et non décerné cette année-là.
Je cite Wikipédia : "Après le renversement d'alliances de la Roumanie, qui rejoignit les Alliés en 1944, Horia fut fait prisonnier par les autorités nazies en Italie pour avoir refusé de rejoindre le gouvernement en exil d'Horia Sima et interné dans les camps de concentration de Karpacz et de Mariapfarr, avant d'être libéré un an plus tard par l'armée britannique.
Le 21 février 1946, devant des tribunaux roumains, Horia est condamné à la prison à perpétuité pour avoir favorisé la pénétration des idées fascistes en Roumanie".

Vintila Horia vécut alors en Italie, en Argentine et en Espagne où il mourut en 1992. Toute une vie de proscrit qui lui inspira "Dieu est né en exil".

Il semble ne pas avoir renié totalement ses idées puisqu'il collabora après-guerre à la revue "Nouvelle Ecole" , périodique du GRECE (Nouvelle Droite) à laquelle appartinrent entre autres Georges Dumézil, Mircea Eliade, Jean Cau, Pierre Gaxotte, Julien Freund, Pierre Gripari, Arthur Jensen, Konrad Lorenz.
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"Dieu est né en exil" est un livre érudit et extrêmement bien écrit. Il retrace le parcours initiatique d'Ovide exilé à Tomes, ville du bord de la mer noire (actuelle Roumaine) par l'empereur Auguste. Certains passages m'ont fait penser à de l'excellent (trop excellent ?) Marguerite Yourcenar, notamment à ses "Mémoires d'Hadrien", non pour le thème mais pour l'époque (approximative, Hadrien étant né un demi siècle après la mort d'Ovide), pour la nostalgie et le ton du récit : celui de deux grands solitaires, l'un Hadrien, isolé par le pouvoir impérial, le second, Ovide, par la disgrâce.
Ce parcours initiatique conduit Ovide à se rapprocher, au terme de son exil, de la foi de la population locale, les gètes. Cette foi en un seul Dieu, issue de la vieille école pythagoricienne, n'est pas sans rappeler par bien des aspects celle du christianisme ( pour mémoire, celui-ci n'avait pas encore eu le temps de se répandre dans les parages, Jésus-Christ étant encore vivant lors de l'assignation à résidence d'Ovide chez les gètes.)
Il ne fait nul doute que ce livre a des accents autobiographiques. L'argument en est fondé sur un anachronisme religieux, mais pourquoi pas ? Nous sommes dans le roman et l'imagination de l'auteur est reine.
Il m'a cependant légèrement ennuyée (comme m'ont un peu ennuyée les "Mémoires d'Hadrien") : rien ne vient rompre le doux balancement d'un style parfait, au point qu'on a l'impression de naviguer sur une mer d'huile ; le récit en devient monotone, malgré son charme incontestable ; rien n'étonne, on anticipe mentalement la progression du narrateur sur le chemin d'une foi nouvelle avant même de la lire. L'ensemble est plaintif, Ovide (Vintila Horia) est dans une sorte d'érotisation masochiste de son exil, à la façon romantique. Il semble nous dire : "comme je suis beau, abandonné de tous (de Rome) au vent mauvais de la mer noire, poète maudit trouvant mon salut envers et contre tous dans une contrée inhospitalière".

Ovide fut maladroit en éditant des odes à l'amour érotique au moment où Auguste avait amorcé un virage rigoriste dans l'exercice du pouvoir et voulu réformer des moeurs qu'il jugeait trop relâchées. L'empereur le chassa, comme il chassa sa propre fille Julie, femme trop libre et scandaleuse. Mais la disgrâce d'Ovide ne s'étendit pas à son épouse, amie de l'impératrice, et ses biens ne furent pas confisqués. Il vécut riche à Tomes, relativement privilégié encore.
Vintila Horia, lui, fut bien pire que maladroit : il diffusa par voie de presse les idées fascistes, et surtout antisémites. Rien ne prouve qu'il s'en soit repenti.

Pour ceux que la question intéresserait voici un lien de la bibliothèque universitaire Jean Moulin de Lyon 3 concernant les idées de l'auteur, son parcours, et l'attribution du Goncourt : https://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=122
(lien non actif ici, à recopier sur un moteur de recherches)
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