Citations sur Carnet d'un imposteur (13)
Jamais je ne m'intégrerai, je refuse. Renoncer à mon royaume pour le vide de l'ennui, jamais ! Je ne m'intègre pas. Je m'adapte, je porte un masque et je vous parle. Je suis devenu insoupçonnable. Insoupçonnable mais néanmoins coupable. Coupable de ne pas correspondre à une attente. Ce qui est un grave délit, souvent puni d'enfermement. Aujourd'hui cette culpabilité ne me pèse plus. Elle me donne des ailes.
A Hugo maintenant de s'inventer une image, de porter un discours et de devenir une personne digne d'intérêt en adéquation avec la comédie sociale. Suffisamment dangereux et invisible: un monstre d'adaptation. Un monstre que personne n'enfermera et qui, un jour lointain, te protégera. Julien. Lui qui voulait juste rester un monstre aux yeux du monde.
Julien se rêvait en dragon. Hugo se rêve en homme. Ni Julien ni Hugo ne voulaient être un enfant.
Tu sembles si curieux de ce qui t'entoure et si gourmand de découvrir le monde. À moi d'entretenir cette curiosité et cette gourmandise. Hors de question que j'abandonne l'exclusivité de cette tâche à l'Éducation nationale. Le personnel enseignant compte quelques bonnes volontés, mais le corps éducatif s'emploie à les écraser. Écraser tous ceux qui tentent d'échapper à sa médiocrité. Le nivellement par le bas est la règle. Toute initiative individuelle noyée au profit d'un collectivisme normatif.
"La plainte est la prostitution du chagrin", disait le vieux fou aux paroles sages. Il avait cent fois raison. La plainte ne mène à rien. La plainte ne sert à rien. La plainte n'est que l'écho d'une absence de proposition, ou d'idées. Les plaignants n'ont qu'un seul horizon : l'attente des idées des autres. Pour s'en plaindre ensuite. (p.94)
J'étais le "Petit Prince cannibale", le héros du livre de ma mère, le petit prince qui lui prenait tout son temps. Quand je l'ai quitté, l'empereur, c'était moi. (p.77-78)
"Comment peut-on attester de la qualité d'une école, quand sur plus de mille candidats, on ne prend que les dix meilleurs à l'audition ? Et si, une année, nous tentions de prendre les dix plus mauvais ? Ne serions-nous pas une excellente école si ceux-là ressortaient prêts à jouer ? Ne serait-ce pas là un gage incontestable d'excellence ? Chiche ?"(p.48-49)
Il ne communique pas, disait-on de Julien. Pas de communication, pas de lien dans ce monde. Pourtant, les paroles souvent dérapent et trahissent. Les mots sont les ennemis. On les interprète, on les analyse et on les déforme. Malentendus, dialogues de sourds. Mensonges et trahisons. Au diable la communication ! (p.41)
Il faut les faire vibrer. Il faut les émouvoir. Ne pas oublier l’émotion. L’émotion sera au rendez-vous. Les émotions sont du marketing. Les sentiments sont une faiblesse. Place à l’émotion.
Mon enfance avait tout pour être heureuse. Elle n'a été qu'un désert d'épines et de silence.
C'est ainsi que je suis invité pour une interview, qui bien plus que sur l'objet littéraire, porta sur le caca. Le journaliste semblait très curieux au sujet de mes problèmes d'occlusion intestinale durant ma jeunesse.
J'avoue que c'est avec un certain amusement que je me mis alors à parler de merde durant de longues minutes sur la première chaîne nationale devant une audience de plusieurs millions de téléspectateurs.