Mais qu'est-ce que je peux être naïve, tout de même !!! Comment ai-je pu imaginer que je pourrais lire ce livre sereinement ? Et pourtant, à la lecture des premières pages, j'y ai cru. Vraiment.
Commençons par le début. À réception, hier au soir en rentrant du boulot, de Carnet d'un imposteur, un mélange de surprise (déjà là?!), de joie (merci Babelio et les éditions L'Iconoclaste) et d'impatience m'a fourmillé au bout des doigts. Mais ma journée était loin d'être finie. Et j'étais déjà totalement épuisée. Malgré tout, le soir, dans mon lit, les paupières déjà à moitié fermées, je n'ai pu m'empêcher de manipuler dans tous les sens le livre, de le parcourir du bout des yeux et à pleines mains.
Le format, d'abord. Surprenant. À la fois petit et grand, pas tout à fait un format de poche ni une taille standard. La couverture : amusante de contraste des matières, des couleurs, des styles... Je l'aime beaucoup.
Le contenu... Non ! Je dois dormir, je n'en peux plus...
… bon, aller, juste quelques minutes.
Qui se sont transformées en plus d'une demi-heure.
Page 7 : dédicace simple et poétique. Bonne entrée en matière. Toujours sereine, je tourne la page.
Page 9, je ne connais pas ; je me dis qu'il me faudra aller voir ça de plus près à l'occasion. Première interrogation avant-même le début du texte à proprement parlé. Prometteur. Je continue.
Page 11, MANIPULATION. Mais comment, par qui (pas forcément celui qui se présente comme tel) et jusqu'où ? Un peu énervée et titillée, je passe directement à la page 15 puisque je voyais en transparence que la 13 ne comportait qu'un mot-titre.
Les deux premières phrases : très déçue. Une impression de déjà vu. Ça m'apprendra à regarder une ou deux émissions promotionnelles avant de lire un livre ! Donc énervée, franchement, mais contre moi.
La fatigue tire dans tout mon corps, mais je ne renonce pas, intriguée d'être fâchée mais pas blessée. Je me suis arrêtée, vaincue par l'épuisement, à la fin du premier chapitre. Mes premières impressions sont mitigées. Je ne suis pas sûre d'aimer cette rediffusion de ce qui a déjà tant été dit. Et surtout, je n'aime pas penser cela. Mais, je me rends compte que, peut-être, ce qui m'a tant mis les chairs à vif dans L'Empereur c'est moi, n'était peut-être pas l'histoire personnelle de l'auteur, comme je voulais le penser jusque là. Ces choses informes et invisibles qui se sont réveillées en moi semblent être beaucoup plus personnelles. Je m'endors avec presque un besoin d'enfin retourner vers l'Empereur. Presque. Manque encore de forces.
Réflexions de la nuit :
Le choix de l'effacement de soi semble avoir été fait relativement tard, par l'auteur. Cela peut peut-être expliquer cette sorte d'aisance publique, de force qui semble l'accompagner.
Mais quand cet effacement de soi, devenu négation de soi au fil des années, est choisi et entrepris depuis la plus tendre enfance, alors il arrive forcément un jour où il ne reste plus rien de soi. Absolument rien. À chaque victoire de dissimulation, on meurt encore un peu plus. Et on se rend soudain compte qu'on n'a plus la moindre énergie pour continuer à faire semblant, qu'on n'a plus la moindre force pour continuer à vivre. Qu'on n'est qu'une chimère immonde. Qu'on est ce monstre, justement, qu'on a mis tant d'année à vouloir camoufler, museler, nier... Et plus rien d'autre. Toute cette souffrance de chaque instant (et que c'est long une vie!) que l'on s'est soi-même infligée, par une choix conscient et réfléchi, malgré le jeune âge où il a été entrepris pour la première fois, pour se protéger de cette souffrance qui vous rongeait de l'extérieur (éviter à tout prix le regard au mieux attristé et plein de compassion (de condescendance) au pire dégoûté et craintif qu'on porte sur vous), et bien, cette souffrance vous ronge maintenant de toutes parts. Elle a puisé dans vos forces les plus vitales et les a sucées jusqu'à la moelle. C'est décidé, je vais me servir de la force que partage ici Hugo Horiot pour regarder le monstre droit dans les yeux, sans ciller : je vais relire L'empereur c'est moi.
Aujourd'hui. Pas de date. Inutile. Quelques heures ont suffi pour bouleverser mes structures internes. Pour me redonner l'illusion de forces que je n'ai plus. Une journée mi-figue mi-raisin m'attend : une moitié calme que je compte bien mettre a profit pour lire d'une traite ce qui me reste de ce livre, une moitié plus éprouvante à tenter de jouer mon rôle de maman. Dans la réalité, les 2 moitiés sont quelque peu entrelacées : je me retrouve à lire en même temps que j'installe l'antivirus sur l'ordinateur, compose ce texte au fur et à mesure de ma lecture et de mes pensées hors lecture, cuisine un repas qui sera certainement encore boudé, par moi la première comme souvent, programme des rendez-vous... Mais à midi, tout était fini. Enfin, presque : il me reste les saucisses pour mes morpions gloutons à faire cuire et à mettre la table et à attendre qu'ils rentrent du collège pour remettre le masque. Il me reste très peu de temps pour finir d'écrire cette critique au propre et la poster ici, et ailleurs. Donc, les saucisses, la table et ce texte. Aller-retours entre la cuisine et l'ordinateur. Les citations qui me brûlent les doigts attendront.
Cette reprise de lecture après une nuit de sommeil porteuse de rêves a été bien plus percutante que je ne l'avais imaginée. Percutante. Oui, ça doit être le mot qui s'approche le plus de l'effet que les mots de Monsieur Horiot, dès la deuxième partie, ont eu sur moi. Bien moins douloureux qu'avec l'Empereur, mais pas indolore. Les petits chapitres et leur titres si bien sentis se sont insinués en moi, au compte goutte, mais aussi au jet fulgurant. Certains d'entre eux (Les témoins, par exemple) sont un pur mélange de poésie et de réalité crue. C'est idiot, mais par moments, certains chapitres m'ont fait instantanément penser à Rimbaud (pas seulement le poète public). Et encore plus idiot : je suis incapable de mettre le doigt sur ce qui amène cette image dans ma tête. Ainsi en est-il, par exemple, de La joueuse.
Et que dire encore de L'aiglon ! Rien. Je vous laisse lire ce livre. N'ayez pas peur : il se lit très vite et vous laisse une empreinte telle que vous en aurez pour des jours et des jours de réflexions.
C'est un texte à bout de souffle. Le cri d'un acteur. Le jeu d'un comédien. Un texte touchant. Drôle. Dérangeant. Impertinent. Sensible. Un texte dans lequel certaines de mes connaissances y retrouveront des propos que j'ai pu dire et qui les ont choquées. Un texte plein de courage.
Pour moi, l'imposture ne se trouvait pas où elle était attendue. À chacun de se faire son idée, ses idées, mouvantes et changeantes... le dernier chapitre va bien dans ce sens, à mon avis.
Je m'arrête là, et vous laisse entre de bonnes pages. Mes saucisses sont presque cuites. Les enfants vont arriver. Il me reste la table à mettre. Je fais un copier-coller de ce texte sur Babelio et je me sauve.
Bonne lecture et bon appétit.
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Jamais je ne m'intégrerai, je refuse. Renoncer à mon royaume pour le vide de l'ennui, jamais ! Je ne m'intègre pas. Je m'adapte, je porte un masque et je vous parle. Je suis devenu insoupçonnable. Insoupçonnable mais néanmoins coupable. Coupable de ne pas correspondre à une attente. Ce qui est un grave délit, souvent puni d'enfermement. Aujourd'hui cette culpabilité ne me pèse plus. Elle me donne des ailes.
Tu sembles si curieux de ce qui t'entoure et si gourmand de découvrir le monde. À moi d'entretenir cette curiosité et cette gourmandise. Hors de question que j'abandonne l'exclusivité de cette tâche à l'Éducation nationale. Le personnel enseignant compte quelques bonnes volontés, mais le corps éducatif s'emploie à les écraser. Écraser tous ceux qui tentent d'échapper à sa médiocrité. Le nivellement par le bas est la règle. Toute initiative individuelle noyée au profit d'un collectivisme normatif.
A Hugo maintenant de s'inventer une image, de porter un discours et de devenir une personne digne d'intérêt en adéquation avec la comédie sociale. Suffisamment dangereux et invisible: un monstre d'adaptation. Un monstre que personne n'enfermera et qui, un jour lointain, te protégera. Julien. Lui qui voulait juste rester un monstre aux yeux du monde.
Julien se rêvait en dragon. Hugo se rêve en homme. Ni Julien ni Hugo ne voulaient être un enfant.
"La plainte est la prostitution du chagrin", disait le vieux fou aux paroles sages. Il avait cent fois raison. La plainte ne mène à rien. La plainte ne sert à rien. La plainte n'est que l'écho d'une absence de proposition, ou d'idées. Les plaignants n'ont qu'un seul horizon : l'attente des idées des autres. Pour s'en plaindre ensuite. (p.94)
C'est ainsi que je suis invité pour une interview, qui bien plus que sur l'objet littéraire, porta sur le caca. Le journaliste semblait très curieux au sujet de mes problèmes d'occlusion intestinale durant ma jeunesse.
J'avoue que c'est avec un certain amusement que je me mis alors à parler de merde durant de longues minutes sur la première chaîne nationale devant une audience de plusieurs millions de téléspectateurs.
Et si l?autisme, plutôt qu?une condition prédestinant à la déchéance, était une valeur d?avenir ? Diagnostiqué autiste à l'âge de 3 ans, Hugo Horiot est aujourd'hui auteur et comédien. Il déplore une "pathologisation de la différence" qui demeure très présente.
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit Hugo Horiot comédien et auteur notamment de « Autisme : j'accuse ! » (éditions L?Iconoclaste).
L'Invité des Matins de Guillaume Erner - émission du 18 octobre 2019
À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/saison-26-08-2019-29-06-2020
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