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Critique de Woland


Préface : Jean Hougron

ISBN : 9782221101902

ATTENTION : SPOILERS !

Second volume de cette somptueuse saga sur l'Indochine, "Soleil au Ventre" se passe essentiellement au Viêt-nam et nous y retrouvons le Dr Georges Lastin, personnage principal de "Tu Récolteras La Tempête", qui a dû fuir Takvane après le meurtre, pourtant en légitime défense, de son beau-frère, Khône, jeune apprenti viêt-minh qui s'était rendu coupable d'un attentat contre la Résidence. Au début, rappelons-le, Lastin voulait simplement permettre de fuir au tout jeune homme mais, dûment embrigadé et cherchant à prouver sa valeur auprès de ses "supérieurs" communistes, Khône s'était retourné contre Lastin.

Après quelques aléas, Lastin s'est reconverti dans le convoyage. A l'époque, compte tenu de la situation de plus en plus tendue, les entrepreneurs des grandes villes organisent de longs convois de camions en direction des petites villes et d'encore plus petits villages qu'ils doivent approvisionner en essence, en nourriture, etc, etc ... Ces convois sont guettés par le Viêt-minh mais pas forcément de façon systématique. En d'autres termes, ceux qui s'y engagent gagnent certes un bon salaire mais ne savent jamais s'ils vont être attaqués ou non. Et encore moins s'ils seront abattus ou faits prisonniers.

Lastin, qui a pris soin de se débarrasser de ses armes quelques minutes avant l'instant fatal, est pour sa part arrêté avec d'autres Français alors qu'il prenait la fuite pendant l'attaque tout en se retournant pour tirer sur les assaillants. Si les Viêts l'avaient pris les armes à la main, il est certain qu'il aurait été abattu sur place. Mais, désarmé, il est simplement ramené au camp des attaquants. Ses qualités de médecin lui permettent bientôt d'ailleurs de se retrouver dans la journée à l'infirmerie du camp, où il soigne les blessés, ce qu'il n'accepte de faire que si on l'autorise également à soigner les Occidentaux. Ce que le commandant du camp accepte de mauvaise grâce, sous la pression du Commissaire politique dont il dépend, homme plus âgé, moins rempli de haine également et d'esprit certainement plus ouvert.

Cette partie du roman est particulièrement intéressante. Hougron nous y fait toucher une Histoire assez récente en mettant en scène des personnages à qui, à quelque camp qu'ils appartiennent, nous parvenons à nous identifier. Lâcheté, courage, empathie, haine, mépris, respect, viêt-minh communiste ou colon français, parasite ou sincère : tous nous parlent. C'est admirablement fait et presque incroyable car il était bien difficile, voire carrément périlleux, d'atteindre à ce résultat à l'époque de parution du roman.

Dès le départ du convoi, Lastin avait fait la connaissance d'un couple, elle, Viêt-namienne particulièrement jolie, du nom de My-Diem, lui, son mari, André Ronsac, Français qui, on ne le saura que plus tard, s'est vu contraint d'abandonner une situation de haut fonctionnaire pour satisfaire sa passion. Pourtant, Lastin le sent "faible" et, même s'il le soigne avec dévouement, il ne parvient pas à concevoir pour lui beaucoup d'estime.

Il faut dire que, en parallèle et de manière insensible, Lastin tombe amoureux de My-Diem en qui il voit par contre une femme "forte", une personnalité dominante, dont il ne comprendra jamais le sentiment qui la pousse vers Ronsac. Pour parvenir à recouvrer sa liberté et celle de son mari - car ils sont bel et bien mariés - My-Diem n'hésite ni à coucher avec le commandant du camp, ni à raconter, par exemple, que Lastin possédait bel et bien une mitraillette quand il a été arrêté mais que, comme il l'avait dissimulée, les Viêt-minh n'avaient eu aucune preuve pour l'abattre, et se retrouve ainsi à Saïgon pour y négocier une grosse rançon auprès des amis d'André. Lastin, lui, ne devra son salut qu'à l'intelligence du Commissaire politique et aussi au répérage du camp de combattants communistes par l'aviation française.

De retour à Saïgon lui aussi, il a vite fait de se remettre financièrement sur pied et se met en quête des Ronsac ...

Le roman se concentre alors sur la relation entre Lastin et My-Diem avec, entre eux, cette étrange figure de Ronsac que je ne suis, pour ma part, pas parvenue à comprendre et envers qui je partage, je l'avoue, le mépris de Lastin. Nous revenons donc au psychologique pur et à l'incroyable aveuglement de ceux qui aiment mais ne sont pas aimés de retour avec la même intensité. Disons-le avec franchise, c'est parfois un peu gnangnan, ce genre de choses ...

Evidemment, vous pouvez apprécier ce que, personnellement, j'ai jugé plan-plan, soit le dernier tiers du roman. Mais, je le répète, la première partie a une ampleur, un souffle qu'on n'est pas près d'oublier et les descriptions de cette Indochine que l'auteur a aimée comme s'il y était né sont luxuriantes, étouffantes, incroyablement vraies et elles vous enveloppent comme si vous y étiez, vous donnent même l'envie de partir voir tout ça.

Il y a beaucoup d'amour chez les personnages de Hougron pour cette contrée qui, si longtemps pour les cartographes, demeura à la fois fabuleuse, somptueuse et inquiétante. Mais l'auteur français nous fait voir aussi la misère qui y sévissait - et y sévit probablement encore - et tente avant tout de nous faire percevoir et comprendre ne serait-ce qu'une parcelle de la façon de voir les choses des habitants - de la même manière que certains de ses personnages occidentaux tentent d'ouvrir leur univers aux Asiatiques tandis que font de même certains des personnages laotiens, viêtnamiens, cambodgiens, etc ... envers les Français.

Une saga à lire dans son intégralité car elle recèle les âmes multiples de ces peuples qui formèrent l'Indochine et parvient à les faire dialoguer avec l'âme de la France, sinon de l'Occident. Pour saisir le phénomène dans toute sa beauté, son intensité et son indubitable humanité, il faut en lire tous les tomes, si possible dans l'ordre chronologique. Les amoureux d'Aventure ET d'Histoire - les vrais "citoyens du monde - n'y manqueront pas, j'en suis certaine. Que les "bobos", devenus aujourd'hui ce que je nomme les "vovos", passent leur chemin : L Histoire, ils n'y connaissent rien et, qui pis est, ils s'essaient de nos jours à la falsifier. C'est tellement plus facile que de faire ce que Hougron a fait ... ;o)
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