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Citations sur Soleil au ventre (14)

[...] ... "Deux jours plus tard, je débutais comme taxi-girl dans un grand dancing de Cholon. Je n'avais même pas eu à faire la démarche pour obtenir la place. Tout avait été arrangé d'avance par le comité viêt-minh de Saigon. Le patron du dancing chinois où j'entrais payait de grosses sommes à notre parti, afin que l'on ne jetât pas de grenades dans son établissement qui était surtout fréquenté par des Blancs ...

... A cette époque-là, en 1945, je ne savais pas beaucoup danser, mais les Français m'invitaient quand même à leurs tables. Nous parlions. Ils me posaient des questions. Le genre de question que l'on pose aux taxi-girls. Je répondais en essayant de deviner la réponse qu'ils attendaient de moi. J'avais toujours peur qu'ils ne s'aperçoivent que je les haïssais et je leur présentais mon visage le plus aimable. La plupart d'entre eux étaient des militaires, des officiers, car le dancing était l'un des plus luxueux de la ville. Ils m'apprenaient à danser et je voyais qu'ils étaient heureux de ma maladresse même. Ils buvaient beaucoup. Certains devenaient ivres avant la fin de la soirée et faisaient du scandale, insultant les boys et les femmes indigènes qui se trouvaient là. Le patron finissait toujours par leur donner raison et j'étais satisfaite de les voir si semblables à l'image que je me faisais d'eux ...

... Mais tous n'étaient pas ainsi. Parfois, ils se mettaient à parler de la guerre et ils avaient la même voix et les mêmes gestes que mes deux frères au retour d'une attaque. Eux non plus d'ailleurs n'aimaient pas tellement parler de la guerre et de leurs ennemis et j'étais un peu irritée de leur découvrir les mêmes réactions et les mêmes attitudes que celles des hommes de ma race. ..." ... [...]
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Quand je pense qu’autrefois, il était le premier à clamer qu’il valait mieux se pendre qu’épouser une indigène. C’est à ce moment-là qu’il avait raison. Avec ces filles-là, de n’importe quel bout que tu les prennes, tu es nécessairement roulé. Elles te vident ton compte en banque, font fuir tous tes amis, et quand elles t’ont bien trompé, adieu ! Sans compter que pendant qu’elles vivent avec toi, elles ne rêvent que de te cocufier avec le premier bougnoule venu…
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Et puis les femmes m’aidaient, avec lesquelles je me suis toujours bien entendu, celles de là-bas veux-je dire. D’elles, j’ai souvent acquis l’essentiel, il passe quelquefois une belle, une étrange sincérité entre deux jeunes qui s’aiment et tirent au même attelage. Ils ne se cachent rien. L’estime, la tendresse, l’amour, les querelles aussi qui jouent leur rôle décapant, vous font découvrir cette fameuse vérité qui m’était si chère. Les différences raciales, culturelles soudain gommées, on est de plain-pied et on se dit ce qu’on pense.
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Il y a dans la vie coloniale à ce niveau un ennui soporifique qui tient à ses rites, à ses manières empesées, au code minutieux de ce qui se fait et ne se fait pas. On se croirait sous Jules Ferry. Rien n’y manquait, pas même la promenade du dimanche dans des lieux consacrés, feuillus et branchus, pour y faire parade et respirer le bon air en famille. J’étais sensible à cet anachronisme, ce recul dans le temps – jeune fille à longs gants sous une ombrelle – qui n’est pas sans charme et que j’ai retrouvé un peu partout en Indochine, comme si on avait voulu immobiliser le temps afin de mieux lutter contre l’envahissement sournois de l’Asie, par nostalgie aussi d’exilés.
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[...] ... Lorsque la troupe arriva, il faisait presque nuit. Des sentinelles à demi-dissimulées dans l'herbe à éléphants regardèrent passer les soldats et leurs prisonniers. Ils débouchèrent bientôt dans une sorte de clairière qui semblait être le centre du camp, et les militaires se dirigèrent vers un long bâtiment bas dont la porte et les deux fenêtres étaient faiblement éclairées. Les gardes, poussant les prisonniers devant eux, les enfermèrent un par un dans les minuscules cabanes de bambou tressé, qui bordaient la clairière. Une porte se rabattit sur Lastin, un cadenas claqua dans sa gâche. Il se retrouva seul et tâta les parois de sa prison. En se redressant, il heurta le toit et jura sourdement. Il eut vite fait le tour de ses quatre mètres carrés et s'allongea sur la terre battue.

Il se rassit pour ôter ses sandales et chercher les sangsues agglutinées en bourrelets épais sur ses orteils et autour de ses chevilles. Il les effleurait à tâtons, saisissait leurs grappes molles entre ses doigts et les arrachait d'une secousse. Il les écrasait ensuite en pressant vigoureusement la semelle de l'une de ses sandales contre le sol. Quand la dernière sangsue qu'il avait découverte agrippée au gras de sa cuisse eut éclaté, il se recoucha.

On bougeait de l'autre côté de la cloison. Il appela :

- "Qui êtes-vous ?

- Ronsac.

- Qui ça, Ronsac ?

- Nous avons été capturés ensemble.

- Votre femme est avec vous ?

- Non. Je ne sais pas ce qu'elle est devenue. Nous avons été séparés.

- Il n'y a pas de paillote à côté de la vôtre ?

- Je ne crois pas." ... [...]
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Tous ces hommes, toutes ces femmes qui prenaient au sérieux ce que chaque jour leur apportait. Lui, il ne pouvait pas. Il n’arrivait jamais à être ni très triste ni très heureux. Et il se répétait de nouveau qu’il n’était pas comme les autres, qu’il était anormal, et que ce que la vie lui donnait aurait contenté les plus exigeants. Mais ça avançait à quoi de se dire ces choses, puisqu’il n’arrivait pas à être heureux ? Il y avait ceux qui aimaient leur métier, d’autres, leur femme ou celles des autres, ceux aussi qui aimaient leurs enfants. Tous ceux qui avaient un vice, une passion exclusive. Il scrutait leurs visages lorsqu’ils étaient ivres d’opium ou d’alcool, ou d’idées, ou tendus vers une roulette de jeu. Ils avaient une raison de vivre ou plusieurs : l’argent, l’opium, les filles, leurs situations, l’avenir de leurs enfants. Lui n’arrivait pas à s’en découvrir.
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Des petites filles gentilles, souvent jolies, avec des quantités de vertus domestiques et autres. Il aurait dû être heureux. L’addition d’une foule de choses agréables, l’argent, un corps gracieux dans un lit confortable. On tirait un trait, on faisait le total et la somme obtenue s’appelait bonheur. C’était simple, mathématique.
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Le commandant est trop sûr de lui. Quand il pose une question, il n’écoute pas notre réponse, mais seulement celle qu’il a souhaitée, il ne juge pas les gens d’après ce qu’ils montrent d’eux-mêmes. Il les condamne ou il accepte leurs paroles, selon qu’il les hait ou leur fait confiance au premier regard.
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Il ne savait pas que l’on peut quelquefois être coupable de la couleur de sa peau.
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Il y a mille travestissements dans l’écriture et l’imaginaire y tient autant de place que le vécu, sinon on ne serait pas romancier. Ce qui est toujours vrai, ce sont les émotions, l’ambiance, le détail visuel, auditif ; quant au reste, vive le roman et ses fantasmes, et cela m’a toujours amusé quand un lecteur m’écrivait pour me demander ce qu’était devenu tel personnage – sorti tout droit de mon imagination – ou quand il me confondait avec un de mes héros avec qui je n’avais à peu près aucun point commun. Ou plutôt tous étaient moi et aucun ne l’était ! Telle est la règle du jeu.
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