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EAN : 9782253013549
Le Livre de Poche (01/05/1989)
4.1/5   44 notes
Résumé :
La nuit indochinoise, Tome 01

Georges Lastin mène, dans un village du Laos saisi peu à peu par les problèmes du colonialisme décadent, la vie désabusée d'un médecin de campagne. Mêlé malgré lui aux rivalités des trafiquants, inquiet comme la plupart de l'audace croissante des "Viets", éprouvant avec une constante médiocrité l'amour, le plaisir, la souffrance et la mort, il découvre à travers les femmes aimées et le climat de violence les échos de son ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Préface : Jean Hougron

ISBN : 9782221101902

Premier volume d'une série qui en comporte sept, "Tu Récolteras La Tempête" nous plonge d'un seul coup au coeur de la somptueuse et étouffante "Nuit Indochinoise" dont son auteur garda l'éternelle nostalgie, mais c'est aussi le livre qui met en vedette, pour la première fois, le Dr Georges Lastin, que l'on retrouvera dans "Soleil au Ventre." Georges Lastin, on l'apprendra au troisième et dernier tiers du roman, n'est d'ailleurs pas son identité véritable mais il est bien médecin et se fait remarquer entre autres par une habileté sans pareille pour tout ce qui regarde la gynécologie et l'obstétrique.

A ceux qui, pour suivre la mode du temps - mode honteuse de délation et d'arrogance qui repose sur du vide, on s'en apercevra vite, soit-dit en passant - qualifieraient Hougron, qui reçut entre autres le Prix du Roman Populiste 1965 pour "Histoire de Georges Guersant", de fachoantimigrantnaziantieuropéenantieuromachinchose, etc, etc ..., nous leur dirons tout d'abord de se taire et de lire avant de juger - s'ils savent lire, bien sûr et surtout s'ils sont capables de réfléchir par eux-mêmes, ce dont nous nous permettons de douter. Ce qui fait, justement, l'originalité de "La Nuit Indochinoise" tout entière, c'est l'impartialité de son auteur qui examine les qualités et les défauts des uns comme des autres tout en tenant compte du contexte politique (la IVème République) de l'époque. Quand on aime quelqu'un ou quelque chose, on l'aime aussi pour ses défauts.

L'action de "Tu Récolteras ..." se situe dans le petit village de Takvane, au Laos, où vivent une soixantaine de Blancs, tout le reste se composant d'Asiatiques mais pas forcément d'indigènes. En effet, si les Laotiens, réputés pour leur paresse et leur bonne humeur, sont bel et bien présents, ce qui est normal, il se mêle à eux des Viêt-namiens, caquetant, prompts à la dispute et qui, en général, sont plutôt actifs et assez bruyants ainsi que quelques Chinois authentiques, de l'avis de tous "les mieux nourris" nous signale l'auteur mais sans méchanceté, qui tiennent en général les plus gros commerces, tel Lau-Chau qui finira par fuir devant le retour de Blende, un Blanc qu'il avait fait capturer par les Viêts-minh afin de lui souffler sa concubine (ou congoï), la très belle Sunnath. Et puis, bien sûr, il y a les métis. Un seul sort du lot ici, Aldric, le frère De Lee, la "congai" (mais tout le monde dit l'épouse, par courtoisie) de Lastin - Paul Aldric, que les initiés surnomment aussi "King Cobra" et qui règne sur tout le trafic d'opium de la région.

L'opium ... Bien connu des Chinois, il est comme le tabac. On peut en consommer modérément ... ou alors se noyer dedans et en mourir, comme le tout jeune et fringant Dravet qui, à peine débarqué de Saigon, s'est installé dans sa paillotte avec sa pipe et sa dose, que lui apportait fidèle sa concubine. Car, pour beaucoup de femmes, laotiennes ou vietnamiennes, l'opium, c'est aussi un moyen de garder leur homme à la maison. Lee elle-même a essayé un temps avec Lastin mais celui-ci s'en est aperçu et lui a flanqué la rossée de sa vie - la seule d'ailleurs qu'il lui ait jamais donnée.

Paresseusement, à l'image du pays et de ses habitants, qu'accablent souvent une chaleur épouvantable et, à la saison des pluies, des ondées ... chaudes et un petit vent frais entre deux, Hougron nous dévoile le paysage de Takvane avec ses personnalités les plus marquantes, Blancs et Jaunes confondus : Lastin bien sûr et Lee, un beau couple et un couple uni, malgré tout, malgré le mystère qui plane parfois sur les traits durcis du médecin ; le résident Vellanet, qui a marié sa belle-fille, Hélène, au médecin-chef de l'Hôpital, le Dr Cadrol ; les "soiffards", en général des Blancs, même si, sur ce plan, les Asiatiques ne laissent pas volontiers leur place aux colons, dont Kérol, un personnage d'origine bretonne dont on apprend à aimer l'humanité profonde, Rocques, toujours de l'avis du dernier qui a parlé, quelques militaires dont les noms s'oublient vite sauf peut-être celui du commandant Brault, surnommé par tous "Nounouche" et que Fernand Raynaud aurait pu prendre comme modèle pour son célèbre adjudant , Breccini, qui tient au tout début le rôle du douanier de service mais qui, à deux mois de son retour en France, ou plutôt en Corse, sera abattu par les hommes d'Aldric, Velaine, son remplaçant, timide et doux en apparence mais homme résolu et ferme en réalité ... de l'autre côté, Aldric et Lau-Chau se détachent nettement, le métis vainqueur en toutes choses et qui repartira, avec son épouse russe, Dora, ancienne taxi-girl, se refaire une vie paisible en France, le Chinois lamentablement battu d'avance par sa lâcheté devant l'incroyable changement de caractère que son séjour chez les Viêt-minh aura suscité chez Blende, pourtant réputé faible ...

Et comment oublié le père Cressu, qui n'a jamais pu oublier son épouse Marcelline et leur fils, torturés et tués sous ses yeux par les Japonais pendant l'Occupation et qui finira par en perdre la raison ? Ou encore Soclauze, le bistrotier qui mourra de tuberculose à Takvane, après avoir fait rapatrier sa petite-fille, Françoise, sous la garde d'un soldat en permission, lui-même père d'une petite de quatre ans ?

Et les femmes là-dedans ? Blanches, métisses ou asiatiques pures, elles règnent le plus souvent en maîtresses, éminences souvent grises mais éminences tout de même. Certaines cependant, issues du couvent-orphelinat où aurait échoué la petite Françoise si Lastin n'avait pas "prêté" à un Soclauze moribond les 3 500 piastres nécessaires à son embarquement pour la France, ont, quelles que soient leurs origines, le profil des "femmes battues." Certaines, comme la mère Pétri, sont même heureuses de ce rôle qui les fait plaindre de tout le monde. Pareil qu'en métropole, on vous dit ! ...

Dans ce petit monde qui, finalement, ressemble tellement au nôtre, la guerre s'immisce par l'intermédiaire de Khône, le frère De Lee, qui, à la fin du roman, lance deux grenades dans une réunion dansante à la Résidence, ce qui cause plusieurs blessés et quatre morts - si mes souvenirs sont bons. Lastin, qui n'a jamais été pour la demi-mesure, prendra alors les choses en main ...

Lastin est plus ou moins le porte-parole de l'auteur quand il nous démontre que, entre Blancs et Asiatiques, les cultures sont différentes et que ce que les uns prennent pour de l'hypocrisie n'est finalement que très naturel chez les autres, l'hypocrisie pouvant changer de camp. Si chacun y mettait du sien, ce serait sans doute différent ... Et peut-être aurait-ce été différent pour l'Indochine française. Mais, outre les communistes du Viêt-minh, souvent armés par les Américains, il y a justement les USA, qui songent à s'emparer des colonies françaises (ce qu'ils regretteront, une fois plongés dans ce qui deviendra, dans les années soixante-soixante-dix, "la Guerre du Viêt-nam") : ce petit monde, qui avait ces qualités et ses défauts ne survivra pas à cette double pression. Hougron en conserve cependant un souvenir ébloui, nostalgique et intensément vivant, qu'il nous invite à partager. Nous espérons que vous y prendrez autant de plaisir que nous. Bonne lecture ! ;o)
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A l'heure où les séries télévisées supplantent le cinéma, il est tentant de se lancer dans une série littéraire. Accroché par le titre "La nuit Indochinoise" le premier volume "tu récolteras la tempête" m'a vraiment convaincu.
Dans une petite ville du Laos écrasée de chaleur et d'orage, sont reclus laotiens, vietnamiens, chinois et autres asiatiques ainsi que des colons français, qui représentants de la nation coloniale, forment le haut du panier. Sauf que ceux-ci sont essentitellement des râtés qui ont quitté la métropole pour se refaire dans les colonies.
Pour la plupart la deuxième chance ne leur sourit pas et ils retombent en échec bien qu'étant dominants puisque blancs.

Ces hommes sans talent, sans avenir, souvent devenus alcooliques ou opiomanes se vengent sur les femmes surtout si ce sont des concubines locales mais les françaises ne sont guere mieux traitées. Tous les trafics sont pratiqués, les combines sont tolérées et le sens moral absent.
Les communautés cohabitent et se haîssent en silence, chaque clan a ses hiérarchies ce qui permet presque à chacun d'être dominant à son tour.

Ce qui frappe très vite c'est la crédibilité du monde colonial décrit par Hougron, tout sonne juste de la moindre description au plus long des dialogues. Roman d'atmosphère, roman noir qui rappelle Simenon, "Tu récolteras la tempête" n'épargne personne pas plus les coloniaux, que les locaux qui sont leurs miroirs la servilité en plus.
Au centre du jeu le docteur Lastin semble échapper aux défauts communs, charismatique, désintéressé et proche de la population locale il pourrait être un modèle mais lui même cache des secrets et des faiblesses. Au fil du roman les autres personnages s'écartent de lui : le départ, la folie, la mort et pour quelque uns la rédemption les séparent. A la toute fin du roman on comprend que Lastin aussi est à la croisée des chemins.

Ce serait une erreur de croire que Hougron doit être jeté dans l'oubli parce que le monde des colonies doit disparaître, d'abord pour la qualité littéraire de ses romans et ensuite parce qu'il restitue une époque telle qu'elle a existé et que c'est plus éducatif que le révisionnisme historique.

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Le roman se déroule dans le petit village de Takvane, au Laos, à la fin des années 40. La France, affaiblit par la Seconde Guerre Mondiale et l'occupation japonaise en Indochine, peine à réimposer sa domination sur les peuples de la région. La grandeur de la France coloniale est sur le déclin. Et l'auteur, Jean Hougron, qui a lui-même vécu plusieurs années dans cette Indochine d'après-guerre, dépeint de façon très réaliste l'ambiance de ce petit village et raconte à son lecteur les différentes histoires des protagonistes qui l'habitent ainsi que les relations complexes qui les lient ou les délient, avec pour fil rouge un certain docteur, Georges Lastin.

J'ai vraiment apprécié la manière dont l'auteur expose la complexité de ce microcosme : les liens fragiles qui unissent ou désunissent les Blancs entre eux, ou ceux entre Blancs et les autres communautés sous leur domination agonisante (Laotiens, Vietnamiens, Chinois, Hindous, etc). La multitude de personnages nous donne accés à une multitude de points de vue. Chacun a sa propre histoire, ses propres problèmes, sa propre vision du monde et ses propres convictions, et la communication entre chaque groupe et chaque individu semble quasiment impossible. L'auteur ne donne raison à personne, il ne fait que constater et laisse le lecteur libre de se forger sa propre idée des situations et des personnages.

Cependant, j'ai parfois trouvé le rythme d'écriture un peu lent ou maladroitement mené et ai quelquefois éprouvé de l'ennui. Je pense que cela est dû au fait qu'il y a beaucoup de personnages et que l'auteur éparpille des fragments d'histoires de chacun tout au long de ces presque 500 pages. Plusieurs fois, j'étais perdu dans les noms des personnages et il me fallait revenir en arrière pour me rappeler le début de leur histoire. Et puis, j'ai eu souvent du mal à m'identifier à ces personnages principalement Blancs, masculins, ivrognes pour la plupart, violents et clairement mysogines. Bien sûr, cela représente probablement fort bien la mentalité de l'époque (et je suis bien content de ne pas en avoir été !) mais pour le lecteur de 2023 que je suis, très sensible aux questions féministes contemporaines, je n'ai pas vraiment réussi à éprouver de la sympathie pour toute cette galerie de personnages, si ce n'est pour certains portraits de femmes, la plupart du temps victimes de ces monstres d'hommes.

Mon ressenti global pour ce livre est donc en demi-teinte. J'ai aimé les histoires racontées et la complexité qu'elles engendrent dans les relations entre les personnages et leurs rapports au monde mais j'ai beaucoup moins aimé la manière dont elles étaient amenées et, malgré tous les efforts de l'auteur pour expliquer et justifier les agissements de ses personnages, je n'ai pas éprouvé un quelconque attachement émotionnel pour aucun d'eux…
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Certes certains aspects notamment la vision très condescendante de la population locale que prête l'auteur aux personnages français de ce roman peuvent paraitre odieux mais il n'est qu'un parfait reflet de ce que pensaient la majorité des occidentaux de leurs colonies et de leurs populations à l'époque . Ceci dit Jean Hougron n'épargne guère les colons français non plus et en dresse un portrait très peu flatteur. le personnage principal étant ainsi l'archétype de l'homme insupportable , égocentrique, ne faisant confiance à personne sans oublier les relations ambiguës qu'il entretient avec sa compagne vietnamienne et l'épouse de son supérieur . C'est d'ailleurs un des traits caractéristiques de ce roman les personnages sont pratiquement tous antipathiques. Un roman d'aventure avec des morts, des drames, des analyses psychologiques assez poussées et où l'idéalisme de quelques-uns contrebalance le cynisme de beaucoup. Malgré cela ou peut être à cause de cela c'est une très belle lecture qui tout en apportant un dépaysement certain et un éclairage assez réaliste sur ce que fut la vie coloniale pour la majorité des colons . Petite précision après la publication de « Tu récolteras la tempête », Jean Hougron fut successivement interdit de séjour au Laos puis au Vietnam tant le roman déplaira profondément aux autorités coloniales et ne passera finalement qu'un peu plus de quatre ans en Indochine.
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"Tu récolteras la tempête" se lit bien...
Ce qui est amusant, c'est qu'il est presque directement transposable au milieu colonial africain des années 50-60.
Que ce soit la mentalité et le comportement des "colons" ou "expatriés", ou les relations entre les différentes communautés..
En Afrique, on remplace les Chinois d'Asie par les Libanais (commerçants), et les frictions rapportées entre Laotiens et Vietnamiens sont remplacées (par exemple) par les frictions entre Peuls et Wolofs...
Quant aux colons, dans les deux cas, il y a ceux qui resteront toujours persuadés d'être la race supérieure, et ceux qui essayent de se mettre à la place de l'indigène, sans toujours y réussir.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Le Junker de la ligne Saigon - Louang Phrabang passait juste au-dessus et nous étions seize à le regarder, serrés coude à coude, les oreilles bourdonnantes, assourdis par le vacarme des trois moteurs ronflant à plein régime. Juste un village comme les autres, semblable à tous ceux que nous avions survolés depuis l'aube, colorié comme un jeu de construction avec le rouge ocré de ses deux routes en croix, les quatre angles d'un blanc crayeux des bâtiments européens pointés vers la place rectangulaire et un peu partout, au hasard des jardins, le vert jaunissant des arbres et des pelouses. Rouge, blanc, vert. L'arc détendu du Mékong, immense et dérisoire des hectares de sable rongés d'herbe malsaine emprisonnés dans des mailles d'eau paresseuse. Étreignant de nos mains fiévreuses le rebord de nos strapontins nous regardions, la rétine blessée par un soleil vertical, les muscles endoloris par quatre heures de vibrations. Le Junker obliqua vers le Siam, rabotant durement l'air inégal. Le village fila au long du fuselage, disparut d'un coup avalé par une secousse plus violente.
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[...] ... - Vous n'avez jamais essayé de lui dire de ne pas fumer ?

- Si, souvent."

Le docteur comprit que sa question était maladroite, qu'elle entraînait d'elle-même sa réponse. Il reprit :

- "Pourquoi ne pas lui avoir fait comprendre ?

- J'ai essayé. S'il n'avait pas fumé ici, il serait allé ailleurs. Il aurait volé pour avoir de l'opium, tué même."

Le ton était placide, mais n'excluait pas le dédain.

Il remarqua durement :

- "C'est vous qui lui avez appris."

Elle eut un haussement d'épaules.

- "Mon père fumait, mon grand-père fumait ...

- Vous vouliez le retenir près de vous."

Phan le considéra avec un peu d'étonnement.

- "Oui, quand un homme fume l'opium, ça l'empêche d'être toujours parti."

Ainsi, ce n'était pas du tout ce que lui-même et les autres Blancs avaient supposé. Phan avait vu dans l'opium un moyen de garder plus facilement son mari à la maison. Son père fumait, son grand-père aussi. Elle disait cela, comme elle aurait avoué qu'ils avaient leurs distractions familiales, un petit passe-temps sans danger qui leur faisait goûter les joies du foyer. Et c'était un peu ça, Lastin le voyait maintenant ; les Orientaux, aussi bien Vietnamiens que Chinois, fument presque tous, dès qu'ils en ont les moyens, mais ils en abusent rarement. Cinq pipes, dix pipes par jour ; plutôt un climat agréable qu'ils goûtent le soir en bavardant entre eux, allongés sur les nattes, dans l'intimité de la petite lampe. De cette détente, de ce repos du corps et de l'esprit, la plupart des Blancs font une passion solitaire et exclusive. Dravet avait été de ceux-là.

Un malentendu. Toujours cette habitude de juger avec l'optique de l'Occident. Dravet lui-même s'y était trompé. Il avait évalué l'amour de Phan aux moyens employés, alors que, pour Phan, ce moyen se nouait à une longue tradition acceptée par ceux de sa race, mieux même, approuvée, car elle est un signe d'aisance. Et la même question se posait : depuis combien de temps avait-elle cessé d'aimer son mari ? Depuis combien de temps même le méprisait-elle ? Car Phan aussi s'expliquait seule, sans qu'il y ait besoin de recourir à Dravet. Si elle n'avait pas eu peur, si Dravet n'avait pas réussi à l'entraîner dans sa mort, c'est que, déjà, elle n'était plus que spectatrice.

Elle n'avait pas voulu l'abandonner. Affaire de face. Il faut demeurer avec l'homme que l'on a choisi, dans la joie comme dans l'adversité. Fuir est une lâcheté, un acte de faiblesse. Phan était restée. ... [...]
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[...] ... Li-Mieng était absent. Son boy, un jeune Laotien endormi, partit nonchalamment à sa recherche.

Kérol répéta, tenace :

- "Il fait soif."

Et Lastin le suivit chez Soclauze. Ce dernier était mélancoliquement accoudé à son comptoir et regardait sans joie apparente une photo obscène fixée au mur par deux punaises. Depuis qu'il était à Takvane, le docteur le soignait : tuberculose pulmonaire. Soclauze prenait les médicaments de Lastin et les faisait descendre à grands verres de pastis et de cognac-soda. Comme il disait, le métier voulait cela. Un drôle de bonhomme. Jamais à le voir, maigre et chétif, avec ses petits yeux bleus naïfs, on ne se serait douté qu'il passait en moyenne deux à trois mois par an dans la prison de Takvane. Pour des motifs variables d'ailleurs, vols dérisoires, menus trafics. Ceux qui entraient chez lui avaient intérêt à surveiller de près leur portefeuille, stylo et porte-cigarettes. Parfois aussi, pour couronner une cuite marquante, il passait une tournée aux Laotiens, insultait les autorités en remontant la voie hiérarchique, du gendarme verbalisateur au gouverneur général. D'une stricte amoralité, il volait ses meilleurs amis sans scrupule et aurait empoisonné ses clients d'une main paisible s'il avait été certain de l'impunité.

Il vint s'asseoir en face du docteur.

- "J'ai eu une de ces fièvres depuis deux jours ....

- Tu n'as pas recraché de sang ?

- Non, mais ça ne va pas.

- Si tu n'étais pas toujours à te saouler la gueule."

Soclauze hocha la tête.

- "Mais tout ça va finir. L'an prochain, je rentre en France. Encore les pluies à passer."

Il rêva, son regard ingénu dans le vague.

- "Ce qu'ils seront contents, les vieux. Quinze ans que je traîne dans ce putain de pays, vous vous rendez compte, quinze ans !"

Lastin le laissait dire. Il savait que Soclauze ne rentrerait jamais en France. Depuis des années, il parlait de faire ses valises après les pluies. Un espoir qu'il se donnait à lui-même, une revanche obscure contre sa vie ratée. .... [...]
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Pourvu qu’il ne se venge pas sur sa femme.
-Pourquoi qu’elle fout pas le camp, celle-là aussi ?
-Où veux-tu qu’elle aille ? … Et puis, il l’a complètement terrifiée. Pourtant une bonne petite…
-Quel âge elle a ?
-Dix-sept ans.
-Et lui pas loin de cinquante.
-Oui, et syphilitique au troisième degré, alcoolique pour compléter. Il est pourri jusqu’aux moelles.
-Il a la syphilis en plus ?
 -Oui… je ne pardonnerai jamais aux bonnes sœurs d’avoir poussé la gamine au mariage. Et ce n’est pas le seul cas malheureusement t. Ça arrive à cinquante ans, ça veut se marier et, parce que c’est le meilleur moyen, on va trouver les religieuses du couvent. On fait le brave homme, le bon père de famille qui veut prendre avec lui une jeune fille, la plus jeune possible, bien élevée, gentille et jolie de préférence. Même on insiste pour obtenir du tout neuf. Tant qu’à faire… On montre sa croix de guerre, ses citations ou celles du copain qu’on a empruntées pour la circonstance. On parle de son grade, de sa solde, que tout gosse on allait au catéchisme, que c’était le bon temps, que la religion est une bonne chose. Quatre ou cinq billets pour les bonnes œuvres et pour prouver qu’on a du cœur, et voilà… 
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Le guerre totale. Les mots lui étaient venus à l’esprit.

Il revit Lee , khône ,Nuang, d’autres qu’il avait connus , qu’il connaissait encore parmi ce peuple : des hommes , des femmes , des amis. Et la solution de violence demeurait la seule .

Etre des conquérants. Ils devaient se résigner un peu plus chaque jour à n’être que cela puisqu’ils s’étaient fermé une à une les autres voies par leurs erreurs.
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Littérature
(Le débat commence entre le public et les chroniqueurs à propos d'un article écrit par Matthieu GALEY sur Jean-Paul SARTRE, après son refus du prix Nobel, et dans lequel, Matthieu GALEY explique "qu'il est devenu malgré lui, un auteur lu par les bourgeois"). Sont abordés, les livres :
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