AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Une trop bruyante solitude (106)

Je me relevai et sortis dans la rue, et pan! je me cognai à un copain déjà complètement beurré ; il retourna immédiatement sa poche-poitrine et se mit à chercher longuement quelque chose dans ses papiers, puis il me tendit un certificat de la police qui attestait de sa sobriété, "le soussigné n'a pas un gramme d'alcool dans le sang..." Je le lui rendis, bien plié, et lui, ce copain dont j'avais oublié le nom, de m'expliquer par le menu qu'il avait voulu commencer une nouvelle vie, qu'il s'était mis au lait pendant deux jours... Ça le faisait tellement tituber que ce matin, son chef l'avait renvoyé chez lui pour ivresse en lui soustrayant deux jours sur ses vacances. Alors il s'était rendu au poste se faire rendre justice, et les flics, voyant qu'il n'avait pas une goutte d'alcool dans le sang, avaient décroché le téléphone et engueulé son patron, l'accusant de saper le moral d'un ouvrier. Après cela, il avait bu de joie toute la matinée en l'honneur de ce papier officiel prouvant noir sur blanc son abstinence...
Commenter  J’apprécie          70
[...] mon logement à Holesovice croule sous le poids des bouquins : il y en a plein la cave et la remise, les w.-c. sont bourrés à craquer, le garde-manger aussi, dans la cuisine il reste juste un petit chemin pour aller à la fenêtre et au fourneau, aux w.-c., juste la place de s'asseoir ; à un mètre cinquante au-dessus de la cuvette s'élève une vraie charpente avec des livres jusqu'au plafond, mais un geste imprudent, un faux mouvement, un effleurement imperceptible, et je me cogne sur les montants, une demi-tonne de livres me tombe dessus et m'écrabouille comme je suis, culotte baissée. Comme on ne peut plus y ajouter un seul volume, j'ai fait faire dans ma chambre, au-dessus des deux lits jumeaux, des étagères en forme de baldaquin, de ciel de lit et j'y ai empilé deux tonnes de livres trouvés pendant ces trente-cinq ans ; quand je m'endors, ces deux tonnes de bouquins pèsent sur mes songes comme un énorme cauchemar...
[...]
Et cette épée de Damoclès que j'ai moi-même fixée au plafond des w.-c. et de ma chambre m'oblige à sortir acheter de la bière, ma seule défense contre cette belle fin.
Commenter  J’apprécie          10
Adossé au comptoir de la Brasserie-Noie, je bois un demi ; à partir d'aujourd'hui, te voilà seul, mon bonhomme, tu dois faire face tout seul, te forcer à voir du monde, t'amuser, te jouer la comédie aussi longtemps que tu t'accrocheras à cette terre ; à partir d'aujourd'hui ne tourbillonnent plus que des cercles mélancoliques... En allant de l'avant tu retourne en arrière, oui : progressus ad ariginem et regressus ad futurum, c'est la même chose, ton cerveau n'est rien qu'un paquet d'idées écrasées à la presse mécanique.
Commenter  J’apprécie          10
Instruit malgré moi, je ne sais même pas distinguer les idées qui sont miennes de celles que j'ai lues.
Commenter  J’apprécie          10
(…) car moi, lorsque je lis, je ne lis pas vraiment, je ramasse du bec une belle phrase et je la suce comme un bonbon, je la sirote comme un petit verre de liqueur jusqu’à ce que l’idée se dissolve en moi comme l’alcool; elle s’infiltre si lentement qu’elle n’imbibe pas seulement mon cerveau et mon cœur, elle pulse cahin-caha jusqu’au racines de mes veines (…).
Commenter  J’apprécie          20
Tout ce que j'aperçois dans ce monde est animé d'un mouvement simultané de va-et-vient, tout s'avance et d'un coup tout recule, comme un soufflet de forge, comme ma presse sous la commande des boutons rouge et vert, clopin-clopant tout bascule en son propre contraire, et c'est grâce à cela que le monde ne cloche pas. Moi, j'emballe depuis trente-cinq ans du vieux papier; or pour bien faire ce travail il faudrait une instruction universitaire, au moins le lycée classique, mais l'idéal en soi serait le séminaire. Ainsi, dans mon métier, la spirale et le cercle se répondent, progressus ad futurum et regressus ad originem se confondent, tout cela, je le vis avec intensité; instruit malgré moi, malheureux d'être heureux, je me prends à considérer que progressus ad originem et regressus ad futurum peuvent bien s'accorder.
Commenter  J’apprécie          60
Et j’empoignais à pleines brassées le papier humide et ensanglanté, le visage barbouillé de sang ; au signal vert, le plateau de ma presse écrasait cet horrible papier et les mouches qui n’avaient pu s’arracher aux dernières bribes de viande, ces mouches bleue, affolées par l’odeur carnée, vrombissantes, agglutinées, formaient autour de la cuve pleine de papier, en une fureur toujours accrue, un dense buisson de démence, comme les neutrons et les protons tourbillonnant dans l’atome.
Commenter  J’apprécie          10
J'avais déjà trouvé en moi la force de fixer froidement le malheur, d'étouffer mes émotions, je commençais alors à comprendre la beauté qu'il y a à détruire.
Commenter  J’apprécie          40
[...] parce que lorsque je lis, ce n'est pas pour m'amuser ou faire passer le temps ou encore pour mieux m'endormir ; moi qui vis dans un pays où, depuis quinze générations, on sait lire et écrire, je bois pour que le lire m'empêche à jamais de dormir, pour que le lire me fasse attraper la tremblote, car je pense avec Hegel qu'un homme noble de cœur n'est pas forcément gentilhomme ni un criminel assassin.
Commenter  J’apprécie          20
Je suis une cruche pleine d'eau vive et d'eau morte, je n'ai qu'à me baisser un peu pour qu'un flot de belles pensées se mette à couler de moi.
Commenter  J’apprécie          30






    Lecteurs (1080) Voir plus



    Quiz Voir plus

    L'Allemagne à la portée de tous

    J'ai un chien loup ou

    berger teuton
    berger germain
    berger d'outre Rhin
    berger allemand

    10 questions
    70 lecteurs ont répondu
    Créer un quiz sur ce livre

    {* *}