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Critique de A_Hogrel


Le premier mot qui me vient à l'esprit lorsque je pense à Brothers est : foisonnant. C'est un roman qui étonne, intrigue, fait sourire mais aussi pleurer, intérèsse et touche. Nous sommes emportés par la verve de M Yu Hua, dans un conte rocambolesque à travers la Chine des années 60 jusqu'à nos jours. Ce conte nous narre la vie de Li Guangtou, personnage hors normes du bourg des Liu : de sa première renommée locale que lui a apporté son arrestation pour flagrant délit de voyeurisme dans les toilettes publiques, à sa renommée internationale de multi-millionnaire excentrique, Li Guangtou nous en fait voir de toutes les couleurs. Et quelles couleurs !

Maladroit d'esprit mais droit de coeur, ce héros aux contours d'enfant mal dégrossi taillade les codes à grands coups de haches, giflant un pauvre bougre ou pleurant à chaudes larmes selon son humeur. Loin de toute pudeur, il provoque, joue, marchande, s'amuse, se moquant bien de ce que l'on peut penser de lui. Bref, il vit sa vie, sans se soucier le moins du monde du quand-dira-t-on. Et quand il aime, c'est toute la Terre qui peut s'effondrer. Ainsi de son frère aîné, Song Gang, véritable complémentaire de Li Guangtou. Song Gand est grand et élancé, Li Guangtou est petit et râblé ; Song Gand est timide et doux, Li Guangtou est tonitruant et violent ; Song Gand n'a aucune ambition, Li Guangtou veut conquérir la lune. Ces deux personnages ne semblent rien partager et pourtant...

Devenus frères à la suite d'un deuxième mariage, Song Gang et Li Guangtou évoluent toutes leurs vies sur des chemins qui, bien qu'ils ne se croisent jamais, s'enroulent comme deux brins d'ADN. Malgré les affres de la vie - et quels affres ! des atrocités de la Chine de Mao à la folie du capitalisme, ces deux-là n'auront de cesse de mordre la poussière -, ils restent essentiellement vrais à eux-mêmes et, par-dessus tout, à leurs liens de fraternité. C'est une trame que ne peuvent briser les maladies, les amours, les décès, les tromperies, les joies et les souffrances de la vie. Qu'un principe désuet entraîne Li Guangtou à ne plus parler à son grand frère ou qu'une trop grande culpabilité sépare Song Gang de son petit frère, la rupture n'est jamais consommée.

Or c'est précisément l'invulnérabilité de cette fraternité qui est l'essence de Brothers. Cet amour absolu colore les épreuves que chacun traverse, de subtilités invisibles autrement. Telle la falaise qui fait jaillir les embruns des vagues de l'océan, le foyer intangible qui relie Song Gang à Li Guangtou fait éclore les détails dans toute(s) leur(s) définition(s) de “détails”. M Yu Hua peut, dès lors, transmettre une vision personnelle de la Chine en s'en tenant simplement à des descriptions factuelles. Aucun jugement ne transparaît du texte, qui nous emporte au large tout en nous laissant la savoureuse illusion de tenir la barre.

Brothers nous fait ainsi redécouvrir l'imaginaire des contes à travers un récit pourtant bien ancré dans la réalité contemporaine. Et c'est bon ! Plus de barrières, plus de bien-pensance : voici venir Li Guangtou, du bourg des Liu !
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