AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de EvathCebor


Le premier chapitre de Notre-Dame de Paris est un trésor national. Il faudrait en arracher les pages et les planter en drapeaux sur toutes les façades des mairies françaises. En un chapitre soigneusement bâti, lentement, avec une minutie d'orfèvre, Victor Hugo introduit tous ses personnages, toutes ses thématiques, prépare le déploiement d'un roman immense. C'est une scène vivante, grouillante, d'une richesse et d'une profondeur d'océan.

Le reste du roman est fascinant, aussi cruel qu'il est tendre, déchirant. Et que dire du style de l'auteur, de ses tournures superbes, des idées, des revendications qui nous sautent à la gorge au détour d'une métaphore ou d'une magnifique fin de phrase.

Mon seul souci avec ce livre brillant, étincelant, éblouissant jusqu'à l'aveuglement, sont les digressions de Victor Hugo sur l'architecture, dont il fait son cheval de bataille, lui met la selle, le chevauche, part en guerre, l'épée tranchant les cous et les arbres et les maisons, le bras charcutant en tous sens sans pitié ni repos. Je ne suis pas du tout féru d'architecture, encore moins par écrit, ce qui n'a pas empêché Hugo de me contaminer, de me rendre malade du même conservatisme. Alors que je le lisais se plaindre, je nous entendais grogner en meute de deux contre les millions de la modernité. L'auteur me plaît dans sa façon vieillotte et donc remplie de sagesse de s'offusquer. Je m'énerve avec lui qu'on saccage tel bâtiment, qu'on massacre telle église, qu'on taille tel rebord ou telle pointe pour l'arrondir, qu'on ait la manie de tout soustraire pour faire de la place à quelques nouveautés de mauvais goût, qu'on remplace plutôt qu'ajouter ailleurs.

Je n'ai pas envie de lire ses digressions architecturales, pourtant je les lis et les comprends, quand bien même je ne m'y intéresse pas, mais alors pas du tout. Ambitieux, Hugo n'est visiblement pas satisfait d'avoir acquis un ignorant à sa cause. Il insiste, il en rajoute, et étale sur six pages ce qu'il avait brillamment théorisé en trois lignes. Et il trouve de nouveaux mots pour répéter la même idée, encore, et encore, et toujours, s'acharne à faire transpirer son monde jusqu'à en assécher les mers. Une telle débauche d'énergie l'aurait dispensé d'EPO pour remporter le tour de France avec autant d'avance qu'Usain Bolt sur un paraplégique. Son ardeur est inégalable. Ce n'est plus un auteur mais un avocat lancé dans une plaidoirie de la dernière chance pour sauver son client, ici une cathédrale, ailleurs une place pavée, du billot ou du maillet. Têtu au dernier degré, décapitable au ciseau si l'obstination n'était qu'un délit, Victor Hugo ne rate pas une occasion de nous rabacher ses conceptions architecturales. Et c'est peu dire que les deux tours de Notre-Dame et le Paris de l'époque s'y prêtent bien ! Vous trouvez que je suis lourd ? Imaginez à quel point lui sait l'être ! Que j'en fais des caisses ? Lui, ce sont des tonneaux ! J'ai été conduit au paroxysme de l'ennui par ces passages qui ne me plaisaient pas et m'éloignaient du livre, plus désagréables que des coupures pub trop longues et trop fréquentes au milieu d'un excellent film. Ainsi, j'étais essoré de mes dernières gouttes de patience lorsque je suis arrivé au terrible chapitre Paris à vol d'oiseau, que j'ai traversé comme Jésus son désert.

Mais le reste du livre est si fascinant et si beau que je lui pardonne tout.
Commenter  J’apprécie          90



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}