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Citations sur La Saison du souvenir (11)

Alors une voix féminine s’est faite entendre, une voix qui m’a paru belle parce qu’elle criait mon nom. Je me suis retourné et j’ai reconnu l’institutrice dont j’avais croisé le regard la veille, à l’entrée du village. Cette fois elle ne m’a pas regardé : elle attendait le petit garçon, rien d’autre ne comptait pour elle. J’ai regardé moi aussi le petit qui finissait son chocolat puis descendait de son tabouret. Avant qu’il ne disparaisse, je l’ai attrapé par le bras et je lui ai tendu le dessin de la plage que je venais de détacher de mon carnet. Le garçon s’en est saisi à deux mains, avec beaucoup de soin, comme s’il s’agissait d’un document d’une valeur exceptionnelle, puis il s’en est allé, toujours sans me regarder, et je me suis retrouvé tout à fait seul.
Un peu plus tard, alors que je sortais du café, je me suis posé une question : est-ce que je me sentais coupable parce que j’étais seul, ou est-ce que j’étais seul parce que j’étais coupable de quelque chose (et si oui, de quoi) ?
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Parvenus au sommet de la montagne, nous admirions l’océan. Il était si vaste que l’île, d’un seul coup, nous paraissait minuscule. Allongés sur l’herbe sèche, nous mangions des fruits en nous racontant à voix basse des histoires de vaisseaux engloutis et de marins noyés. Ces histoires étaient fausses, bien entendu, c’étaient des légendes inventées par les plus âgés d’entre nous ; mais comme je faisais partie des plus jeunes, il m’arrivait d’avoir peur. Alors je tournais la tête vers Mina. Cela me faisait du bien, car elle regardait la mer avec une sorte de confiance butée, en souriant distraitement, comme si elle savait que rien de mauvais ne pouvait naître de l’océan.
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Les rues baignaient dans une belle lumière blanche. Le peintre se sentait d’humeur légère, ce qui lui arrivait rarement. Devant les terrasses animées, il envia l’existence insouciante des hommes et des femmes qui ne s’étaient pas donné pour mission de traduire en œuvres d’art leurs angoisses et leurs désirs, leurs obsessions et leurs vertiges.
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Clémentine aimait profondément sa mère, sa mère qui était si parfaite, et elle aimait aussi son père, mais d’une autre manière. Elle avait compris ou cru comprendre depuis le soir de la grande dispute qu’elle n’était pas vraiment censée l’aimer ; alors elle avait décidé de l’aimer en secret, ce qui n’était pas chose facile. Souvent elle avait envie de parler de lui, parce qu’un souvenir de leur vie commune lui était revenu, parce qu’elle se demandait ce qu’il faisait, ou simplement parce qu’elle désirait prononcer le mot « papa » – et elle se l’interdisait. Elle gardait la bouche fermée, ou bien parlait d’autre chose, puis elle regardait sa mère pour s’assurer que celle-ci ne se doutait de rien – mais non, se rassurait-elle, maman ne se doutait de rien, son secret était bien gardé.
Mais Clémentine Puig ne se contentait pas de penser à son père une fois de temps en temps : chaque jour, malgré les efforts qu’elle faisait pour l’étouffer, le désir lui venait de vivre à nouveau avec lui. C’était d’ailleurs moins un désir qu’une certitude : elle savait qu’un jour il reviendrait la chercher, qu’il l’emmènerait dans cette ville impossible dont elle n’arrivait jamais à retenir le nom, qu’elle vivrait avec lui et qu’elle serait heureuse.
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L’acteur ne souriait plus. Il avait l’air charmé, ou stupéfait ; peut-être était-il stupéfait d’être charmé. Il retourna s’asseoir sur sa chaise. Madeleine retrouva son fauteuil. Ils fumèrent en silence.
Midi sonna au clocher de Saint-Médard. Vargas voulut entendre un autre poème. Encore Lamartine ? « Non, répondit l’acteur, quelque chose de moderne. » Madeleine lut un peu de Toulet, un peu de René-Guy Cadou, puis, quand elle eut terminé, Vargas déclara qu’il la trouvait belle. Madeleine ne répondit pas. Il l’invita à dîner et elle répondit « peut-être ». Il sourit encore, sans jouer la comédie cette fois. Depuis quand une femme ne lui avait-elle pas répondu « peut-être » ?
Le Péruvien se leva, écrivit le nom d’un restaurant sur un morceau de papier qu’il déposa sur la table basse. Madeleine se leva à son tour et le raccompagna jusqu’à la porte. Elle se forçait à ne pas sourire, mais à cet instant, elle eût tout donné pour être à ce soir. Bien sûr que son « peut-être » était un « oui » !
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— Tu as un endroit où aller ?
— Non, pas vraiment. Mais ne t’en fais pas pour moi.
— Tu as bien une maison quelque part ?
N’avait-elle pas compris ce que la vie avait fait de lui en onze ans ? Croyait-elle qu’il s’était remarié et qu’il vivait heureux dans un nouveau foyer ? Milan songeait avec colère à sa propre odeur – l’odeur d’un homme qui passe toutes ses journées dehors, qui n’a nulle part où se réfugier. L’odeur d’un vagabond, d’un mendiant. Anne ne l’avait-elle pas senti, cette odeur ? Voilà peut-être pourquoi elle se montrait aussi distante, pensa Milan : elle n’avait rien senti, elle n’avait rien compris.
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La nuit était tombée depuis un moment, mais grâce à la lumière de la lune, Milan se repérait facilement dans le paysage de fermes et de champs qui avait été le décor de son enfance, de sa jeunesse et d’une partie de sa vie d’adulte. S’il marchait vite, ce n’était pas par impatience, mais parce que des années d’errance lui avaient fait adopter cette démarche vive, légèrement claudicante mais néanmoins efficace, dont il n’avait jamais cherché à se départir.
Son sac lui pesait tellement sur l’épaule qu’il fut tenté de l’abandonner dans un fossé.
Il éprouva un choc quand il vit la maison, mais un choc moindre que celui qu’il avait escompté. Les deux chênes situés à l’entrée de la cour avaient été abattus, mais à part ça, rien n’avait changé. Il eut un moment d’hésitation, comme si sa volonté était en train de le fuir, puis il fit coulisser le portail, pénétra dans la cour et referma derrière lui.
Il songea qu’il venait de faire le plus dur, mais ce n’était pas vrai. N’avait-il pas commis une erreur en se présentant ici le soir de Noël, sans prévenir quiconque de surcroît ?
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Tout est blanc. Les draps, les couvertures, les murs, les portes, le plafond, les meubles – tout est blanc. C’est pour nous apaiser. Nous faire oublier tout : la blessure, la maladie, l’accident. Nous redonner le goût des choses. Nous redonner l’envie de repartir de là dynamique et vivant, plein de sérénité, de rêves.
Mais c’est tout l’inverse qui se produit. Quand on entre ici, on perd toutes ses envies, sauf celle de mourir. On n’est plus qu’un corps, un corps malade.
Pendant que je dormais, ils m’ont mis des bandages pour recouvrir mes traces. Mes blessures, là, juste avant les mains, je les appelle mes traces. C’est moi qui les ai faites. Je ne sais plus très bien pourquoi. Je sais qu’il y avait une raison. Plusieurs, même. Maintenant je suis calme. J’essaie.
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Ce qui me plaisait le plus, c’était les rares moments où j’étais chez lui, après l’amour, et où je pouvais l’observer pendant qu’il allait et venait dans son appartement, mettait de l’ordre dans le salon, allait nous chercher à boire. J’avais, durant ces courts instants qui précédaient l’apparition de l’impatience, l’impression que nous menions une sorte de vie conjugale, que cet appartement était le nôtre, que nous l’occuperions pendant de longues années, jusqu’à ce que la naissance de notre premier enfant ne nous oblige à déménager dans un logement plus grand. Cette rêverie naïve, je la savourais en vérité beaucoup plus que ce à quoi elle succédait, mais dès que je devinais la moindre impatience dans les gestes de mon amant, je me rhabillais et disparaissais, car j’avais décidé de l’aimer et ne voulais surtout pas le contrarier.
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Pauline s’assit sur un rocher et ferma les yeux. Les souvenirs qu’elle gardait de sa mère étaient nombreux mais elle craignait de les voir s’effacer avec le temps. Il y aurait toujours les photos, bien sûr, mais les photos n’étaient pas aussi émouvantes que les souvenirs, elles ne disaient pas la vérité, pas toute la vérité.
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