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Critique de Pancrace


Après « La survivance » et « La langue des oiseaux » c'est le troisième roman de cette auteure que je dévore depuis mon environnement bitumé de citadin.
Lire cette écri-vaine, comme elle se définit, c'est pour moi, pénétrer une dimension quasi inexplorée à la nature souveraine où le guide de vie est l'instinct.
Merci à Mme Hunzinger d'être mon tempérament opposé. Cette altérité bienfaisante, m'enivre, m'emporte. Je me sens choyé mais malgré tout bousculé, effrayé, par l'importance et l'urgence sérieuses à maitriser les concepts inquiétants et menaçants énoncés dans ce roman.
L'anthropocène, cette nouvelle époque géologique qui se caractérise par l'avènement des hommes comme principale force du changement sur terre surpassant les forces géophysiques est en marche et se confirme être suffisamment alarmante pour nous entrainer dans un chaos intégral si elle n'est pas endiguée.

Sophie Hunzinga et Grieg son compagnon se sont retirés dans une ancienne bergerie au nom prédestiné : « Les bois-bannis ». Ce lieu-dit excentré, peuplé en son temps par des anabaptistes est à une heure de marche de tout site habité.
Ils ont pour seuls remparts leurs livres, leur connaissance et leur amour de la nature.
« Et moi, je voulais encore une fois gouter au plaisir infini de déguerpir. Déguerpir, c'est ma base de romancière. de livre en livre, je me suis accrochée au déguerpir comme à la queue d'un renard. »

Par je ne sais quel prodige, malgré la perception de ce chamboulement annoncé, je me sens serein. Est-ce cette écriture expérimentée et érudite qui canalise mon inquiétude débordante, qui ralentit mon pouls, qui m'apaise et me tranquillise ou est-ce l'apparition d'une vieillesse partagée avec Sophie et Grieg qui atténue le marasme à venir par le vécu d'une vie déjà bien pleine ?

Dans ses romans, Claudie Hunzinger m'a rendu capable avec sensualité et poésie à percevoir le sifflet des oiseaux dans les cimes, à écouter bruisser les feuilles des arbres, à saisir les plaintes du vent, à pactiser avec un âne aimable, à voir un cerf autrement.
Comment ne pas être ensorcelé ?
Je suis comme un chien à sa table, j'attends qu'elle me jette ses mots en pâture pour m'en délecter, m'en réconforter, m'alerter aussi, jamais rassasié.
Je ne suis plus là, je suis dans ses pas, dans mes brodequins boueux à arpenter le terroir autant que le territoire avec « Yes » sa jeune chienne qui l'accompagne et qu'elle aime à l'égal de son compagnon aigri de la vie bafouillant qu'on lui foute la paix.

Je n'ai pas les compétences pour faire un quelconque bilan. « Il disait qu'on s'habituait tranquillement, voilà tout. Qu'on s'habituerait au pire. Qu'on allait tranquillement banaliser l'insoutenable. »
Je n'imagine pas ma part de responsabilités mais je suis conscient du dégât accompli et de l'immense tâche à effectuer pour soigner ce qu'il est encore possible de sauver.
« Mais je le répète, le monde ne s'était pas écroulé. Juste un peu plus que la veille et c'est un fait qu'on ne lui appartenait déjà plus. »

Parce que je repense à toutes mes années de services, bientôt, il y a aura les années de sévices. le temps perdu qu'on ne rattrape plus. Antisocial, je perds mon sang froid…
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