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Critique de de


Séjour et promenades dans Florence, « Une cloche sonne, et, captant les premiers rayons du soleil, les vielles briques et tuiles de la capitale s'embrassent », les arts de la renaissance sous le regard d'une photographe. « Je penche donc je suis, se dit Rena, non, je penche vers la droite donc je suis en Italie, en italiques, toutes mes penchées sont en italique, elles hurlent, insistent, se répètent, vocifèrent, m'accusent, toi la pellicule ultrasensible, comment est-ce possible, comment ? Tu n'as rien vu, rien deviné, rien senti, rien compris, rien détecté ? Non, parce que pas ça, non, le sein oui la peau oui l'estomac oui les bronches oui le médiastin oui depuis 1936 la photographie infrarouge est reconnue pour son extrême utilité dans ces domaines-là mais ça non, justement ça non, non, pas du tout ». Rena accompagne son père Simon « Pauvre Simon, se dit Rena. Il a l'air découragé d'avance. Redoute les jours à venir. A peur que je ne veuille les traîner, les bousculer, les épater, les impressionner, les écraser avec mon savoir, mon énergie, ma curiosité. Se dit qu'ils auraient mieux fait d'aller directement de Rotterdam à Montréal. Craint de me décevoir. “Ma chère fille je suis vieux je le confesse”, comme dit le roi Lear. Soixante-dix ans ce n'est pas vieux de nos jours, sauf que là, franchement, il est fatigué et je lui pèse. Je l'épuise et lui pèse. » et sa compagne Ingrid.

Cette plongée dans une ville musée engendre à la fois des pensées pour l'amant laissé à Paris et des remémorations d'histoires plus anciennes, avec une forte composante sensuelle ou érotique. « Ils avaient fait l'amour ce matin avant la sonnerie du réveil et elle avait voulu qu'il vienne sur son visage, c'était si fort le moment où, tenant son sexe dans ses deux mains, elle sentait soudain la semence traverser puis jaillir, crème de jouvence tiède et merveilleuse, elle l'avait étalée sur sa figure, son cou, ses seins, l'avait sentie sécher et se rafraîchir ; en se lavant ce matin elle avait tenu à garder, fine et transparente sous la mâchoire, à la naissance du cou, un peu de cette trace invisible de son amant : masque léger pour la protéger, l'aider à affronter l'épreuve… »

Des passés donc, dont les frontières ne se limitent pas aux lieux, mais se déplacent, s'élargissent au gré des rencontres toujours présentes. Des passées différents, plus lents pour les membres du vieux couple. Et l'histoire.

Le monde et les autres comme terrain de rencontres, sous les couleurs de l'Arno et des oeuvres triplement vues. le père, la belle-mère et Rena ne regardent pas les mêmes statues, les tableaux, les monuments. Comme les hommes et les femmes, les oeuvres ne sont pas « une », elles se construisent aussi dans les regards.

Pendant ce temps « L'état d'urgence est déclaré en France ».

Des vacances et des ruptures.

Une écriture toute en couleurs, pour des allées dans le temps, des retours de souvenirs. Des dialogues enlevés d'une femme refusant les codes.

Et une petite voix, Subra, double interrogative et ironique de Rena.

Un vrai voyage. Subtil et plaisant. Une littérature non blasée.
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