AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de djathi


Si "Un été sans les hommes",qui fut une première excursion dans l'univers de Siri Hustevdt ,ne m'a laissé qu'un sentiment mitigé , il m'a fallu poursuivre immédiatement dans cette découverte pour parvenir à me situer plus précisémment et mettre quelques mots sur une impression nébuleuse , indéfinie , à peine palpable .
Et si les préjugés ont la vie dure et ne se laissent pas déloger si facilement comme nous le démontre brillamment l'auteure , ils peuvent s'évanouir comme neige au soleil dès lors que le cerveau veuille bien s'assouplir .
Siri Hustvedt n'a rien d'aimable , ni dans ses interwiews , ni dans son écriture . Engoncée dans un intellectualisme que d'aucuns pourraient qualifier d'ostentatoire , et une hauteur de vue en apparence condescendante , le tout enveloppé dans une enveloppe charnelle effrayante de beauté froide , avouons que ça fait un fait" un peu beaucoup" pour une seule et même personne , dieu est injuste !
Alors , forte et faible de tous ses attributs , Siri Hustvedt s'affirme à travers l'écriture nourrie par de solides formations universitaires en littérature , neuroscience , psychanalyse , philosophie , des centres d'intérêts aussi pointus que l'art ,la philosophie de l'esthétique , l'histoire de la femme dans nos sociétés et tant encore .
Et quand elle se déploie miss Siri Hustvedt , ce n'est bien évidemment pas dans la facilité , la bien-pensance , et une forme enjôleuse ou pour le moins préhensible par un lectorat dès lors acquis .
La coquine d'ailleurs : avec ses titres trompe-l'oeil "Un été sans les hommes " , Un monde flamboyant" ...il y a fort à parier que certains ouvrages ont du se retrouver incongrûment dans un sac de plage et que , s'il est vrai que le livre n'a de vie que dans l'interaction avec son lecteur , celui-ci risque d'être voué à une mort prématuré . Avis aux amateurs donc : ne pas se fier à l'emballage ! Siri Hustvedt , non contente de brouiller les certitudes de son lecteur dans sa perception du monde , semble se jouer de celui-ci avant même de lui donner du fil à retordre !


Il aura fallu La grande librairie récemment avec à l'honneur le grand , l'incontournable , le sexy boy de la Littérature , le conteur inégalable , avec son grand retour à travers ce monument 4321 , j'ai nommé bien sûr le PAUL AUSTER, et pour l'occasion à ses côtés ce jour là , sa femme l'évanescente Siri Hustvedt qui vient de sortir un dernier essai , pour avoir envie de dépasser mes préjugés solidement ancrés je croyais .
Irritée par ce que je percevais comme un certain pédantisme , je fulminais derrière mon écran , épidermique face à cette poupée décidément trop belle pour se permettre autant de psychorigidité affiché , revendiqué (non mais laissez ça aux moches ) . Pas même un faux semblant et un sourire de blonde potiche qui nous la rendrait plus humaine . Et Paul Auster en admiration devant sa muse . Enfin que je pensais .

Au final je décidai un jour de me soumettre à la lecture de Siri Hustvedt . Consciente que celle-ci n'aurait rien de confortable avec ma position actuelle à son égard .

Avec Un été sans les hommes nous faisions la rencontre d'une femme plus très jeune en reconstruction psychique suite à "La pause " de son mari , vous savez celle que les hommes s'accordent lors du fameux passage du démon de midi ! Dit comme ça , sujet vu et revu jusqu'à devenir usé jusqu'à la moelle , ce serait plutôt répulsif , autant que le titre faussement racoleur et la couverture du livre , on aurait envie de vite passer son chemin .
A part que , loin d'une forme larmoyante romanesque dégoulinante ou arrimée à une psychologie féministe primaire et manichéenne , cet ouvrage se définirait plutôt comme un petit éclatement de lambeaux psychiques en train de chercher des outils pour retrouver son unité . Et le chemin est tout sauf convenu : Siri Hustvedt ne se départ pas d'une cérébralité un peu crispante par moment mais infiltrée pudiquement par une sensibilité masquée et désarmante .

Un monde flamboyant , et déjà les petites associations d'idées qui fusent à mon insu pour me conduire dans un univers que j'imagine " paillettes et rouge carmin "et d'entendre les rires de gorges de dindes , euh de femmes , femmes des années 80 jusqu'au bout des seins .
Mais je retrouve dans Un monde flamboyant le même flux de pensée que celui d'Un été sans les hommes et lus successivement , ils se mélangent un peu dans mon cerveau un peu embrumé . Peu importe , au contraire puisque ce n'est pas la trame romanesque qui dirige ma lecture la plupart du temps mais la houle de fond .
Là encore le personnage principal est une femme , artiste de l'ombre , qui tentera de démontrer que "l'art vit uniquement dans sa perception" à travers un subterfuge aussi ingénieux que machiavélique : dissimuler derrière trois artistes différents , trois hommes qui s'appropieront momentanément la paternité de ses oeuvres plastiques , afin d'étudier l'accueil de la presse , du public et du monde de l'art et inclure cette dernière partie à l'intérieur même de sa créativité , comme des prolongements de sa création . Et d'en tirer des conclusions bien plus subtiles qu'une seule démonstration féministe .
Afin de laisser toute subjectivité exclusive , Siri construit son roman à partir de témoignages de ces proches et de carnets intimes réunis à titre posthume par une journaliste qui tente de démêler le vrai du faux de ce jeu d'imposture . C'est donc une narration kaléidoscopique savamment orchestrée pour brouiller le lecteur pour mieux le ramener à s'interroger sur la vérité et les jeux de miroirs . Et par ce procédé ludique et teinté de perversité assumée , en multipliant les prismes , en jouant dangereusement avec les masques et la réalité , en transgressant les lois communément admises , en fracturant les frontières de genre , en vivant l'art dans la réalité et vice-versa , jalonnant son récit de références clés pour éclairer le lecteur (ou mieux l'obscurcir ) , mystificatrice dans la jouissance douloureuse , provocatrice , mise en abyme à travers cette panoplie de personnages insaisissables , se superposant les uns aux autres , réels ou imaginaires ou les deux à la fois , Siri Hustvedt propose une aventure intérieure unique , inconfortable , addictive , subversive , laissant son lecteur en flottement , le temps qu'il se ressaisisse pour porter un regard ouvert sur des contrées jusqu'alors ignorées .
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}