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Critique de ClaireG


La guerre sans la faire.

Octobre 1941 - Dorset, sud-ouest de l'Angleterre. Hallows Farm, des hectares de pâture à vaches et moutons d'élevage, d'autres à cultures, un petit verger. L'approvisionnement de base est précaire, il est demandé aux Anglais d'être auto-suffisants. Les ménagères participent à l'effort de guerre en donnant leurs casseroles en aluminium pour fabriquer des Spitfires. Les hommes sont réquisitionnés par l'armée, les femmes doivent se débrouiller comme elles peuvent.

C'est ainsi qu'arrivent à Hallows Farm trois jeunes filles, formées aux travaux agricoles, pour remplacer les hommes partis au front. Elles sont reçues par les Lawrence, couple très uni par l'amour de la terre, et leur fils Joe, réformé pour cause d'asthme. Trois personnalités très différentes, trois options de vie différentes, un même acharnement au travail. Elles sont là pour un an. Chaque saison apporte son lot de travaux.

Discipline spartiate : lever à 4h 45, vie épuisante pour des citadines mais saine et diversifiée : traite des vaches et stérilisation du lait, traçage de sillons rectilignes avec le tracteur, labourage, épandage et ensemencement, entretien de la truie, taille les haies d'aubépine, remplacement des litières, chaulage de l'étable, travaux ménagers, soins aux fruitiers. Et si ce n'est pas suffisant, il y a aussi le très sérieux programme de dératisation en cinq jours, la tonte des moutons, les joies et les pertes de l'agnelage.

Elles ne tardent pas à trouver chacune leur place à la ferme, à tisser des relations diverses avec les fermiers et à adorer partager les repas et les courtes soirées dans une ambiance joyeuse et familiale.

La nature joue un rôle central et mêle harmonieusement ses transformations saisonnières à l'évolution des jeunes filles. « Et un bel après-midi, sortant d'un silence presqu'inquiétant, les gouttes intenses du chant d'une alouette cascadèrent sur la terre labourée ».

Ce petit bijou de bonne humeur, d'optimisme et de fraîcheur serait incomplet si l'amour ne se frayait pas un chemin dans ce paysage laborieux qui n'exclut pas le romantisme. Joe est fiancé à Janet, ce qui ne l'empêche pas de succomber au charme de Prue, la frivole, qui se confectionne une carte du Tendre avec les hommes de la région, sachant que celui dont elle rêve ne pousse pas dans les labours. Ag, l'intellectuelle de Cambridge, espère être aimée de Desmond, un étudiant de fac dont elle est sans nouvelles. Elle aime lire les auteurs anglais avec Joe. Stella, la rêveuse, attend impatiemment les lettres de son enseigne de vaisseau qui sera grièvement blessé à la guerre. Elle est surtout amoureuse de l'idée qu'elle se fait de l'amour.

Très belle approche psychologique de l'amour au corps, au coeur et dans la tête.

Nous retrouvons nos trois volontaires cinquante ans plus tard, fidèles à leur rendez-vous annuel depuis la fin de la guerre. Surprise, surprise !

Superbe roman. Elégant, même en pataugeant dans la gadoue, généreux même dans les personnages secondaires de Ratty, le vieux régisseur, et Edith, la pisse-vinaigre, tendre et précis dans tous ses méandres.

Ce roman me réconcilie avec Angela Huth dont j'avais trouvé « de toutes les couleurs » mièvre et sans beaucoup de consistance alors que j'avais beaucoup aimé « Quand rentrent les marins ». Pas de guimauve dans ces pages mais du solide, du concret, de l'éprouvant, raconté avec toute la finesse de cette grande conteuse.

Après quelques lectures denses, la fraîcheur et la délicatesse de ce roman m'ont apporté de larges bouffées d'air vivifiant.

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