AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ODP31


De la Porsche au camion-rôtissoire.
Sacré trajet entre la Suisse et le bord de l'océan, entre la finance genevoise et la vente de poulets sur les marchés du Sud-Ouest. Un monde d'écart, et quelques zéros sur le livret A des personnages entre « La soustraction des possibles », le précédent roman très réussi de Joseph Incardona et « Les corps solides ». La distance ne fait pas peur à cet auteur qui peut se targuer de ne jamais écrire deux fois le même roman. Pas de problème d'essence pour le trajet car il a fait le plein d'idées. Tant pis, il n'aura pas le Prix Nobel du nombril, déjà attribué, mais chacun de ses livres nous fait découvrir un nouvel univers. Un romancier qui innove plus qu'il ne recycle.
Anna, la quarantaine, élève seule son fils Leo. Elle vit au bord de l'océan dans un Mobile-home et écume non pas les plages, mais les places de marché pour vendre le poulet dominical à tous les week-endeurs à pull enroulé sur les épaules.
Elle perd son outil de travail dans un accident de la route et elle se résout à participer à un jeu télé au concept débile, ce qui garantit en général un excellent audimat, qui consiste à poser sa main sur une voiture de luxe et d'être le ou la dernière à la retirer pour repartir avec la titine.
De son côté, le fiston, malmené au collège, ne rêve que de surf et de son père disparu.
J'ai eu du mal à rentrer dans l'histoire et le premier tiers du livre, qui installe les personnages, est aussi gai et optimiste qu'un film des frères Dardenne. La vue sur l'océan est belle, mais hors saison, la vie d'une mouette n'est pas trépidante.
En revanche, dès que le jeu commence, le récit passe la seconde, et il devient aussi difficile de lâcher ces pages pour le lecteur que de lâcher l'aile de cette voiture pour Anna. Rien ne manque dans le biotope de l'émission : ni l'animateur insupportable qui donne des envies de meurtre, ni les producteurs cyniques, ni le narcissisme instagramé de certains candidats, ni le public d'arènes qui soutient ses favoris.
Le voyeurisme outrancier des spectateurs devient celui distancié du lecteur, qui est accablé par l'exploitation cupide de la misère sociale mais qui suit Anna passionnément en espérant la voir gagner pour rendre un peu de dignité à l'espèce.
L'autre point fort de ce roman, c'est l'amour maternel et filial qui est magnifiquement transposé sans tomber dans le misérabilisme.
Que dire des seconds rôles ? Ils ne font pas de la figuration dans les interlignes et ancrent cette aventure dans une réalité pas très reluisante mais terriblement humaine.
La structuration du roman qui alterne le déroulement du jeu avec les souvenirs et les galères des personnages donne un rythme haletant au récit. J'ajouterai que le ton ne verse pas dans l'ironie facile, ce qui est un petit exploit au regard du sujet et une belle leçon pour un mauvais esprit comme le mien.
Quant au surf, avec la planche mythique du père, c'est un peu le moyen de prendre la vague de la liberté. le syndrome Point Break au service d'une histoire rafraichissant et originale.





Commenter  J’apprécie          932



Ont apprécié cette critique (87)voir plus




{* *}