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Critique de Osmanthe


La casquette est une charmante histoire où un garçon qui va entrer en ce 1er avril à l'école secondaire doit acheter les casquette et chaussures constituant l'uniforme réglementaire. Une question épineuse ne manque pas de se faire jour quant à la bonne taille de casquette choisir, surtout quand sa mère qui tient le porte-monnaie, très soucieuse des économies à réaliser, a la manie de sacrifier la coupe ajustée pour un modèle trop grand qui anticipera la croissance de son fils et durera ainsi plusieurs années…

Dans branches nues, des enfants sont fascinés par la question du shinjû, le double suicide (en vogue à l'époque, et même l'écrivain Dazai l'a plusieurs fois expérimenté, la dernière fois avec succès). A tel point qu'un jour où ils entendent un grand plouf dans la rivière voisine, ils s'imaginent que deux amants y ont mis fin à leurs jours…pour découvrir qu'un chien s'y baignait. Un des enfants boit la tasse, puis en furetant sur les berges, ils tombent sur une cabane, où plusieurs personnes se retrouvent pour s'adonner à des pratiques pas très licites…Poussés par la curiosité, ils reviennent. le couple hôte, au comportement ambigu, prolongera jusqu'au bout le fantasme des deux enfants.

Le récit Les libellules met en scène deux enfants dont la passion est d'attraper les libellules. Leur poursuite les emmène au seuil d'une grande maison abandonnée, où l'exploration leur fait découvrir en une d'une revue poussiéreuse un couple s'embrassant. Quelle découverte ! Ils en sont troublés, et l'un d'eux ne cesse de scander des Bisou-bisou ! Ils reviennent jouer aux alentours du site et voient passer un beau jeune homme voyageur qui s'en va prendre son train et tient à leur laisser un message sur papier pour une femme…Mais entre l'excitation de la chasse aux libellules et ce trouble persistant, accentué par la beauté de la fameuse jeune femme qui apparaît quelque temps après, faut-il encore qu'ils pensent, et qu'ils tiennent toujours à faire passer le message de celui qui a peut-être la chance de faire bisou-bisou avec elle ?! Et quand les libellules s'envolent dans une farandole de petits bouts de papier à la patte, tout est perdu !

Dans accord tacite, le jeune Shôji, dont le père, accaparé par la tenue de son restaurant avec sa mère est très dur avec lui, se fait alpaguer dans la rue avec son copain Rokurô par un homme. Il leur propose de leur donner un peu de sous pour scander « Yaai, Yai » sur la scène du théâtre populaire. Des sous, de beaux costumes et peu de choses à faire, ils acceptent et se font bientôt enrôler…Quand un jour, Shôji voit son père, qui le reconnaît, dans l'assistance…en compagnie d'Omiyo, la plus jolie employée de son restaurant. Shôji comprend bien que ce n'est pas normal, les deux n'évoqueront pas le sujet…comme un accord tacite, que Shôji se fera fort d'honorer jusqu'à la mort de son père, lorsque la présence de sa mère et d'Omiyo risque d'éventer le secret. Et même devenu homme mûr, lorsque tous les protagonistes ont disparu, à quoi bon remuer ce secret enfoui ?

La route blanche conduit Seita et son copain Hâchiro à filer un homme et une femme se rendant au cimetière. Ils les soupçonnent de faire des trucs « louches » … Il s'avère qu'ils ne font que manger ensemble des mandarines, mais la femme est la soeur de Seita ! Reiko va ainsi à la ville, en bus, retrouver son copain Kawakita, en douce de ses parents. Seita, la file, un peu jaloux, un peu inquiet pour elle, de ce qui pourrait lui arriver…Mais qu'a-t-elle en tête, les craintes de Seita vont-elles se réaliser ?

Mort d'une femme nous conte le destin tragique de Mitsu. Cette femme étrangère au village du narrateur, qui était alors un enfant, y déboule un jour avec la réputation encombrante de maîtresse : on dit que cette fille de rien est la maîtresse de Shinjô, un entrepreneur marié. Les jeunes aiment bien cette femme gentille, les adultes moins. le couple illégitime ne se cache pas, mais notre jeune narrateur qui rend visite à Mitsu surprend un jour d'une part une Mitsu perturbée et d'autre part Shinjô en dispute avec son épouse. Ce trio ne peut qu'éclater dans le drame, et l'enfant est pris à témoin par Mitsu de sa décision de ne plus revoir Shinjô…La jeune femme doit raccompagner une dernière fois son amant à la gare, sous un ciel très neigeux…

Le chemin qui descend à la cascade se rapproche du récit Branches nues. le narrateur se souvient d'une scène de son enfance où le double suicide d'amants était un sujet de fascination pour lui et ses copains. Un jour, aux abords d'une auberge, ils se mettent en tête d'observer un couple se trouvant en haut d'un promontoire surplombant une cascade. La femme rit régulièrement, cela se passe trop bien pour eux pour éveiller l'intérêt des enfants…mais notre jeune narrateur soudain s'inquiète, décide d'y retourner…Le rire de la femme semblait faux, triste, n'aurait-on pas dit plutôt des pleurs ?! Son angoisse monte encore quand il voit l'homme remonter seul de la cascade…

Nuages garance naît du constat du narrateur que depuis toujours, il a le sentiment que les gens qui se trouvent sur le bord d'une rivière sont toujours tristes. Il va convoquer le souvenir d'une aventure de son enfance pour illustrer ce sentiment.

Ce recueil n'est sans doute pas le meilleur de l'auteur, mais il est néanmoins agréable à lire, déployant les qualités habituelles de son écriture, simple, sans artifices de style, mais néanmoins assez élégante, ce qui est sans doute la meilleure définition d'une oeuvre populaire.

L'enfance est à l'honneur, des enfants avides de découvertes des choses de l'amour et de la mort, autant dire de la vie, avec leurs craintes et leurs questionnements, leur excitation de percer les secrets et mystères des adultes, et leur compréhension souvent pertinente et parfois tronquée, parasitée par leurs propres fantasmes (le double suicide des adultes !). C'est assez tendre, mais pas puéril, car le tragique survient souvent. Inoue saisit parfaitement le mystère de l'âme des enfants, comme son oeuvre en témoigne, tant il est allé puiser dans ses propres souvenirs pour la construire, dans toute sa partie intimiste, qui ne relève pas des romans historiques.

Accord tacite, Les libellules ou Mort d'une femme sont pour moi les nouvelles les marquantes. L'émotion et une forme de nostalgie, jamais larmoyante, mais davantage le constat que le temps a passé, sont aux commandes.

C'est ici une heureuse parenthèse sans prétention exagérée au milieu de lectures plus essentielles, et d'Inoue Yasushi, et d'autres écrivains japonais.
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