Pour quelqu'un qui n'a jamais vécu dans la steppe, il est difficile de comprendre comment il est possible de survivre au milieu d'un tel désert. Mais ceux qui y vivent depuis des générations savent que la steppe est riche et changeante. Que le ciel est multicolore. Que l'air tout autour est fluide. Que la végétation est variée. Que les animaux qui la parcourent et la survolent sont innombrables. Une tempête de sable peut surgir sans crier gare. Une tornade jaune peut brusquement se mettre à tournoyer dans le lointain comme une laine de chameau que les femmes tressent pour en faire de la ficelle. Tout le poids incalculable de ce ciel immense et lourd peut soudain se mettre à siffler en balayant la terre encalminée et soumise...
En grandissant, Yerzhan se mit a remarquer les subtils changements de teinte de la route qu'ils prenaient pour se rendre aux leçons de musique de Petko. Et cette route lui était comme de la musique : elle était aussi gracieuse, les sons en étaient aussi varies. Les notes lancées par le vent se balançaient dans les petits buissons de tamaris et de salicornes.
Les voies de la steppe, fussent-elle ferrées, sont longues et monotones, et la seule manière d’écourter un périple, c'est la conversation. La façon dont Yerzhan me narrait sa vie ressemblait à notre itinéraire : on n'y discernait ni virage ni retour en arrière. Son histoire, ponctuée par le craquement régulier des jantes, se poursuivait inlassablement, tout comme les fils électriques aperçus à travers la vitre couraient de poteau en poteau.
[...] En fin d’après-midi, Tonton Shaken emmena les enfants au lac mort. « Ne buvez pas l’eau et ne la touchez pas », leur dit-il. C’était un lac magnifique qui s’était formé après l’explosion d’une bombe atomique.
[...] Ce fut durant un cours de langue kazakhe que les fenêtres de la classe se mirent à cliqueter et les bancs à dériver sur le sol.
[...] Un souffle d’air bourdonnant les dépassa à toute vitesse et les tuiles du toit de l’école s’arrachèrent. Puis soudain un silence épouvantable.
[...] Le destin joue de sales tours à tout le monde, se disait-il. Les gens vivent leurs vies à des vitesses variables.
Entre 1949 et 1989, au Polygone nucléaire de Semipalantisk, il fut réalisé un total de 468 explosions nucléaires, dont 125 explosions atmosphériques et 343 explosions souterraines. La puissance totale des appareils nucléaires testés dans l’atmosphère et sous la terre au Polygone (dans une région peuplée) dépassait par un facteur de 2 500 la puissance de la bombe lâchée sur Hiroshima par les Américains en 1945.
[...] C’est notre devoir absolu non seulement de rattraper, mais de surpasser les Américains ! En cas de troisième guerre mondiale ! » concluait-il avec son slogan favori.
[...] L’invariable credo de Shaken : « Non seulement on va rattraper les Américains, mais on va les surpasser ! ».
[...] Les voies de la steppe, fussent-elles ferrées, sont longues et monotones, et la seule manière d’écourter un périple, c’est la conversation.
Quels mots peuvent transmettre la mélancolie profonde du soir dans la steppe traversée par un train solitaire ?
My love is tall, as tall as the mountains...
My love is deep, as deep as a sea.