Citations sur Un instant dans la vie de Léonard de Vinci (9)
Irène Némirovsky
Dire qu'elle n'avait jamais fait de politique...Apatride, proscrite, voilà ce qu'elle est devenue. Mais cette force en elle qui fait qu'elle peut encore, jour après jour, tracer des signes sur le papier, transformer le réel en mots, le refléter au plus juste pour peut-être réveiller ceux qui la liront, cette force-là, les lois anti-juives ne l'ont pas brisée. (p. 146)
Harper Lee
Mais comment se fait-il que depuis elle n'arrive plus à écrire ?
(...) Elle en a vu, à New-York, de ces écrivains devenus aigris et blessés après un échec qui les ferme au reste du monde. Elle en a vu aussi que le succès a rendus incroyablement avides et enflés d'orgueil, seulement capables de ressasser ce qui les a un instant rendus célèbres.
Pour elle, c'est autre chose qui s'est produit. Une voix en elle s'est tue, ni plus ni moins. C'est comme si en mettant dans le livre à la fois son enfance, l'amour pour son père, le souvenir de Truman [Capote ], le portrait de cette Amérique blanche si hypocrite et si violente sous ses dehors policés, elle avait tout donné et qu'il ne lui était rien resté à dire.
Ou peut-être a-t-elle peur désormais de demeurer en deçà d'elle-même et de l'-Oiseau moqueur- en écrivant autre chose ?
Est-il possible de vivre sans écrire ? De continuer d'exister sans créer ? (p. 162)
Matsuo Munefusa, dit Basho
Célébrer le monde dans sa simplicité. Accepter l'impermanence, voir dans la fragilité une beauté supplémentaire. Chaque instant est irremplaçable, merveilleux. (...)
Dans un poème, ce qui va périr peut être condensé dans son essence précieuse. Le monde est mortel mais le poème survit. (p. 17)
Romain Gary
C'est cela qu'il a combattu dans le ciel pendant la guerre, mais aussi en écrivant. Lui, il est pour toujours du côté des humiliés, des vaincus, de ceux qui rient d'eux-mêmes. Et il continuera d'écrire contre ceux qui tirent jouissance à écraser d'autres êtres. Il écrira ce livre sur son enfance et sa mère. Il racontera cela, dans l'espoir d'inciter les hommes à ne pas céder aux dieux sanguinaires. (p. 140)
Matsuo Munefusa, dit Basho
Yoshitada, son seigneur et son frère, celui qu'il s'était engagé à servir est mort sous ses yeux à vingt-ans. Il l'a vu basculer dans le néant et, avec ce suzerain aimé comme un frère, tout ce en quoi il croyait s'est effondré. L'honneur. La nécessité de servir. La dignité des armes. La quête de la gloire. tout s'est détaché de lui à la façon dont un vêtement tombe au sol lorsqu'on en dénoue les attaches.
Il a fait raser son crâne et a revêtu l'habit modeste d'un moine parmi d'autres, renonçant à l'honneur du -bushido-, à la gloire de suivre la route tracée par ses ancêtres. Il a choisi de venir à Kypto pour étudier les lettres auprès d'un professeur réputé. (...)
Evidemment, la lecture des maîtres anciens s'est révélée pleine d'enseignement pour lui. Mais ce qu'il y cherche lui demeure obscur. Il n'a pas trouvé de réponse à sa question principale: comment vivre dans un monde où un être aussi valeureux que Yoshitada peut périr du jour au lendemain ?
Et maintenant que son frère est mort, où se trouve sa place dans le monde , (p. 15)
Colette
Elle, elle n'a jamais aimé que la lecture. Elle sentait qu'elle était justement faite pour ne pas écrire. Marcher dans la campagne, jouer avec les animaux, s'occuper de la treille et du potager, respirer les fleurs, jouir du bonheur sensuel d'être en vie, oui. S'immerger dans les contrées imaginaires que contient un livre, oui, mille fois oui...Mais écrire ?
Elle a toujours perçu ce désir douloureux chez son père. Elle a souffert avec lui de cela, comme elle a souffert de sa jambe manquante. Elle aurait été la canne dont il avait besoin , s'il avait fallu. Et chose étrange, son mari Willy a lui aussi ce double trait de caractère. Il conçoit des ouvrages qu'il est impuissant à réaliser. C'est ainsi que le pacte s'est établi entre eux. (p. 96)
Curzio Malaparte
Il est le témoin, et c'est son sort à lui, Curzio Malaparte, né Kurt Suckert, d'un père allemand et d'une mère italienne. Quand il a publié ses premiers livres, il s'est choisi un nom italien. Depuis, il porte ce nom de Malaparte, qui signifie "du mauvais côté" et qui lui va comme un gant. Les Italiens sont désormais sans honneur et, comme eux, il n'a plus d'épine dorsale depuis que l'Italie de Mussolini s'est alliée au Reich. (p. 82)
Colette
Le Capitaine (père de Colette) avait tout ce qu'il fallait pour être écrivain.Ou presque. Il avait la volubilité , l'audace, le charme...Il avait une verve enchanteresse et savait se faire écouter de tous. Il avait accompli des exploits militaires, il avait des faits d'armes à raconter. Dans l'achat des instruments d'écriture, il dépensait sans compter, entassant ce qui devait lui garantir l'accès à l'écriture. Puis il se mettait au travail... Et quelque chose se dérobait alors. La plupart du temps, ses quelques tentatives pour écrire tournaient court. Quelques paragraphes ronflants, après lesquels il s'essoufflait...Le Capitaine n'était jamais allé au-delà du projet d'écrire. (p. 96)
Parfois, parfois, dans ces moments d'extase, tu en arrivés à te croire toi même, malgré tout, une sorte de messager, un intermédiaire entre les étoiles et les hommes.