J'ai écrit sur les joies de l'amour. Au fond de mon cœur, je rêve depuis longtemps de vivre une relation intime avec un homme. Chaque Jane, j'en ai la conviction, mérite son Rochester.
Haworth était un petit village du nord du Yorkshire, loin de tout. Dans ce pays de lande de bruyère qu'était notre paroisse, nous étions la seule famille cultivée. L'hiver, la région était ensevelie sous une chape de neige et, à l'exception des mois d'été, balayée sans répit par une bise mordante. Elle n'était desservie par aucun train. Keighley, la ville la plus proche, se trouvait à quatre miles, dans la vallée. Le presbytère s'élevait au milieu de cette terre rugueuse où les collines succédaient aux collines et où régnaient, impitoyables, farouches, le vent et la pluie. Peu de gens étaient sensibles à la beauté que mes sœurs, mon frère et moi trouvions à ces vastes étendues, âpres et désolées. La lande était notre paradis, un lieu d'évasion, où nous pouvions laisser nos imaginations s'emballer en toute liberté.
Mon père était un immigrant irlandais qui, grâce à sa persévérance et à ses études, s'était élevé amplement au-dessus de la condition de la famille pauvre et illettrée dont il était issu. Quand il avait décliné son vrai nom, Patrick Brunty, à la personne chargée des inscriptions à l'université St John, à Cambridge, cette dernière avait mal compris son accent irlandais. C'est ainsi que papa avait adopté le nom de Brontë, qu'il trouvait plus intéressant car il venait du mot grec signifiant tonnerre.