AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Tandarica


Il y a bien longtemps que je l'ai lu, mais quelques mots tout de même sur un des romans majeurs de Henry James. Comme souvent avec James, dont le frère était philosophe, c'est vaste et compliqué. Tout d'abord, nous avons des thèmes habituels: roman international (une Américaine en Europe), novel of manners (roman de moeurs, comme Edith Wharton ou en Roumanie Hortensia Papadat-Bengescu, qui souligne donc l'importance des conventions sociales et à quel point on ne s'en extrait pas, sauf temporairement ou moyennant un prix exorbitant).
Cela posé, avec James il faut partir d'un certain nombre de présupposés: les personnages les plus intelligents, subtils, clairvoyants cachent toujours un cancer ou quelque chose dans le genre. Dans "The American", c'est Valentin, ici, très clairement, Ralph Touchett. Ensuite, bien sûr, même s'il s'agit d'une orpheline, les personnages n'ont pas vraiment de problèmes d'argent, sauf s'il s'agit d'en obtenir plus: problèmes de riches (et plus ou moins oisifs), donc.
Ici, James aborde la question du vice et de la vertu et les relations entre les deux. Comme d'habitude, c'est nuancé et par moments torturé. D'abord, l'héroïne innocente et manipulée est encline au péché d'orgueil, qui la fait épouser Osmond, aux goûts esthétiques qu'elle juge exquis (voir aussi la supériorité dont elle pense qu'il fait preuve vis à vis de Lord Warburton). Ensuite, du côté des méchants, Serena Merle s'exclame: "What have I been so vile for?" tandis qu'Osmond ne trouve au bout du compte que peu de satisfaction dans ses machinations occultes (Daniel Touchett le qualifie de "sterile dilettante", termes d'autant plus pertinents qu'il n'a pas d'héritier légitime). Ralph rappelle enfin à Isabel qu'elle a été haïe mais aussi aimée ("Ah, but Isabel, adored"), y compris par Osmond. En quelque sorte, le vice ne paye pas, et la vertu n'est pas exempte de vice.
Il y a enfin la question de la condition féminine. Henriette Stackpole travaille et est indépendante mais plus un sujet de satire qu'autre chose; Serena Merle maîtrise les manières du monde, mais c'est une intrigante; Pansy est soumise sans espoir; la comtesse Gemini, qui révèle à Isabel la vérité sur Osmond et Mme Merle, est elle aussi un sujet de mépris et de moqueries, ce qui ne manque pas d'ironie, dans la mesure où Isabel finit, notamment avec les fiançailles putatives de Lord Warburton et Pansy, où James semble suggérer qu'Isabel pourrait coucher avec son ex-prétendant pour huiler les rouages (en soi encore une machination vouée au mieux à la stérilité) par se trouver involontairement dans un sordide bien plus cru encore que celui de sa comtesse de belle-soeur. Enfin, Isabel ne pourrait s'affranchir de son mariage avec Caspar Goodwood, par exemple, qu'en abandonnant Pansy, soit une autre femme, à son triste sort.
Commenter  J’apprécie          781



Ont apprécié cette critique (63)voir plus




{* *}