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Citations sur La révolte des filles perdues (26)

Lorsque j’étais journaliste, j’étais plutôt une mauvaise journaliste car j’avais toujours peur de déranger les gens, d’être indiscrète ; mais en exerçant ce métier, j’ai tout de même appris que c’est en bougeant son cul et en discutant face à face que l’on apprend des choses qu’on ne soupçonnait pas. Sinon, on ne tombe que sur ce qu’on cherche, sur ce qu’on croit déjà savoir.
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"« Mais vous avez mangé du chocolat ? constatait le président. – Bien sûr, puisque c’était la révolution ! – Quatre mois de prison. »
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Elles ne sont pas des détenues, elles ne sont pas des criminelles : elles sont de mauvaises filles. C'est pour ça qu'on les a capturées.
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Elle [la grand-mère] inventait sans mentir, son cerveau n’avait plus ces cases-là en place. Les heures, les jours, les années qui se disloquent et tombent ensemble comme un château de cartes. Les souvenirs qui s’effacent par le haut de la pile. Les phrases qui tombent dans un trou ou alors surgissent de l’enfance : « Mais où est maman ? » « Je vais rester là longtemps ? »
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Benjamin essaye de me donner des arguments pour ne pas être si triste, il a cette théorie : enfanter, c’est la mort de la morale. « Tu vois, dit-il, je pense que tu serais capable de mourir pour une cause ou pour sauver des vies, tu as une dose d’héroïsme en toi, je t’ai vue dévaler une falaise pour aller sortir la tête de l’eau d’une femme qui était tombée, je t’ai vue me défendre et ne pas fuir quand je me suis retrouvé avec un flingue sur la tempe en Corse, prétendument parce que j’avais mal parlé à des autochtones à la buvette du village. Mais si tu deviens mère, ça sera fini. Si tu es mère et que tu as deux boutons devant toi, et que tu dois choisir entre la disparition d’un continent avec tous ses habitants et la vie de ton enfant, tu sauves ton gosse. Paf l’Asie ! Et puis tu commences à avoir peur pour ta vie en général, tu ne veux pas laisser seul ton gosse, tu commences à estimer beaucoup trop haut ta vie pour être héroïque. Je t’assure, la morale et l’éthique chutent, on devient intéressé, on courbe le dos, on pense avant toute chose à la becquée qu’on doit lui enfoncer dans le gosier. »
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On se trompe en pensant que le manque et l’absence que subit un enfant le poussent à chercher à être aimé. Il cherche à aimer : comme personne n’aime longtemps, à aimer totalement ; il faut alors devenir aveugle à soi-même et au réel. Cet enfant a connu un amour impossible, il a grandi avec un amour plus fort que la mort et l’absence et contenant la mort et l’absence, totalisé, car la mort et l’absence sont d’une essence totale, ne présentent aucune faille, sont parfaites ; un amour jamais arrêté par la réalité et la chair, la vie, jamais arrêté par un regard en retour, par une parole, par un être ; ni par l’amour-propre, l’estime de soi, qui n’existent pas encore, et vont être mités, dévorés. L’amour-dans-le-deuil, comme dans l’abandon vrai, atomisé, dilaté comme l’univers, expansé, cet amour infecté du pus de la pureté, saoul, alcoolisé – alcool volatil ; dès l’étincelle, la flamme vire au bleu. (…)
L’adulte grandi depuis cet enfant, enfant ahuri par le manque de ce qui n’existe pas, égaré dans son amour total de la pourriture ou de la cendre, détaché du corps même, un amour non pas à travers mais dans l’horreur, mélangé à l’horreur – qui aime-t-on ? Des lambeaux de chair, des os couverts de chair froide, des orbites vides, le sourire affreux d’un mort, la cendre à l’odeur de cendre, froide, mélangée à la vieille poussière, aux chutes pourries du temps ?
Je n’ai jamais cherché la compagnie.
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Ce qui est sûr, je crois, c’est que les orphelins de père, de mère, de frère, de sœur, ensuite, ont une connaissance en partage. (…)
Avec l’âge, nous finissons tous par porter un brassard noir. Mais eux, les adultes, qui nous rejoignent dans le deuil, existaient avant le deuil. Ils sont changés, amputés, ils ne sont plus les mêmes, mais ils existaient : nous n’existions pas avant, nous n’étions pas finis, pas grandis : nous sommes qui nous sommes car ils sont morts : nous serions une autre personne, une personne à des milliers d’années-lumière de nous-mêmes, s’ils avaient vécu. Leur mort nous a faits ; nous en sommes nés tels que nous sommes, tels que leur mort nous a fait advenir, nous a façonnés, construits. Nous avons poussé à la lumière de l’astre de la mort, avons été irrigués par la source intarissable de la mort. Nous sommes l’être que nous sommes « à cause de » leur mort, « grâce à » leur mort, la distinction n’a aucun sens. Ainsi nous sommes des vers. Ainsi nous sentons que nous sommes des vers. Charognes et charognards, dans nos berceaux, nos petits lits, nos lits d’enfance, d’adolescence, nous sommes, pensons-nous.
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Un écrivain n’a pas le choix. Dans un livre, il verse de lui-même, avec divers détours ou tout droitement il le fait, et même si l’on ne veut pas se déverser, il faut bien aller puiser à la source pour irriguer le livre et les personnes qui le peuplent. Mais parfois, alors que l’écrivain écrit, le flux s’inverse, à la façon d’un mascaret. Comme le courant du fleuve s’inverse depuis l’estuaire, la mer, l’océan, soulevée par la marée l’onde remonte vers la source, la vague depuis les mots retourne vers le corps et vient frapper le cœur.
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Dans les maisons de corrections, on retrouve fréquemment des jeunes filles passées devant le juge pour avortement ou tentative d’avortement. La condition des filles-mères est terrible, celles qui souhaiteraient élever leurs bébés sont bien souvent contraintes de les abandonner. Mais au-delà de cette donnée, concernant les jeunes filles, c’est l’idée même d’avoir une vie sexuelle qui est condamnée : Ni le vol, ni la rébellion, ni la colère ne dégringolent vraiment une fille, peut-on lire dans Rééducation, une revue spécialisée de l’époque, mais dès que, pour une cause ou pour une autre, elle a consenti à certains gestes avec plusieurs personnes du sexe opposé, le phénomène d’une dégradation morale certaine se produit.
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Valère lui avait dit : Oui, tu vois, on parle de l’esclavage immémorial des femmes, à raison, mais les hommes sont toujours allés se faire tuer. Ça n’est pas mieux. Théo avait dit oui, mais ce ne sont pas les femmes qui les envoyaient se faire tuer. Qu’en sais-tu ? avait répondu Valère. Sans doute avaient-ils peur pour leurs femmes et leurs enfants, et c’est pour ça qu’ils partaient tuer et se faire tuer.
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