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Citations sur La révolte des filles perdues (26)

Elle [la grand-mère] inventait sans mentir, son cerveau n’avait plus ces cases-là en place. Les heures, les jours, les années qui se disloquent et tombent ensemble comme un château de cartes. Les souvenirs qui s’effacent par le haut de la pile. Les phrases qui tombent dans un trou ou alors surgissent de l’enfance : « Mais où est maman ? » « Je vais rester là longtemps ? »
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Dans la presse, je le remarque, car cela saute aux yeux, le vocabulaire de la sorcellerie et de la possession satanique revient sans cesse. Ainsi, aussitôt après leur arrivée, pour dire que la révolte continue, je lis que le sabbat recommence.
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Benjamin essaye de me donner des arguments pour ne pas être si triste, il a cette théorie : enfanter, c’est la mort de la morale. « Tu vois, dit-il, je pense que tu serais capable de mourir pour une cause ou pour sauver des vies, tu as une dose d’héroïsme en toi, je t’ai vue dévaler une falaise pour aller sortir la tête de l’eau d’une femme qui était tombée, je t’ai vue me défendre et ne pas fuir quand je me suis retrouvé avec un flingue sur la tempe en Corse, prétendument parce que j’avais mal parlé à des autochtones à la buvette du village. Mais si tu deviens mère, ça sera fini. Si tu es mère et que tu as deux boutons devant toi, et que tu dois choisir entre la disparition d’un continent avec tous ses habitants et la vie de ton enfant, tu sauves ton gosse. Paf l’Asie ! Et puis tu commences à avoir peur pour ta vie en général, tu ne veux pas laisser seul ton gosse, tu commences à estimer beaucoup trop haut ta vie pour être héroïque. Je t’assure, la morale et l’éthique chutent, on devient intéressé, on courbe le dos, on pense avant toute chose à la becquée qu’on doit lui enfoncer dans le gosier. »
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On se trompe en pensant que le manque et l’absence que subit un enfant le poussent à chercher à être aimé. Il cherche à aimer : comme personne n’aime longtemps, à aimer totalement ; il faut alors devenir aveugle à soi-même et au réel. Cet enfant a connu un amour impossible, il a grandi avec un amour plus fort que la mort et l’absence et contenant la mort et l’absence, totalisé, car la mort et l’absence sont d’une essence totale, ne présentent aucune faille, sont parfaites ; un amour jamais arrêté par la réalité et la chair, la vie, jamais arrêté par un regard en retour, par une parole, par un être ; ni par l’amour-propre, l’estime de soi, qui n’existent pas encore, et vont être mités, dévorés. L’amour-dans-le-deuil, comme dans l’abandon vrai, atomisé, dilaté comme l’univers, expansé, cet amour infecté du pus de la pureté, saoul, alcoolisé – alcool volatil ; dès l’étincelle, la flamme vire au bleu. (…)
L’adulte grandi depuis cet enfant, enfant ahuri par le manque de ce qui n’existe pas, égaré dans son amour total de la pourriture ou de la cendre, détaché du corps même, un amour non pas à travers mais dans l’horreur, mélangé à l’horreur – qui aime-t-on ? Des lambeaux de chair, des os couverts de chair froide, des orbites vides, le sourire affreux d’un mort, la cendre à l’odeur de cendre, froide, mélangée à la vieille poussière, aux chutes pourries du temps ?
Je n’ai jamais cherché la compagnie.
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Dans les maisons de corrections, on retrouve fréquemment des jeunes filles passées devant le juge pour avortement ou tentative d’avortement. La condition des filles-mères est terrible, celles qui souhaiteraient élever leurs bébés sont bien souvent contraintes de les abandonner. Mais au-delà de cette donnée, concernant les jeunes filles, c’est l’idée même d’avoir une vie sexuelle qui est condamnée : Ni le vol, ni la rébellion, ni la colère ne dégringolent vraiment une fille, peut-on lire dans Rééducation, une revue spécialisée de l’époque, mais dès que, pour une cause ou pour une autre, elle a consenti à certains gestes avec plusieurs personnes du sexe opposé, le phénomène d’une dégradation morale certaine se produit.
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"« Mais vous avez mangé du chocolat ? constatait le président. – Bien sûr, puisque c’était la révolution ! – Quatre mois de prison. »
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Le bonheur, la joie sont d'une essence volatile, on le sait que ça disparaît comme couleur et poussière sur l'aile de l'insecte. Mais la douleur n'est pas de cette matière, la douleur est compacte comme une pierre.
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Selon l’inspecteur,(...) la plupart des jeunes filles seraient des prostituées.
(…) à Fresnes, il y a davantage de jeunes filles qui ont atterri en maison de correction pour de petits vols que de jeunes filles s’étant prostituées. Et dans ce nombre, seules quelques-unes se prostituent régulièrement, c’est-à-dire pas à l’occasion d’une fugue ou d’une errance particulière, d’une cavale sans ressources. Toutes celles qui pratiquent la prostitution régulièrement le font depuis leur jeune âge. Quinze ans, seize ans, moins. Ce passé semble ici donné à comprendre comme un choix raisonné fait au sortir de l’enfance, par vice et pure paresse. Voilà leur identité, à toutes celles qui ont un jour reçu de l’argent en échange de leur corps ; elles ne sont pas de très jeunes filles qui se sont prostituées, pour une raison ou une autre, sous une forme ou une autre. Elles sont des prostituées. Leur essence est d’être prostituées, on les définit ainsi.
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Celles qui n’avaient commis aucun délit mais avaient seulement « fait la noce », ou voulu vivre leur vie, fuir ce qu’elles avaient à fuir chez elles – coups, alcoolisme – ou chez un patron salace ou trop insistant ; celles qui avaient suivi un rêve, un désir, une pulsion, une façon d’être, et que leurs parents voulaient faire dresser par d’autres en demandant l’enfermement au nom de « la correction paternelle » ; les fugueuses, les petites et toutes petites voleuses ; toutes celles, aussi, qui font le trottoir depuis l’adolescence ou l’enfance, c’est-à-dire, on le sait aujourd’hui, et on le savait à l’époque sans que cela change rien, presque toujours victimes d’abus sexuels, de viol, d’inceste. Tout cela le plus souvent sur fond de pauvreté ou de misère. Les juges profitent, aussi, d’une inconduite ou d’un petit délit pour retirer une jeune fille à un milieu jugé peu favorable ; il y a l’alcoolisme, il y a la violence, il y a la misère, il y a aussi, très souvent, une mère seule, une mère pauvre qui travaille et donc jugée suspecte de ne pas pouvoir éduquer convenablement ses enfants, une mère vivant en concubinage : une mère jugée mauvaise mère.
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Elles ne sont pas des détenues, elles ne sont pas des criminelles : elles sont de mauvaises filles. C'est pour ça qu'on les a capturées.
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