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Critique de Seraphita


Prenez une famille bretonne au nom tordu - Diskredapl - à l'arbre généalogique tout aussi biscornu. Mélangez tous ses membres sur une île battue par les pires tempêtes, pile au moment de Noël. Ajoutez un zeste (culotté) d'authenticité en la personne de Norma, l'inespérée petite-fille, et vous obtiendrez un cocktail détonnant, dérangeant et salvateur, la promesse d'une vie familiale sans angle mort, moyennant quelques morts çà et là… Et par-dessus tout, Joyeux Noël !

Avec « Joyeux Noël », Alexandre Jardin fait l'éloge d'une vie dans laquelle les non-dits n'ont plus leur place, une existence placée sous le signe de l'authenticité de tous les instants. Les pages de droite n'ont plus cours et cèdent la place aux pages de gauche, celles où l'on s'écrit sans fard, dans la vérité la plus nue. C'est ce que l'auteur a essayé de faire en écrivant en 2011 « Des gens très bien », pages de gauche à l'allure de bombe familiale. En peignant le portrait sans concession de la famille Diskredapl, il peut dire, sur le mode humoristico-sarcastique, toute la libération que procure le dévoilement des non-dits. Et le tout est assez jubilatoire, certaines formules sonnent comme des pépites et peuvent rejoindre chacun dans son vécu familial et ses Noël singuliers :
« Marie-Anne et Marie-Ange portaient des cadeaux cachés sous des tissus, que les petits apercevaient bien, tout en feignant de ne pas les remarquer. La croyance au Père Noël ne tient-elle pas du rituel d'apprentissage de la cécité en famille ? » (p. 147.)
Ou encore :
« L'inexprimable de cette famille se condensait dans le regard absent de l'enfant. le petit Titouan était l'incarnation d'une masse d'isolements. On percevait chez cet autiste une décroissance de vie, comme si ce gamin était une issue sur la mort, le trou noir par où se déversait la souffrance du clan. » (p. 159.). Ce fameux Titouan est d'ailleurs présenté dans l'arbre généalogique des Diskredapl, non sans un brin de cynisme cultivé, comme « mal barré »…
Mais derrière la jubilation que l'écrit peut provoquer, bien des questions demeurent, dont le commissaire Kermeur se fait porte-parole : si les non-dits détruisent, étouffent à petit feu, vers quoi peut conduire leur éradication totale ? Cette dernière est-elle d'ailleurs possible ? Et en premier lieu, peut-on être totalement lucide sur soi-même pour se peindre sans faux-semblant ? Comme le souligne magnifiquement Kermeur (sous la plume d'un Alexandre Jardin qui semble balayer tous ces atermoiements d'un large revers de plume) : « Quand on croit dire le vrai, ne change-t-on pas de mensonge ? » (p. 237-238.) Ou encore : « le fil à plomb des légendes n'est-il pas indispensable pour bâtir une société ? » (p. 231.)
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