AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de CoquelicoteAzimutee


[Chronique de novembre 2011]
Je ne l’ai pas retravaillée sur le fond. Je râle pas mal dans cet avis, mais en fait j’ai adoré, et Jean-Philippe Jaworski est un auteur que j’admire et suis de très près depuis.]

C’était le livre du mois de novembre 2011 du club de lecture. Je ne connaissais pas l’auteur, Jean-Philippe Jaworski, dont Janua Vera est le premier livre. Il s’agit en réalité d’un recueil de huit nouvelles qui ne sont pas directement liées entre elles, mais toutes se passent dans le même univers : le Vieux-Royaume.

La première nouvelle, intitulée Janua Vera (« la véritable porte » en latin), ressemble une genèse. Elle raconte un épisode de la vie de Leodegar le Resplendissant, Roi-Dieu de Leomance. C’est un personnage qui s’élève au-dessus du simple humain, comme son titre l’indique. L’auteur retranscrit cela par un vocabulaire très soutenu, des tournures de phrases grandiloquentes, et un usage du présent qui m’a rapidement énervée, même si je dois reconnaître que le tout produisait une très forte impression, tout à fait en accord avec le personnage. Au final, je n’ai pas du tout aimé cette nouvelle. La chute en est à peine une, et le récit est simplement ennuyeux, la narration externe accentue cet ennui. En tant que nouvelle d’introduction, elle était courte, et heureusement…

La deuxième s’appelle Mauvaise donne. On se retrouve des siècles plus tard, après l’extinction de la lignée des Roi-Dieu, le royaume a éclaté en différentes contrées bien distinctes, qui forment le Vieux-Royaume. Ici on suit Benvenuto, qui raconte un épisode de sa vie. C’est la nouvelle la plus longue. Benvenuto est un ancien soldat devenu membre des Chuchoteurs, une guilde d’assassin crainte et respectée dans toute la République de Ciudalia. Alors qu’il effectue une mission, Benvenuto se retrouve pris dans un guet-apens auquel il échappe de peu. Les évènements s’enchaînent, le laissant blessant et complètement perdu. Il va alors chercher à comprendre ce qui s’est passé, le pourquoi du comment. Cette histoire-ci ne m’a pas vraiment convaincue non plus, l’écriture n’avait rien de spectaculaire, je commençais à être déçue de ce livre sur lequel j’avais en fait fondé beaucoup d’espoirs. De plus, l’auteur ne se montrait pas très créatif : Ciudalia, c’est Rome. Les autres peuples dont en entend parler peuvent toujours être très rapprochés d’autres civilisations de notre monde. J’ai hésité à arrêter la lecture pour me pencher sur un roman qui me plairait plus, quitte à finir les nouvelles une autre fois, mais j’ai fait l’effort de continuer pour avoir quelque chose à dire d’un peu plus constructif au club, et j’ai bien fait.

La troisième nouvelle est Le service des dames. Nous voilà dans un récit avec un narrateur plus ou moins omniscient (comme ceux qui vont suivre, excepté pour la dernière nouvelle), qui nous emmène dans une histoire d’aventures chevaleresques, presque une geste. Le Chevalier Ædan et ses deux compagnons souhaitent se rendre dans le comté de Brochmail, mais pour cela il faut traverser un pont entre Bregor et COmbe noire, or le pont a été détruit, et il est interdit de traverser la rivière par la dame de Bregor, dame Érembourg. Ils vont alors se rendre ans son château, et Sire Ædan va se retrouver charger d’une délicate mission, dont la permission de traverser la rivière dépend. Là, l’écriture était tout à fait ma tasse de thé. Des détails qui nous plongent au cœur du pays, un vocabulaire très riche et précis, des formules médiévales qui correspondaient parfaitement à l’ambiance, et même de l’humour avec quelques références à Kaamelot de-ci de-là ! J’étais ravie, et j’ai lu la nouvelle en deux traits.

La quatrième, Une offrande très précieuse, nous amène auprès de Cecht, un barbare d’Ouromagne, parti avec une horde sous les ordres du burgrave pour faire un raid dans le pays de Bromael. Malheureusement, une troupe de guerriers leur tombe dessus avant d’être parvenus à leur but, et la bataille fait rage. La horde se fait peu à peu décimer, et Cecht décide de fuir sur les conseils de Dugham, un vieux barbare plein de bon sens. Dans sa fuite il doit combattre un chevalier (le chevalier Ædan justement, même si ce n’est pas dit explicitement) qui le blesse et qu’il tue. Dans la forêt il retrouve Dugham, également grièvement blessé, et ils commencent à errer dans les bois. Je n’en dis pas plus au risque de gâcher l’histoire, mais j’ai vraiment été prise dedans, malgré certaines longueurs. Je voulais savoir ce que Cecht pensait, ce qui le torturait. Et même si la fin n’est pas particulièrement originale, je ne l’ai pas vu venir ! C’était une très bonne lecture, et je me dépêchai de continuer pour finir à temps pour le club.

Ensuite vient Le conte de Suzelle. Suzelle habite dans le village de Giraucé, situé on ne sait trop où, et fait beaucoup de bêtises étant petite fille. Alors qu’elle est au début de l’adolescence, elle rencontre au bord d’un ru où elle fait la lessive Annoeth, un personnage très particulier dont Suzelle ne comprend pas la nature. Peut-il être humain ? Il est tellement différent de tout ce qu’elle a vu… Le lecteur le comprend, même sans description de grandes oreilles : Annoeth est un Elfe. Envoûtée, elle retourne chaque jour au ru dans l’espoir qu’il revienne. Mais Annoeth ne semble pas revenir. Et le temps passe… C’est une histoire qui m’a beaucoup touchée, alors qu’en fait il ne s’y passe rien. Tour de force réussi grâce à la plume de l’auteur qui l’a encore m’a subjuguée. Je dévorais les pages, j’attendais, j’espérais avec Suzelle, et à la fin… Ah, je ne dis pas. Juste ceci : j’ai adoré cette nouvelle. Malheureusement le temps là aussi courait contre moi, et j’en étais là quand le club a eu lieu. Qu’importe, j’ai fini les trois autres nouvelles ensuite.

Jour de guigne. Le titre est on ne peut plus approprié. On est dans le même pays que précédemment à ce qu’il semble, mais dans Bourg-Preux, avec Maître Calame, copiste polygraphe à l’Académie des Enregistrements. La veille du début du récit, il était occupé à retranscrire un vieux document sur un parchemin mal recyclé, lequel l’avait affecté du Syndrome de Palimpseste. Maître Calame se retrouve atteint de Nefasie aiguë, c’est-à-dire d’une malchance de tous les diables. En effet, ce pauvre monsieur commence sa journée du lendemain en cassant sa clé dans la serrure de son logis, puis dégringole les marches et tombe en plein dans la rigole pleine de fange, pour se retrouver nez à nez avec sa logeuse qu’il ne voulait surtout pas croiser, et ainsi de suite. C’est un récit très drôle, on se demande ce qui pourra encore lui arriver de pire ! En même temps, on le plaint beaucoup, le pauvre n’y est pour rien. C’était court, très plaisant à lire.

Un amour dévorant se passe le petit village de Noant-le-Vieux et les futaies alentour. Deux étranges appeleurs terrorisent les habitants, seuls à les entendre et les voir. Le gyrovague Phasma, un ministre du culte du Desséché, vient mener son enquête, car son métier consiste entre autres à retrouver les anciennes histoires pour apaiser les morts. Il sent que ces deux hommes, qu’il ne voit ni n’entend, n’ont pas trouvé le repos dans la mort, et que c’est pour cela qu’ils sillonnent inlassablement les bois, en appelant « Ethaine ! ». Cette nouvelle nous laisse sur notre faim, car malgré tous les efforts du gyrovague, on apprend pas tout de cette histoire, arrivée des générations auparavant. Mais c’est passionnant, assez sombre aussi, des petits frissons peuvent vous parcourir l’échine.

Enfin, le livre s’achève avec Le confident. On ignore son nom, c’est lui qui parle. Il nous raconte sa vie depuis qu’il a fait Vœu d’Obscurité. Il est aussi au service du culte du Desséché, mais il a fait le choix de se faire enfermer dans une pièce noire minuscule, où seule trône une grande dalle de pierre froide surélevée par rapport au sol. Sa vie se déroule là, allongé sur la dalle dure, dans la souffrance et le noir. Des gens viennent le voir, lui parlent, lui confient des choses, qu’il répète ensuite à un autre ministre du culte qui recueille ces propos pour ensuite les consigner et les réutiliser si un jour un gyrovague a besoin de connaître ces informations pour aider une âme en peine. Ce n’est pas un récit joyeux, c’est difficile de comprendre le choix de cet homme, on se sent un peu oppressé, dans ce trou malsain…

En fait, les nouvelles montent en intensité. Les regrets que j’ai portent sur les premières, sur le manque d’imagination qui transparaît parfois, et sur l’absence de carte en annexe. La chronologie se comprend à peu près en recoupant les différentes histoires, mais pour les lieux j’étais perdue. J’avais finalement bien accroché à ce livre et à cet auteur. Il possède une grande qualité dans son écriture et depuis j’ai lu Gagner la Guerre, un chef-d’œuvre même si je ne supporte pas Benvenuto !
Lien : https://withoutmuchinterest...
Commenter  J’apprécie          00







{* *}