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Critique de Kirzy


Kirzy
12 septembre 2021

D'un roman à l'autre. Dans Kukum, son touchant précédent roman, Michel Jean évoquait la sédentarisation forcée des populations autochtones du Canada avec comme corollaire l'arrachement d'enfants à leur famille, forcés à intégrer des pensionnats pour être «  civilisés », pour tuer l'indien en eux. La cousine de sa mère, Jeannette, lui avait raconté comment sa soeur avait été « volée » puis avait « disparu » au pensionnat autochtone de Fort George, à près de 1000km de chez elle. C'est cette douloureuse thématique qui au coeur de Maikan.

La tragédie s'incarne à travers trois personnages fictionnels, Charles, Marie et Virginie, trois Innus, dont on lit le destin les poings et les mâchoires serrés tellement tout révulse dans leur parcours ancré dans les années 1930 : les missionnaires catholiques qui usent de leur influence pour mystifier des parents désarmés ; l'ambiance quasi concentrationnaire du pensionnat entre numéros attribués à chacun pour les appeler, cheveux coupés, sévices moraux et physiques allant jusqu'au viol ; les lourdes séquelles qui se révèlent à l'âge adulte, de l'alcoolisme au suicide.

Beaucoup de romanciers seraient tombés dans le piège de la colère manichéenne ou du pathos larmoyant. Ce n'est jamais le cas, sans doute parce que l'écriture de Michel Jean rompt radicalement avec l'insupportable violence qui surgit très souvent des pages. Simple en apparence, en fait posée et empreinte de douceur, toujours humble, elle n'en accentue que plus l'empathie totale qui nous envahit à l'égard des personnages. Ces enfants de papier sont devenus les nôtres, quelque chose de très fort s'est noué entre eux et nous.

Et puis, il y a cette lumière qui réchauffe, comme un miracle, lorsque naissent, à la vie à la mort, amour et amitié entre ces trois-là, lorsqu'on voit l'avocate, à la recherche des survivants pour les aider à recevoir une indemnité étatique, se transformer au fur et à mesure de ces découvertes. Jusqu'au bout d'une quête de vérité qui la dépasse et la submerge.

Ce livre est absolument bouleversant. Révoltant. Marquant, de ceux qui font voir le monde différemment. Surtout, il résonne très fort avec l'actualité outre-Atlantique. Tout récemment, c'est une part sombre de l'histoire canadienne qui ressort, une histoire qui n'est pas dans les manuels scolaires. En mai 2021 ont été retrouvés les restes des corps de 215 enfants sur le site de l'ancien pensionnat autochtone de Kamloops. Et depuis, les douloureuses exhumations se multiplient, comme en juin dernier à Marieval où ce sont 751 sépultures anonymes qui réapparaissent. Michel Jean offre à tous ces enfants martyrs, les décédés comme les survivants, le plus digne des tombeaux.
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