Trente-six nouvelles pour peut-être bien saisir, dans les creux et les bosses d'une rêverie poétique argumentée, ce que serait une âme du rugby.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/27/note-de-lecture-le-ciel-a-des-jambes-benoit-jeantet/
Au moins depuis «
Nos guerres indiennes » en 2014, on sait que
Benoît Jeantet sait distiller comme bien peu le savent une poésie de la mélancolie qui parvient à suggérer les défaites passées sans s'y appesantir, avec un sens tout bravache de la minutie qui ne lâche pourtant rien. Lorsqu'il applique cet art si spécifique à sa passion du rugby, on obtient, bien loin des clichés mais en phase étroite avec le ressenti des véritables pratiquants et amateurs, des beautés telles que les trente-quatre nouvelles de «
Comme si le monde flottait », en 2016.
Qu'il décide d'un champ opératoire plus restreint, sur le même sport-passion, ou qu'il y affûte sa focale en se concentrant sur un « après » des (dites) plus belles années, lorsque le corps n'est plus tout à fait à la même hauteur que ce dont se souvient pourtant bien l'esprit (on songera sans doute parfois alors, sur le terrain si voisin et si différent qu'est celui du football, à la belle nouvelle d'
Olivier Martinelli, « Les vétérans du Stade Balarucois », en 2012), et voici une infusion intense de quelque chose qui se refuse pourtant à se laisser appeler nostalgie – quelque chose d'à la fois plus fort et plus diffus : les trente-six nouvelles (comme autant de chandelles bien frappées, évidemment, diraient l'arrière ou l'ouvreur) de « le ciel a des jambes », publiées aux éditions du Volcan en août 2023.
Nous promenant des stades municipaux parfois devenus de fortune aux arrière-salles fiévreuses et plus vraiment taiseuses des troisièmes mi-temps, des souvenirs qu'il ne s'agit jamais de gâcher aux mémoires de jours enfuis et de personnes disparues (ou trop changées), des voyages en projection ou en réminiscence aux compositions qui ne doivent pas se faire compromissions, il y a ici à l'oeuvre tout un travail souterrain de définition de ce qui constitue, peut-être, une âme du rugby, à travers ce qu'elle dépose chez ses pratiquantes et pratiquants, longtemps après que le zénith de leur performance (quelle qu'elle ait pu être, alors) soit passé. Et la forme juste pour une telle entreprise est bien celle choisie ici par
Benoît Jeantet : non pas l'essai, non pas le récit factuel, mais bien la nouvelle acérée, en forme de rêverie argumentée et néanmoins toujours poétique. Et c'est ainsi que l'on se laisse gagner par un charme qui vaut largement celui des malices de ces trois-quarts qu'il sait si bien décrire et partager, en un sourire songeur.
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