La neuvième vie de Louis Drax

Il paraît que les chats ont neuf vies, me racontait maman, parce que leur âme s'accroche à leur corps et refuse de lâcher prise. Si tu étais un chat, Louis, tu aurais déjà utilisé huit des tes vies.

L'étrange réveil de Louis ne changea rien à la surface des choses, mais en fait, tel un séisme, il nous ébranla tous de manière imprévue. Le pire dans cet épisode, pensai-je après coup, fut la réaction de sa mère. J'aurais dû comprendre immédiatement que quelque chose ne tournait pas rond. Que quelque chose clochait fondamentalement, irrémédiablement, qu'une vérité effroyable était enfermée au fond de cette femme, exigeant de voir le jour. Mais j'étais aveugle. Nous l'étions tous.

Lorsqu'un drame se produit, tout le monde se raccroche à la foi, tout le monde en appelle à un Dieu pour conclure avec lui un ultime marché.

Je ne suis pas n'importe quel enfant. Je suis Louis Drax. Il m'arrive des trucs qui ne devraient pas arriver, comme d'aller à un pique-nique où on se noie.

Demandez un peu à ma maman si c'est drôle d'avoir un fils qui collectionne les accidents. Elle vous dira que non. On n'arrive pas à dormir, parce qu'on se demande comment ça va finir. On voit le danger partout et on se dit il faut le protéger, il faut le protéger. Mais parfois on ne peut pas.

"Lorsqu'un drame se produit, tout le monde se raccroche à la foi, tout le monde en appelle à un Dieu pour conclure avec lui un ultime marché."

A leurs yeux, ce que je fais frôle la pathologie : pourvoir aux besoins de patients qui ne sont plus que des enveloppes d'êtres humains, des cadavres vivants. Ils se trompent lourdement. Même gravement endommagé, un cerveau reste capable d'établir des connexions. L'esprit ne se résume pas à la somme de ses parties.
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Vous plantez une graine en croyant que c'est l'amour. C'est seulement lorsque cette plante commence à prendre racine que vous vous rendez compte qu'elle ne pousse pas comme il faudrait. Il est trop tard. Les feuilles sont sorties, elle a fleuri et produit des fruits déments.

Alors on reste assis dans la grotte qui est comme un crâne effrayant et je tiens toujours sa main qui est en os, ais je sens du chaud dans ma poitrine, comme un feu qui crépite, comme les pommes de pin de la forêt qui s'enflamment d'un coup, parce qu'on peut aimer quelqu'un même s'il est mort, et il peut vous aimer aussi, voilà le truc que je viens de découvrir.

- Tu n'es pas forcé d'écouter. Elle n'en saura rien.
- Elle sait tout.
- mais non, Jeune Monsieur. Les enfants s'imaginent que leurs mamans et leurs papas savent tout, mais ce n'est pas vrai.