AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de domi_troizarsouilles


J'ai découvert ce livre dans le catalogue de ma bibliothèque virtuelle, et l'ai aussitôt emprunté… pour l'oublier à peu près aussi vite, si bien que, quand je l'ai enfin entamé, il ne restait que très peu de jours avant qu'il disparaisse de ma bibliothèque virtuelle. Je l'ai donc lu avec assiduité… et heureusement j'ai été directement embarquée par cette histoire soi-disant fantastique, mais surtout hors des sentiers battus, et en même temps pleine de poésie !
Pas de chance cependant : je ne l'ai quand même pas terminé à temps, ce livre, et dans l'intervalle il n'était plus disponible dans la catalogue virtuel de ma bibliothèque (j'ai vu aujourd'hui qu'il y est réapparu, mais n'est pas disponible avant le 5 novembre !). Or, je ne pouvais tout simplement pas m'arrêter là : j'ai donc décidé de l'acheter dans la foulée.

Gros dilemme : quel format choisir ? c'est que les deux formats existants à ce jour ont tous deux une couverture superbe, je trouve : le broché propose l'image d'une jungle impénétrable, on suppose celle où est née la jeune bonobo-vedette de l'histoire, dans ce lointain Congo où débute l'histoire ; tandis que la version électronique présente un très gros plan du visage de cette même jeune bonobo, avec toute cette expressivité qui la rend si proche de nous… J'ai finalement choisi l'ebook et sa disponibilité immédiate, mais je garde une petite nostalgie pour la couverture du format papier !

Mais entrons plutôt à l'intérieur du livre… Après un prologue profondément poignant, qui met en scène la jeune soigneuse Lee Jin-yi que nous retrouverons plus tard, nous entrons de plein pied dans la vie sans but d'un dénommé Kim Minju. Il est l'image de ces jeunes, apparemment présents en Corée comme chez nous, qui vivotent chez leurs parents jusqu'à leurs 30 ans et même un peu plus, sans avoir terminé d'études, sans emploi, sans but dans la vie, et même sans réelle envie de faire quoi que ce soit, si ce n'est la fête de temps en temps… Lorsque ses parents, excédés, le mettent à la porte (pour le coup la Corée est plus radicale que nos lois permettant des situations à la Tanguy !), il va de petit boulot en petit boulot, jusqu'à devenir SDF et de plus en plus désintéressé par la vie, tout simplement. Parce qu'un vieux sage lui a dit que, le jour où il se sentirait « au bout », il trouverait une solution en allant au Centre d'études des primates en haut d'une petite montagne, il se rend là-bas sans trop savoir quoi y faire, et rencontre brièvement notre jeune soigneuse… mais ne trouve aucune réponse, et s'apprête à aller terminer ses jours dans un vallon tout proche.
Mais voilà : de son côté, la jeune soigneuse, Lee Jin-yi, est appelée avec son responsable en urgence pour récupérer une jeune bonobo qui s'est réfugiée dans un arbre après l'incendie de la grange où elle vivait, afin de l'amener au Centre où elle serait soignée. Sur la route retour vers le Centre, alors qu'elle tient la jeune bonobo, qu'elle a prénommée Jin entre-temps, endormie dans ses bras, leur camionnette est victime d'un grave accident de la route.
Au cours de cette nuit terrible, striée d'éclairs d'un orage, l'esprit de Lee Jin-yi s'engouffre dans le corps de Jin, aux côtés de l'esprit de celle-ci, tandis que le corps de la jeune femme est transporté aux soins intensifs. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais c'est tout le contraire, car Kim Minju, installé pour la nuit non loin du lieu du drame, perd brutalement ses pensées suicidaires, tout à coup poussé par un besoin d'intervenir… et c'est ainsi que tout commence réellement.

Cette longue introduction-résumé à mon commentaire montre que, contrairement à ce que j'ai pu lire dans différentes présentations ici ou là, on a dans ce livre bien plus qu'une fable écolo-animalière. On a certes une histoire aux limites du fantastique, peut-être d'une certaine folie aussi, dans la dualité entre les esprits de Jin et de Lee Jin-yi qui, sans communiquer au sens où on l'entend, vont quand même « se rencontrer », d'une façon de plus en plus critique… tandis que Kim Minju, le grand oublié des synopsis, est un personnage secondaire indispensable, narrateur à la 1re personne du singulier en alternance avec la guérisseuse-bonobo, qui va permettre à toute l'histoire d'avancer concrètement, tandis que sa propre vie, sans devenir passionnante pour autant, prend peu à peu un sens inattendu. C'est paradoxalement cet être asocial, au ban de notre société (car dans ce livre, la société coréenne ressemble terriblement à la nôtre, à part quelques détails ici ou là), qui va être le plus « humain », le plus ouvert d'esprit face à l'incroyable qui arrive à Lee Jin-yi perdue dans le corps de Jin…

Oh, bien sûr, on a aussi toute la dénonciation du trafic d'êtres vivants (car, si notre jeune bonobo est bien la vedette, il est aussi question de quelques autres animaux, qui ne devraient jamais se trouver enfermés dans une grange chez un particulier !!) : la capture ahurissante et terriblement anxiogène dans son lieu de vie, cette nature sauvage ; les conditions épouvantable du voyage transcontinental et puis de détention, dans l'irrespect le plus total des besoins de ces animaux ! Et c'est particulièrement bouleversant par le fait qu'il s'agit d'une jeune bonobo, qui fait partie de cette famille des « grands singes », et la plus proche génétiquement de l'être humain ! À ce sujet d'ailleurs, le récit est extrêmement bien documenté. On apprend des tas de choses, qu'on a peut-être déjà pu voir dans l'un ou l'autre documentaire – la structure sociale d'une communauté de bonobos, la naissance d'un jeune au sein d'une famille… mais aussi toutes les émotions que peut ressentir l'un de ces hominidés, et c'est encore plus terrible quand on entre dans le corps de Jin avec Lee Jin-yi ! Je ne savais pas, par exemple, que les singes (en tout cas les chimpanzés et les bonobos) étaient capables de pleurer, de verser de vraies larmes…j'ai été soufflée, et j'en avais moi-même les larmes aux yeux !

Le tout est porté par une écriture poétique et visuelle : quand elle évoque la vie de Jin dans la jungle, on y est réellement avec elle… mais même dans les moments terribles, c'est une langue pleine de douceur – une douceur terrible, je n'aurais jamais pensé associer ces deux mots avant d'avoir lu ce livre ! – , une sensibilité vibrante qui sonne juste, c'est réellement un goût de beauté malgré les événements durs qu'elle décrit. Elle est aussi assez didactique, notamment dans tous ces passages qui expliquent la vie des grands singes… ou ceux qui récapitulent l'avancée de la situation de Lee Jin-yi ou de Kim Minju. Ce n'est jamais barbant, mais il y a régulièrement ce souci de redire en quelques mots où on en est dans l'histoire, au cas où le lecteur aurait oublié peut-être… ça m'a frappée car j'avais déjà eu ce même sentiment à la lecture d'un autre roman d'un auteur d'Extrême-Orient – même si ce dernier, un policier chinois, n'avait rien à voir avec cette fable contemporaine coréenne ! Cependant, on trouve en commun ce souci de « faire le point » pour le lecteur à quelques moments-clés, sur quelques événements qu'on avait pourtant bien suivis, mais ainsi aucun défaut de mémoire n'est possible et on continue tranquillement, avec tous les éléments bien clairs à l'esprit : c'est peut-être un chouïa trop, mais en tout cas c'est bien agréable !

C'est donc un très beau livre, à la couverture superbe quel que soit le format, qui raconte une histoire aux allures de fable pleine de sensibilité, tout à la fois réaliste et très bien documentée sur la vie des grands singes et des bonobos en particulier. Sa langue poétique, qui fait vibrer son souci pour ces êtres si proches de nous, en fait une magnifique histoire, à lire absolument pour le plaisir de la beauté.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}