Citations sur Le jardinier de Sarajevo (15)
Mais personne ne frappa à la porte, si bien que rien, hormis le grondement, fond sonore de ce film à suspense, ne vint confirmer qu'il y avait encore des raisons d'espérer ou qu'il était nécessaire d'apprivoiser l'effroi afin de pouvoir reprendre son souffle après l'irrémédiable.
La vie n'a de valeur que dans la mesure où on sait qu'on la possède, au demeurant, la mort vous surprend toujours à l'improviste, on ne sait même pas qu'on a vécu et ce qu'on représentait pour soi-même et les autres.
Le fait que des gens aussi différents puissent vivre dans un même lieu sans que leur diversité ne leur soit un fardeau lui procurait même un certain plaisir, une satisfaction qui, en raison de son caractère superficiel et immédiat, n'était pas sans rappeler celle qu'on éprouverait dans la salle d'attente d'une gare où les trains seraient en partance pour l'enfer et le paradis.
La mort de ma grand-mère fut le dernier îlot de tristesse dans le monde serein de l'enfance. Les ténèbres qui tombèrent ensuite furent les ténèbres de la maturation et, plus encore, les ténèbres annonciatrices du cataclysme, d'une époque où les morts sont nombreuses, les souffrances interminables et les agonies brèves. Personne n'a pu s'habituer à la mort, car en temps de guerre on n'a pas le temps de faire son deuil.
Peut-être ne sommes-nous encore qu'un sac de chair vive qui se nourrit de tristesse, de la nostalgie des petites choses oubliées, et qui, devant les événements importants de l'existence, tressaute comme un moteur sur le point de s'éteindre.
La vie n'a de valeur que dans la mesure où on sait qu'on la possède ; au demeurant, la mort vous surprend toujours à l'improviste, on ne sait même pas qu'on a vécu et ce qu'on représentait pour soi-même et les autres.
Il n'y a que dans les lettres que l'on peut sans doute dire ce genre de choses. Ce qu'on écrit par ailleurs n'est que tentative visant à créer le cadre d'une nouvelle réalité, à trouver le moyen de trancher la vie, sans que cela fasse trop mal. En deux morceaux, celle qui est révolue et qu'il convient d'oublier, et celle à venir où, comme dans les contes de fée, tout un chacun vivra heureux jusqu'à la fin de ses jours.
C'était comme une granule, un dérivé de tristesse inoffensif, une amande amère fourrée de cyanure.
La nuit, seul le ciel est encore lumineux. Il éclaire les maisons, les tours, les poteaux télégraphiques, se faufile dans la ramure, souligne d'un traits d'encre de Chine la silhouette des rares passants, ce brave ciel, rempart contre l'obscurité.
En lisant ces lignes, caresse tes livres, étranger, aie pour eux de la tendresse et souviens-toi qu'ils ne sont que poussière.
On ne peut dresser la liste de toutes les bibliothèques familiales qui ont été incendiées à Sarajevo, personne ne saurait s'en souvenir. et qui donc s'en soucie. Mais on se souviendra du sort de la bibliothèque universitaire de Sarajevo, du célèbre Conseil, dont les ouvrages ont brûlé pendant tout un jour et toute une nuit. Flammes surpassant toutes les flammes, feu au-dessus de tous les feux, cendres et poussière du mythe de la fin. Cela s'est produit il y a juste un an, après qu'on eut entendu un sifflement et une explosion.