16.
Lettres de Sarajevo
Anna Cataldi
3.17★
(8)
Préface de Bernard Kouchner
Dans Sarajevo assiégé, plus d'eau, plus de courrier, plus d'électricité, Plus de téléphone, plus de courrier. Quelques lettres, clandestinement confiées aux journalistes, parviennent à sortir. Elles sont le fil ténu qui relie les habitants de la ville à leurs proches dispersés dans le monde. Elles sont également le témoignage le plus exact de la tragédie en cours, depuis avril. Depuis un temps infini...
Par L'Express, publié le 13/05/1993
La scène se passe au milieu des étals de Ciglane, marché de misère de Sarajevo, un jour de décembre 1992. Un colosse sans âge, las et voûté, nous tend une enveloppe fripée. «Voilà des semaines, explique-t-il dans un allemand rudimentaire, que je cherche un étranger de passage, quelqu'un à qui confier cette lettre pour mon fils installé aux Etats-Unis. Qu'au moins il sache que je suis vivant. Ou que je l'étais encore à ce jour.» Pour lui, comme pour tous les rescapés d'une cité assiégée depuis treize mois, coupée du monde, le courrier, envoyé ou reçu, tient du miracle. L'unique lien, aléatoire et ténu, avec les siens. Le 21 mai, les éditions Liana Levi publient «Lettres de Sarajevo», recueil de missives et de témoignages réunis par Anna Cataldi (1). Autant de bouteilles à la mer, tantôt dépouillées, tantôt érudites. Toutes poignantes, empreintes du même sentiment d'abandon, de la même désespérance. Parfois teintées d'humour, cette «politesse du désespoir». Elles racontent la survie au jour le jour, le froid, la faim, les obus, la mort. Récit plus accablant, souvent, que les tirades stériles de nos maîtres à penser, que les indignations plus ou moins sincères des puissants. En exclusivité, L'Express reproduit quelques-uns de ces courriers, à lire comme des appels ou comme des testaments. (1) «Lettres de Sarajevo», éditions Liana Levi, 192 pages, 100 F. Préface de Bernard Kouchner. La moitié des bénéfices de la vente ira à l'Unicef.