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EAN : 9782330048723
253 pages
Actes Sud (11/03/2015)
4.25/5   6 notes
Résumé :


Tentative d'élucidation d'une vie minuscule frappée par la tragédie, le nouveau roman de Jergovi nous embarque à bord de la Volga de Dzelal, pour le trajet hebdomadaire qui l'emmène à Livno, vers la grande prière du vendredi à la mosquée locale.

Vrai-faux road book construit sur la collision entre l'invocation intime d'une blessure insurmontable et sa reconstitution objective sous forme de dossier documentaire, Volga, Volga dresse le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Dur, dur d'être chauffeur pour l'Armée populaire yougoslave dans les années 70-80.
Il s'appelle Dželal Pljevljak et travaille depuis trente-cinq ans pour l'armée en tant qu'employé civil. Un homme triste, pieux musulman il se rend chaque vendredi avec sa Volga, de son lieu de travaille à Split, à la mosquée de Livno pour la prière du vendredi.
La Volga c'est une M24 noire, modèle 1971, qui brille dans la pénombre "comme un piano à queue ". Une voiture russe puissante mais qui consomme trop, achetée au général Musadik Karamujić, qui lui a vendue bon marché quand il pris sa retraite. Voici les trois caractères du début de cette histoire dans le contexte d'une Yougoslavie au bord du gouffre, à la veille de la terrible guerre et de ses génocides des années 90. Tito est mort en 1980, la période " nous sommes tous frères " est déjà achevée depuis longtemps et le racisme entre les trois ethnies, Bosniaque, Croate et Serbe se fait ouvertement sentir.
La route de Pljevljak croise un imam arabe, une famille bosniaque nombreuse,les Fatumić,dont le grand-père Osman Fatumić, deux personnages à l'histoire rocambolesque .....on va en rencontrer d'autres avec des histoires similaires ...on se croirait dans les films de Kusturica....ce doit être la marque du pays...
Le personnage de Pljevljak reste un mystère, d'où vient sa tristesse ? Comment cet homme qui buvait, mangeait du porc....est devenu en quinze année, un fervent musulman ? Il semble seul, pourtant il dit qu'il n'est pas célibataire ?? ......" Je suis longtemps resté seul, mais je ne veux ni penser aux origines de ma solitude ni en parler...", "je passe d'une tristesse à l'autre, en tentant d'oublier la première, la plus grande et la plus douloureuse, que je n'évoque pas…"
Notre coquin d'écrivain va nous surprendre......et plus d'une fois.....


Jerkovic nous déploie, une gigantesque fresque de la Yougoslavie sur presque un siècle, truffée de légendes et de croyances populaire, une mosaïque de divers cultures ethniques et religieuses (les maisons, celle du Croate tout à sa place, protégée, celle du Bosniaque, non terminée, sans barrières, avec "Devant la porte d'entrée, une trentaine de paires de vieilles chaussures et de pantoufles aux contreforts écrasés et sans lacets."). Avec une prose garnie de mots du turc ancien, -effendi ( monsieur), ahbab ( ami ), saf (rang), sarık ( turban ), mezar ( tombe ) - Shaytan ( le diable ), janaza ( funérailles ).....il nous relate l'histoire complexe d'un homme dont le destin est indéniablement lié à celui de son pays tout autant complexe, morcelé et condamné à une guerre sans fin, où les notions d'identité, de destin, de péché, d'appartenance à une communauté, sont constamment remises en question. Un pays où chacun espionne l'autre et où la violence a toujours été monnaie courante. Purges ethniques, viols ou autres de la période 1991- 2001 semblent faire partis de leur folklore, et la haine sous-jacente entre eux était déjà là depuis des décennies. Jerkovic raconte tout cela avec beaucoup de pep, il n'y manque que la musique de Goran Bregovic, la bande sonore des films de Kusturica.


Si vous voulez lire un livre intelligent et prendre du bon temps les livres de Miljenko Jerkovic sont pour vous. Pour qui ne l'a jamais lu je conseillerais d'initier avec "Buick Riviera", eh oui toujours les voitures :), apparemment il les aime !
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Pour mon premier livre de Miljenko Jergovic, je commets probablement l'erreur d'opter pour son dernier "Volga, Volga "au lieu de "Buick Riviera", sorti 7 ans plus tôt. Surtout qu'à comparer les caractéristiques de la belle américaine à l'ersatz fabriqué à Nijni Novgerod - de 1932 à 1991 très littérairement appelée Gorki, d'après l'auteur Maxime Gorki - dans la région du bas-Volga, il n'y a pas vraiment le choix, à moins d'être un membre nostalgique de l'ex nomenclature. C'est assurément la photo qu'Actes Sud a mise en couverture de ce monstre à 4 roues qui m'a fais dévier de toute logique.

Je regrette d'avoir découvert cet écrivain si tard : presque 3 décennies après la parution de son premier ouvrage, en 1988, et au bout de 26 livres avant sa Volga. le fait qu'un certain nombre n'existe qu'en croate/bosniaque me console un peu, quoi que 6 ont été bel et bien traduits en français.

À part son oeuvre, il y a l'homme et Miljenko Jergovic est 'un cas' à plus d'un titre.

À commencer par sa ville natale, Sarajevo, où il est né en 1966 et où il ne veut plus vivre depuis l'horrible siège par les Serbes qui a duré 43 longs mois (1992-1995). Qu'il préfère Split ou Zagreb se comprend ne fût-ce que pour éviter le cauchemar des courageux tireurs d'élite serbes, qui, cachés dans la montagne environnante, s'amusaient à canarder les civils locaux qui s'aventuraient dehors pour aller acheter du pain. Les témoignages de cet abominable épisode sont légion. Je me limite à 3 : le très émouvant et authentique témoignage de la très jeune Zlata Filippovic "Le Journal de Zlata" ; le captivant "Mort à Sarajevo", l'histoire d'un 'sniper' relaté par le journaliste-écrivain américain Dan Fesperman, qui se lit comme un bon thriller et de la croate Slavenka Drakulic (célèbre pour son "Je ne suis pas là") "They Would Never Hurt a Fly" (Ils ne feraient pas de mal à une mouche) sur le procès de ces criminels de guerre à La Haye.

Miljenko Jergovic, homme aux idées fortes qu'il n'a pas comme habitude de relativer et encore moins de cacher, est entré en conflit ouvert avec d'autres artistes du Balkan. Notamment le cinéaste Émir Kusturica, sarajévien comme lui et hautement apprécié au Festival de Cannes, où il a obtenu la Palme d'or pour son "Papa est en voyage d'affaires" et celui de la mise en scène pour son merveilleux "Le Temps des Gitans". Dans ses déclarations comme dans ses oeuvres la réalité balkanique est toujours très présente, et il s'offusque aisément pour ce qui'il considère être des déviations politiques ou idéologiques. Tout comme la faiblesse humaine, qui, dans ses yeux, est inacceptable. Que ses critiques lui reprochent d'être pédant et de jouer trop souvent le monsieur-je-sais-tout est le prix à payer pour ses prises de positions parfois radicales. Quoi qu'il en soit, sa grande qualité réside, à mon avis, dans son art de créer une atmosphère ou l'individu est ou se sent marginalisé. Fréquemment il s'agit de croates ou bosniaques à l'étranger. Comme son héros, Hasan, en Oregon aux États-Unis par exemple, qui passe un temps fou à réparer et fignoler son 'oldtimer' de bagnole, ce qui irrite non seulement copieusement ses voisins, mais aussi son épouse qui le met devant l'alternative : elle ou son antiquité.

Autre qualité de notre auteur balkanique : son goût pour l'ironie et l'humour qui sont rarement absents dans ses ouvrages. Humour parfois cynique, parfois même grotesque comme dans les tableaux de Jérôme Bosch, mais qui bizarrement contribue à alléger cette atmosphère si importante pour lui. Bref, un humour proche de la mystification, un ingrédient cher à 2 prix Nobel : le péruvien Mario Vargas Llosa dans son "Pantaléon et les visiteuses" et l'auteur turc Orhan Pamuk dans son chef-d'oeuvre "Neige" de 2002, pour ne citer que ces deux.

Dans son pays, Jergovic a raflé pratiquement tous les prix littéraires existants, mais aussi dans d'autres pays ses qualités littéraires et autres ont été reconnues. Ainsi, tels Svetlana Alexievitch, Henning Mankell et Tahar Ben Jelloun, il a reçu, en 1995, le Erich-Maria-Remarque Prix de la Paix à Osnabrück en Allemagne pour son ouvrage "Le jardinier de Sarajevo".

Je vous invite donc à prendre place à côté de Dželal Pljevlak à bord de sa Volga, lorsqu'il couvre les presque 100 km de Split sur la côte dalmatienne à Livno dans les Alpes dinariques pour sa visite hebdomadaire à la grande mosquée. Ces 2 heures de route sont l'occasion pour l'héros de ce roman de commémorer des épisodes de l'histoire mouvementée de cette partie du globe, tout en passant d'autres, étrangement, un brin trop en vitesse ou sous silence. Comme quoi si la guerre détruit tout sauf les souvenirs, ce n'est apparemment pas le cas de tous les souvenirs !
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Je ne sais pas vous, mais moi je me verrais bien au volant de cette Volga M24 "qui brillait au soleil tel un piano à queue ", pour un périple dans les Balkans, par temps de paix si possible... C'est à peu près ce que nous offre l'auteur puisque l'action se situe en partie à la fin des années 80 alors que la montée des nationalismes se fait de plus en plus pressante et que ce qui reste de la Yougoslavie ne s'est pas encore complètement embrasé.


C'est une Volga, vendue par le général Karamujić, qui va changer le destin de Dželal, lui permettant chaque semaine de faire le trajet Split-Livno afin d'assister à la grande prière du vendredi. Dželal, en apparence homme discret, assez solitaire, respectueux, pieux musulman, est pourtant empreint d'une tristesse dont nous ne saurons rien. Au volant de sa Volga, il aime se remémorer ses 35 années passées à l'armée comme chauffeur, réfléchir à la khutba (sermon) qu'il a écouté à la mosquée et à ses échanges avec le nouvel et mystérieux imam, tout en évitant consciencieusement de repenser à certains aspects de sa vie. Un jour, un des pneus éclate. Les Fatumić lui viennent en aide et il se lie d'amitié avec le vieil Osman et cette famille bosniaque, prend l'habitude de s'arrêter régulièrement chez eux pour apporter du chocolat aux enfants, et surtout écouter Osman lui raconter des histoires d'antant. Fin de la première partie qui se termine le 1er Janvier 1988, nous laissant présager un coup de tonnerre.


Première partie étrange, le personnage de Dželal comme à distance de ses émotions, un récit un peu désaffecté, retenu, contrastant avec une érudition religieuse étonnante. Mais peu à peu, entrée en scène de nouveaux et nombreux personnages, avec leur diversité, leur originalité, et là, la magie opère doucement, insidieusement. Puis soudain, la seconde partie vient nous cueillir, dynamise le récit, l'émulsifie. Elle se déroule en 1992 sous la forme d'une enquête journalistique concernant un fait divers qui, s'il a marqué les mémoires, a vite été relégué au second plan par la guerre. Bien entendu, ce fait divers a eu lieu le 1er Janvier 1988. L'enquête va venir éclairer petit à petit le lecteur et l'histoire de Dželal, lever les pans d'ombre et combler les frustrations qui entourent le récit un peu lisse qu'il nous faisait de sa vie. Et je n'en dévoilerai pas plus.


Miljenko Jergović, comme à son habitude, relate avec virtuosité la cohabitation et le chevauchement des cultures, plonge habilement dans les strates ottomanes et austro-hongroises du passé, nous balade dans cette mosaïque de peuples cimentée par Tito jusqu'en 1980. Et c'est avec érudition et subtilité qu'il fait glisser ses personnages d'une époque à une autre, dans le labyrinthe des alliances et des revirements où les protagonistes se fourvoient, voire se perdent parfois eux-mêmes.


Les allers-retours, qu'ils concernent les Oustachis de la Seconde Guerre mondiale ou la Yougoslavie de Tito, offrent des pages sombres et poétiques grâce au talent de conteur du vieil Osman, telle la belle histoire des chevaux sauvages de Golija, ; la présence discrète du chauffeur Dželal enregistre sans complaisance les petits arrangements des militaires avec le socialisme ; enfin, l'analyse factuelle rondement menée par les journalistes remet en perspective les événements, alors que les grondements de la guerre défilent à la télévision. Un roman à la construction sans faille, d'une tonalité virevoltante, excessive, sans être indigeste, et non dénuée d'humour.


Au final, une petite tragédie parmi tant d'autres, mais une terrible histoire, entre sacrifice et rédemption.
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La rédaction, sous forme de parcours mémoriel d'un vieil homme musulman au soir de sa vie (ce que l'on découvre peu à peu), traverse l'histoire et la géographie de ce qui était la Yougoslavie. Texte fait d'entrelacs de flashes back et d'incursions dans les drames historiques, un “pays” qui n'en a pas manqué, en est saturé à en mourir. Crimes, vengeance et non-dits, non-jugés, coexistence impossible, fuite improbable, haine certaine, ou quasiment. Oustachis, Tchetniks et partisans… Une joyeuse farandole de massacres et aussi d'amitiés, et plus si affinités. On devine chez l'auteur, il me semble, un mélange de tristes infinie teintée de vagues lueurs d'espoir, un luxe qui n'est pas à la portée de tous. Surtout quand les marchands de souvenirs et d'avenir étalent leurs reliques séculaires. Au lecteur de se retrouver dans ce cheminement pas toujours facile…
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J'ai commencé ce livre puis, je l'ai abandonné. Je l'ai repris et, je ne l'ai plus lâché. Je n'ai jamais rien lu de semblable.

Note de l'auteur : Volga, Volga est une fantaisie documentaire.

Voilà qui résume bien cet incroyable roman que je recommande hautement pour ses personnages, pour le développement de l'histoire et sa construction.



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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Dušan Drašković ressemblait à un peuple disparu, sans voix, sans langue et sans mémoire. Tout ce qu’on pouvait dire à son sujet semblait être le produit d’imaginations débordantes, de consciences troublées, de nerfs à vif, de rêves plombés. Comme si sa personne réelle n’avait jamais existé. C’est le sort des individus et des peuples massacrés sans appel, de tous ceux qui n’ont pas leur Miloš Kaludjerović pour les répertorier, classer et archiver.
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L’homme doit tenter d’échapper à son destin, disait-il.
Lui, il tentait de me cacher ma propre tristesse.
Et que pouvait-il savoir du destin, lui, communiste et mécréant ? Parfois j’ai l’impression qu’il en savait plus que l’imam de Livno. Et je me dis aussi que ce n’est pas un péché d’avoir cette impression-là.
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Lorsque, arrivant à son terme, un débat semblait n’aboutir à aucune conclusion –car jamais sous nos latitudes on ne renonce à sa théorie pour adopter celle d’un autre –, les discussions reprenaient de plus belle, souvent avec les mêmes intervenants mais dans un autre studio ou bien dans les pages d’une autre revue, à cette différence près que chaque nouveau débat repartait à un niveau inférieur sur la base d’hypothèses plus élémentaires, comme si les participants descendaient dans une grotte apparemment sans fond,......
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À l’âge de vingt et un ans, il essaya pour la première fois de se supprimer. Il dénuda un câble électrique, le passa autour de son cou et le ficha dans une prise. Le courant sauta dans tout le quartier.
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C’est étrange, la sérénité que la tristesse d’autrui peut nous apporter.
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Videos de Miljenko Jergovic (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Miljenko Jergovic
Le vendredi 13 juillet 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie de recevoir Emmanuel Ruben pour évoquer les récentes publications de "Le coeur de l'Europe" (éditions La Contre Allée) et de "Terminus Schengen" (éditions le Réalgar), et pour effectuer un parcours au sein de la littérature d'ex-Yougoslavie. Il évoquait Milos Crnjanski, Ivo Andric, Aleksandar Tisma, Danilo Kis, Milorad Pavic et David Albahari, tandis que le librairie Charybde 2 évoquait Faruk Sehic, Miljenko Jergovic et Goran Petrovic.
Ceci est l'enregistrement de la première heure de la rencontre.
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